La Libye, grand acheteur d’armes de la Tchécoslovaquie communiste
C’est la Libye, pays au seuil d’une guerre civile, qui figure actuellement à la une des journaux tchèques. Dans ce contexte les médias tchèques évoquent les relations entre la Libye et la Tchécoslovaquie communiste pendant la période de la normalisation, c’est-à-dire dans les années 1970 et 1980. Ce rappel historique révèle que les deux régimes arbitraires étaient liés surtout par l’ennemi commun mais aussi par des échanges commerciaux.
Dans le cadre de ces échanges, la Libye accueillait aussi un nombre important de spécialistes tchécoslovaques. L’historien Karel Sieber constate qu’il s’agissait notamment d’experts et instructeurs militaires :
« Au tournant des années 1970 il y avait dans ce pays quelque 850 officiers tchécoslovaques qui travaillaient dans des professions militaires dans des bases libyennes et assuraient l’entraînement des pilotes et des tankistes libyens. Il y avait cependant aussi des travailleurs civils. La société Geoindustria creusait en Libye des puits, la Compagnie des constructions routières y a construit une route, des médecins tchèques ont travaillé dans des cliniques de Missourata et de Tripoli. »
Toute une gamme d’articles a fait l’objet des échanges commerciaux entre la Tchécoslovaquie et la Libye mais l’armement était toujours l’article prédominant. Au cours des années 1970 la valeur de ces exportations a dépassé 4 milliards de couronnes tchécoslovaques de l’époque. Les deux régimes étaient cependant bien différents sur beaucoup de points et, selon Karel Sieber, il n’était pas facile pour eux de trouver un terrain de collaboration.
« Les deux pays avaient des ennemis communs. C’étaient Israël, les Etats-Unis et l’Occident en général. Mouammar Kadhafi n’est jamais arrivé à une véritable entente avec les leaders communistes à cause de son socialisme islamique qui était tout à fait spécial. Il leur proposait par exemple de construire une mosquée à Prague ou de célébrer la Fête du Travail non pas le 1er mai mais le 1er septembre, date anniversaire de la Révolution islamique. Evidemment les dirigeants communistes ne voyaient pas d’un bon oeil de telles propositions. Les seuls éléments d’union entre les deux parties n’étaient donc que l’ennemi commun et les grandes commandes d’armements. »
Pour donner un sceau officiel à ces relations, Mouammar Kadhafi a visité la Tchécoslovaquie à deux reprises en 1978 et 1982 et a été reçu avec tous les honneurs par le président Gustav Husak. Ce dernier, qui ne voyageait que rarement, s’est pourtant rendu en Libye en 1981. Les tentatives de raffermir les relations mutuelles et de collaborer dans de nombreux domaines ont été donc nombreuses et les deux régimes cherchaient aussi à se rapprocher sur le plan idéologique. Karel Sieber constate par exemple qu’il y a eu même des tentatives de créer des liens idéologiques artificiels et de chercher un dénominateur commun dans la Révolution verte en Libye. Cela posait cependant de grands problèmes sur le plan organisationnel parce qu’en Libye il n’y avait pas un parti au pouvoir :« Le Parti communiste était capable de négocier avec un parti non communiste, comme en Irak par exemple où il négociait avec des partis nationaux démocratiques, mais il cherchait à baser ces contacts sur les relations entre partis politiques. L’absence de parti au pouvoir en Libye était donc très désagréable pour les communistes tchécoslovaques. »Malgré cela, la Tchécoslovaquie a exporté en Libye des centaines d’avions, de chars ou de lance-roquettes. Ces livraisons n’ont jamais été entièrement payées. Aujourd’hui encore la Libye doit à la Tchéquie 4,5 milliards de couronnes, quelque 180 millions d’euros.