La loi sur la fonction publique risque un véto présidentiel

Miloš Zeman, photo: ČTK

La République tchèque est le seul pays de l’Union européenne n’ayant pas encore mis en place une loi sur la fonction publique et les débats sur la forme finale que prendra ce texte sont toujours en cours. Le président de la République Miloš Zeman s’est adressé aux députés ce mardi pour exprimer ses réserves vis-à-vis de plusieurs dispositions de cette loi. Dans le compromis trouvé par la coalition gouvernementale avec les partis d’opposition, le chef d’Etat a surtout critiqué l’existence d’ « adjoints politiques » dans les ministères. Il s’est dit prêt à apposer son veto à la loi voire à saisir la Cour constitutionnelle si la loi est approuvée de nouveau.

Miloš Zeman,  photo: ČTK
Dans son discours prononcé devant la Chambre des députés, Miloš Zeman a d’abord rappelé sa promesse électorale d’utiliser avec parcimonie son droit de veto. Néanmoins, le projet de loi sur la fonction publique dans sa forme actuelle mérite, selon lui, cette sanction suprême. Il en explique la raison :

« Je suis convaincu que le projet de loi actuel ne sert pas à dépolitiser la fonction publique, mais qu’au contraire, il la politise davantage. Ce n’est pas la suppression de la Direction de la fonction publique qui me gêne le plus, même si un équivalent de cet organe supervisant les nominations des fonctionnaires existe en Grande Bretagne et d’une certaine manière aussi en France. La véritable politisation de la fonction publique est contenue dans les paragraphes 53 et 55 de cette loi. »

Le paragraphe 53 définit la procédure de nomination des adjoints aux ministères. Il stipule d’abord que le secrétaire d’Etat, qui est chargé de superviser les autres nominations, est nommé par le gouvernement sur la proposition du ministre concerné. Pour Miloš Zeman, ce procédé ne dépolitise pas le poste de secrétaire d’Etat car le ministre choisira forcément un de ses loyaux collaborateurs. Le paragraphe 55 traite de la nomination des adjoints dits experts. Ceux-ci sont sélectionnés par un jury de quatre personnes dont deux sont nommées par le ministre en question et les deux autres par le secrétaire d’Etat, le même qui a auparavant été sélectionné par le ministre.

Miloš Zeman conclut :

« Il y a le danger que les secrétaires d’Etat comme les adjoints experts se retrouvent sous une influence politique très forte et qu’ils soient conscients du fait que sans cette influence, ils n’ont pas de fortes chances de réussir. »

Néanmoins, la clause qui justifierait le veto présidentiel ou la saisine de la Cour constitutionnelle est le paragraphe numéro 174 qui permet à chaque ministre d’avoir deux adjoints que Miloš Zeman qualifie de « politiques ».

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« Le paragraphe 174 donne le droit à chaque ministre d’avoir deux adjoints politiques sans qu’il définisse leur mandat ou compétences. Ils devraient représenter le ministre dans différentes réunions. Mais de quelles réunions s’agit-il ? Les ministres prennent souvent leurs vacances en même temps et ils peuvent organiser leurs voyages à l’étranger en fonction de l’importance des sujets débattus au conseil des ministres. Bref, le rôle de cet adjoint est si peu clair que son existence constitue pour moi une raison pour opposer à ce projet de loi mon droit de veto. »

En réponse aux réserves exprimées par le chef de l’Etat, Jan Bartošek, le vice-président de la Chambre des députés du parti chrétien-démocrate, a déclaré que la coalition gouvernementale pourrait revoir le texte de loi pour satisfaire les souhaits de Miloš Zeman. Le chef de la formation ANO, Andrej Babiš s’est exprimé dans le même sens mais il est aussitôt revenu sur son propos. Le ministre chargé des droits de l’homme et critique du présent compromis, Jiří Dienstbier, a souligné que la seule suppression de l’article 174 demandée par le président ne servirait pas à dépolitiser la fonction publique. Ainsi, la loi sur la fonction publique se trouve à nouveau sur l’agenda du conseil des ministres de ce mercredi et probablement pas pour la dernière fois.