La musique sous la tyrannie

Une série de trois concerts évoquant les pires années du stalinisme en Union soviétique est donnée, au mois de janvier, à Prague.

Des séquences des films "Ivan le Terrible", "La Chute de Berlin" et les portraits de Staline ont accompagné, ce mardi, le concert de l'Orchestre philharmonique tchèque dans la grande salle du Rudolfinum. C'est à l'initiative du directeur musical de cet orchestre, Vladimir Ashkenazy, qu'on a décidé de rappeler le rôle d'encenseur auquel on a réduit l'art et la musique sous le régime dictatorial. Les trois concerts démontrent que les grands compositeurs russes, notamment Prokofiev et Chostakovitch, vivaient dans la peur des représailles. Bien qu'ils n'aient échappé que par miracle à la déportation, ils ne se sont pas laissés dompter. Certes, ils ont composé pour survivre des oeuvres de circonstance croulant sous un lourd fardeau idéologique et célébrant le culte de la personnalité, mais ils ont profité aussi de chaque possibilité pour créer des oeuvres sincères et profondes. Ainsi le public du Rudolfinum a eu l'occasion de comparer la grandiloquence des cantates célébrant les exploits du généralissime Staline aux oeuvres dénonçant, après la mort du tyran, le mensonge et la peur qui persistaient dans la société soviétique. On a pu voir, entre autres, la séquence finale du film "La Chute de Berlin" dans laquelle Staline en veste blanche reçoit, tel un monarque, les hommages du peuple soviétique, tout cela rehaussé encore par la musique de Chostakovitch. Mais on a pu entendre également les oeuvres comme la 13ème symphonie ou une version orchestrée du quatuor à cordes numéro 8. Dans ces oeuvres le même compositeur a réussi à exprimer avec force non seulement l'angoisse horrible de l'époque stalinienne mais a fait entrevoir aussi une lueur d'espoir.