La Nouvelle Ville de Prague fête ses 660 ans
Un autre anniversaire en « 8 » que nous commémorons cette année, la fondation de la Nouvelle Ville de Prague, il y a de cela 660 ans. Les célébrations organisées par la mairie du 1er arrondissement, couvrant une grande partie de la Nouvelle Ville qui se partage encore entre les 2e et 3e arrondissements, étaient grandioses, le 9 mars dernier, date de signature du décret de fondation d’une ville neuve par le roi Charles IV. On écoute le maire de Prague 1 Petr Hejma :
« Nous voulons mettre en évidence certaines connotations historiques, célébrer cet anniversaire et exprimer la fierté de notre arrondissement, Prague 1, où il fait bon vivre… »
Le défilé de l’empereur Charles IV en costumes historiques accompagné d’un cortège de jongleurs, cracheurs de feu, danseurs et musiciens a traversé le centre ville jusqu’à l’île de Sophie – Žofín, où une cité médiévale authentique avait été érigée à l’occasion du 660e anniversaire de la fondation de la Nouvelle Ville de Prague, avec des marchés, des démonstrations de métiers et des duels. Une ancienne coutume répandue au Moyen-âge y a aussi été reconstituée, raconte Petr Hejma :
« Il s’agit de la coutume de plonger les échevins dans les eaux de la Vltava pour les punir de ne pas avoir mis en pratique leurs promesses. Moi aussi je devrai répondre de mes actes et si on estime que je ne les ai pas accomplis correctement, je devrais subir, symboliquement, la même peine, celle d’être plongé dans la Vltava. »
Heureusement, cela n’a pas été le cas. Quant aux plans d’édification de la Nouvelle Ville, ils ont été réalisés, eux, en 20 ans. Lorsque le 8 mars 1348, le roi de Bohême et empereur du Saint-Empire romain germanique Charles IV a signé le décret de fondation, moins de 18 jours se sont écoulés avant que la première pierre de la nouvelle ville soit posée. Quel était son objectif, nous citons un extrait du décret :
« Nous voulons et commandons que l’on construise une ville qui s’appellera Nouvelle Ville et que ses habitants disposent en toute propriété de tout l’espace compris entre la Vieille Ville et les murailles dont nous ceindrons la Nouvelle Ville ; et qu’ils aient toute liberté d’y construire des maisons avec des dépendances. »
La fondation de la Nouvelle Ville était un projet urbanistique de grande ampleur qui avait un goût de jamais vu à l’époque. Charles IV a réuni en un seul ensemble 4 « villes » pragoises : la Vieille Ville, le quartier du château appelé Hradčany et le quartier de Malá Strana – le Petit côté. Les plans ont été travaillés dans le moindre détail : la ville neuve située dans la courbe de la Vltava a été entourée de remparts longs de 3,5 km, refermant une superficie de 360 hectares. L’accès de la ville se faisait par quatre portes en forme de tours : Koňská, Horská, Poříčská et Žitná. Bien qu’elles aient disparu depuis, les noms de rues témoignent de leur existence, encore aujourd’hui.
Le système de rues de la Nouvelle Ville, unique en son genre à l’époque, s’est maintenu jusqu’à présent. Chaque rue ayant sa fonction s’articulait autour de trois grandes places centrales, autrefois des marchés : le marché aux Chevaux, l’actuelle place Venceslas. La deuxième place, au bas de la Nouvelle Ville, surnommée Senný – le marché au Foins, a gardé son nom un peu modifié jusqu’à présent où elle s’appelle Senovážný. La partie haute de la Nouvelle Ville avait pour dominante le marché au Bétail, rebaptisée en 1848 place Charles, en mémoire de son fondateur. Cette place était conçue comme un centre de la nouvelle cité et c’est pour cela qu’elle est aujourd’hui encore la plus grande place de Prague et que l’empereur a fait édifier l’hôtel de ville de la Nouvelle Ville qui reste le siège du pouvoir administratif jusqu’en 1784.Un événement mouvementé de l’histoire tchèque connu sous le nom de la première défenestration de Prague s’attache à ce bâtiment : le 30 juillet 1419, une foule de combattants hussites se réunit au pied de l’hôtel de ville pour manifester en faveur de la libération des hussites radicaux. Les combattants prennent d’assaut la mairie pour défenestrer les échevins. Avec la première défenestration de Prague démarre la révolution hussite.
Sur la place Charles entourée de légendes dont l’une dit que Charles IV s’est inspiré pour sa fondation de la place centrale de Jérusalem, on trouve aussi la fameuse maison Faust. Bien que nul Faust n’y ait vécu, en réalité, ni signé un pacte avec le diable, l’histoire de la maison et sa visite n’en est pas moins fascinante : en 1590, la maison fut achetée par l’alchimiste anglais Edward Kelly, invité à Prague par l’empereur Rodolphe II, mécène des arts et des sciences occultes et c’est probablement ainsi que la légende est née. Une chose est certaine : lorsqu’en 1944, une bombe est tombée sur la maison Faust, elle n’a pas explosé et on l’explique comme un miracle dû justement au génie de l’endroit…Un chapitre à part, les églises de la Nouvelle Ville. Leur fondation est pleine de symboles, comme il en est pour d’autres réalisations de Charles IV. Enserrée entre 7 collines, comme Rome, Prague est souvent comparée à la ville éternelle et cette inspiration est marquante sur trois principales églises érigées par lui : l’église Saint-Apollinaire, l’église d’Emmaüs et l’église de Karlov -Charlemagne. On écoute Kamil Novák, vicaire de l’église Saint-Apollinaire :
« La fondation de cette église s’inscrit dans tout un projet de Charles IV de bâtir un nouveau quartier, la Nouvelle Ville de Prague. Sa partie importante, c’est cette église Saint-Apollinaire et une autre, juste à côté, à Karlov. Charles IV a conçu son projet comme si c’était Jérusalem, en s’inspirant du temple de Jérusalem et donc, la montée c’est ici, au Saint-Apollinaire, alors que le pic, le but du chemin c’est à Karlov. »Charles IV a doté la 4e ville royale de Prague de nombreux privilèges. Pour inciter les gens à venir s’installer et bâtir cette ville, toute personne construisant une maison en moins de 12 mois était exemptée d’impôts pour 12 ans. La Nouvelle Ville devait notamment accueillir les forgerons, les brasseurs de bière, et d’autres artisans qui y construisaient leurs maisons. Or l’œuvre de Charles IV ne s’est pas arrêtée là. En avril 1348, il a fondé à Prague une université, l’une des premières au nord des Alpes. En 1378, dernière année de son règne, Prague comptait 40 000 habitants et figurait parmi les plus grandes villes d’Europe.