La pauvreté en République tchèque : ces chiffres qui ne disent pas tout
La pauvreté en République tchèque », tel était l’intitulé de la conférence qui s’est tenue ce mardi au Sénat et qui s’articulait autour de trois perspectives : la pauvreté en tant que problème social, la distribution régionale de la pauvreté et la pauvreté au travail. Au micro de Radio Prague, l’économiste Ilona Švihlíková et l’expert en développement régional Tomáš Tožička, deux intervenants à la conférence, se rejoignent dans leurs analyses respectives du phénomène de la pauvreté au niveau national et des implications de la mondialisation et des tendances macroéconomiques.
Dans sa contribution, Tomáš Tožička développe les effets de la globalisation qui a échoué à créer une société globale plus égale. Au contraire, elle produit des îlots de richesse et génère des océans de la pauvreté. Et la situation en République tchèque est analogue à celle qu’on retrouve au niveau mondial :
« La République tchèque n’est pas immunisée contre ce développement. Au niveau national, les centres de production, comme Mladá Boleslav, ou les centres d’administration, comme Prague, attirent les sièges des entreprises, des experts et des scientifiques d’excellence mais aussi le financement public. Paradoxalement, les régions, qui produisent les biens et génèrent une valeur ajoutée subventionnent ces centres déjà riches. Cette tendance s’accentue encore à Prague. La capitale reçoit plus d’argent public par habitant que les communes en régions, quand bien même ces régions sont confrontées à des défis économiques et sociaux plus graves. Les subventions devraient être égales par habitant ou alors les régions défavorisées devraient obtenir plus de moyens, par exemple 50% de plus par habitant que dans les zones plus riches. »La solution proposée par Tomáš Tožička consiste à créer plusieurs centres de production et de gestion sur le territoire, c’est-à-dire d’encourager le polycentrisme. Ilona Švihlíková complète son propos. Il faudrait d’un côté inciter l’entrepreneuriat social ainsi que différentes formes d’association coopérative. Par ailleurs, il faudrait accentuer l’empathie sociale entre les gens dès le plus jeune âge car, comme elle le constate, la pauvreté n’est pas seulement un grave problème social mais également un instrument de manipulation politique :
« Je considère que le terme de pauvreté est manipulé dans le discours public. En jouant sur une soi-disant rareté des ressources, les élites peuvent favoriser une rivalité entre les différents groupes dans la société avec une rhétorique qui vise à chaque fois un groupe différent susceptible de profiter des ressources publiques au détriment d’un autre groupe dans le sens suivant : « si on donne aux minorités, il ne nous reste plus des moyens pour les personnes à la retraite, etc. » C’est une stratégie très réussie dans le contexte tchèque. »Les contributions de tous les intervenants seront prochainement mises à disposition des lecteurs sur le site de l’Académie démocratique de Masaryk qui participait à l’organisation de la conférence.