Sous la pression, le gouvernement tchèque revoit ses quotas de travailleurs étrangers à la hausse

Pour combler, ne serait-ce que partiellement, la pénurie chronique de main-d’œuvre à laquelle sont confrontées de nombreuses entreprises, et répondre au défi du vieillissement de la population, le gouvernement tchèque souhaite attirer chaque année 20 000 travailleurs étrangers supplémentaires de pays tiers de l’Union européenne.

Qu’il s’agisse de l’industrie, des technologies de l’information, du bâtiment, de l’agriculture, du commerce, des services et de bien d’autres domaines encore, il manque de main-d’œuvre dans à peu près tous les principaux secteurs d’activité de l’économie tchèque. Ainsi, en septembre dernier, avec un taux de chômage de 3,6 %, selon les données du Bureau du Travail (l’équivalent de Pôle Emploi en France), tandis que 263 000 personnes étaient sans emploi, le nombre de postes vacants s’élevait, lui, à 282 000. Un chiffre qui ne donne cependant qu’une idée partielle de l’étendue de la pénurie, puisque plus des trois cinquièmes des employeurs ont recours à d’autres méthodes de recrutement et ne prennent même pas la peine d’annoncer leurs postes vacants au Bureau du travail.

Dans une Tchéquie qui compte traditionnellement parmi les pays les plus industralisés en Europe (en termes de production industrielle/produit intérieur brut), et dont l’économie est fortement orientée sur le commerce extérieur, les tensions sont donc toujours très vives, comme l’a concédé le ministre de l’Industrie et du Commerce, Josef Sikela, mercredi dernier, après que le gouvernement a approuvé sa proposition visant à augmenter les quotas de travailleurs étrangers devenus désormais quasiment indispensables :

Jozef Síkela | Photo: Bureau du Gouvernement tchèque

« La situation reste préoccupante sur le marché du travail et cette pénurie longue durée de main-d’œuvre est une conséquence du plein emploi qui handicape l’économie tchèque. De nombreuses entreprises doivent faire face non seulement à un personnel qualifié insuffisant mais aussi, il faut le reconnaître, non qualifié notamment dans les secteurs d’activité où les Tchèques ne sont plus intéressés de travailler. »

Experts hautement qualifiés, ingénieurs, médecins, infirmières, ouvriers spécialisés dans l’assemblage et le bâtiment ou même simples ouvriers manœuvre, tous seront plus que jamais encore les bienvenus en Tchéquie, comme en témoigne la décision du gouvernement de faire passer des 50 000 actuels à 70 000 le nombre de nouveaux visas qui pourront être délivrés à compter de l’année prochaine à des ressortissants de pays tiers de l’UE. Une décision qui s’inscrit dans la volonté de davantage satisfaire les demandes des entreprises, comme le confirme Marek Vošahlík, responsable de la communication au ministère de l’Industrie et du Commerce :

« Le taux de chômage en Tchéquie est sur le long terme un des plus faibles de toute l’Union européenne et les entreprises se plaignent de la pénurie de main-d’œuvra qualifiée qui a pour conséquence la baisse de la productivité sur le marché du travail et de la compétitivité par rapport aux autres pays. »

Au total, cinq programmes différents sont mis en œuvre depuis quelques années pour faciliter l’embauche et l’emploi de ces travailleurs étrangers issus de différentes régions du monde.

Depuis le lancement du programme plus généralement appelé « Employé qualifié », auquel ont recouru plus de 3 000 entreprises, ce sont près de 70 000 cartes dites de travail qui ont été délivrées.

Outre l’Ukraine, ces programmes dits de migration économique concernent essentiellement les Philippinesla Mongolie, l’Inde, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Géorgie, l’Arménie, la Moldavie, le Kazakhstan ou encore la Macédoine du Nord.

Si la décision d’augmenter les quotas a été saluée par la Chambre de commerce, celle-ci estime toutefois qu’elle ne permettra pas de résoudre à elle seule le problème structurel de l’économie tchèque. C’est pourquoi elle appelle aussi par exemple « à ne pas renoncer à instaurer des conditions plus favorables à l’emploi des femmes en congé de maternité ou des personnes âgées » ou encore « à trouver des moyens de libérer de nombreux salariés du piège de l’endettement et de les faire sortir de la zone grise pour réintégrer le marché du travail ».

Des réfugiés d’Ukraine | Photo: René Volfík,  ČRo

Par ailleurs, la Chambre de commerce estime à 240 000 le nombre de personnes d’âge actif qui auront quitté le marché du travail et seront parties à la retraite d’ici à dix ans.  « Compte tenu de l’évolution démographique défavorable de notre pays, il est clair que nous ne pourrons pas nous passer de l’aide des travailleurs étrangers sur le long terme », a d’ailleurs reconnu le ministre Jozef Sikel, et ce alors que seule la migration permet désormais de compenser un solde naturel négatif et que seule l’importante vague migratoire en provenance d’Ukraine en 2022, qui comprenait majoritairement des enfants et des femmes en âge de travailler, a légèrement fait ralentir le vieillissement de la population observé depuis le début des années 1980.

En 2022, selon le Bureau du travail, les Ukrainiens, avec près de 270 000 employés, étaient les travailleurs étrangers les plus nombreux en Tchéquie, devant même les Slovaques (213 000) et tous les autres ressortissants des pays membres de l’UE.