La politique régionale sous la baguette de femmes
Cette nouvelle revue de presse de la semaine écoulée propose d’abord deux regards sur les élections régionales qui se sont tenues en fin de semaine dernière. Nous reviendrons également sur le retentissement qu’a eu l’intervention de l’ex-Premier ministre Petr Pithart dans le cadre du 80e anniversaire de la naissance de Václav Havel. Nous avons également retenu un extrait d’une réflexion sur le rôle du Sénat dans le fonctionnement politique du pays, alors que la Chambre haute du Parlement a été constituée il y a vingt ans de cela, ou encore les échos qu’a eu dans la presse locale le décès du réalisateur polonais Andrzej Wajda.
« Et c’est aussi une autre femme qui a été une des candidates les plus médiatisées de ces élections : Dana Drábová. La directrice reconnue de l’Office national en charge de la sécurité nucléaire a défendu les couleurs du mouvement Les Maires et les Indépendants dans la région de Bohême centrale. Surnommée familièrement ‘la môme du nucléaire’, un surnom qui n’est pas pour lui déplaire, Dana Drábová a obtenu plus de 11 500 voix, soit un des meilleurs scores réalisés à l’échelle nationale ».
Les femmes ont réussi également au premier tour des élections sénatoriales partielles, dont le deuxième volet est prévu ces vendredi et samedi. En attendant les résultats, le Sénat, dont un tiers des 81 membres sera renouvelé, ne compte que 14 femmes actuellement. Toujours selon l’hebdomadaire Reflex, le Parti social-démocrate (ČSSD), qui affirme mettre l’accent sur une représentation accrue des femmes dans le monde politique sans pour autant disposer de politiciennes à la personnalité marquante, occupe une place à part.
L’irrationalité électorale en version tchèque
Les choix électoraux des Tchèques sont-ils dans une large mesure irrationnels ? Ont-ils tendance à négliger les faits et les mensonges ? Telles sont deux des questions que soulèvent le sociologue Jan Hartl dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Respekt. Jan Hartl précise :« Je pense que nous avons pris la voie d’une médiocrité généralisée, à l’instar de ce que à quoi nous assistons actuellement aux Etats-Unis. La différence en République tchèque cependant est que nous sommes dans une situation plus délicate en raison du caractère compliqué des élections américaines, où chaque électeur doit se faire enregistrer à l’avance. Chez nous, il suffit d’attiser des émotions dans la phase finale d’une campagne électorale pour convaincre une partie des électeurs qui ne sont pas très motivés. Nous sommes à mi-chemin entre l’Est et l’Ouest. Selon moi, les choix sont trop irrationnels. Les électeurs votent pour un candidat ou un parti sur la base d’émotions superficielles et vagues. Pas moins d’un tiers d’entre eux se décident au dernier moment. Mais je veux croire que nous nous trouvons là seulement à une croisée des chemins et je compte sur les initiatives en provenance de la société civique. »
Aux dires du sociologue Jan Hartl, ce qui manque aujourd’hui à la sphère politique tchèque, c’est une vision de l’avenir, car, ces derniers temps, seules les questions d’actualité sont au centre de l’intérêt, et non pas les sujets stratégiques et à plus long terme.
Petr Pithart, une intervention qui trouble les eaux
C’est ce que l’on peut appeler une intervention retentissante, et pas seulement sur les réseaux sociaux. Les déclarations faites la semaine dernière par Petr Pithart, ancien Premier ministre et ancien président du Sénat, dans le cadre du 80e anniversaire de la naissance de Václav Havel ne sont pas passées inaperçues. Portant un regard critique sur l’orientation actuelle du pays, Petr Pithart a appelé le gouvernement et son chef Bohuslav Sobotka à renouer avec le legs de Václav Havel et à faire preuve du même courage que celui-ci. Invité à préciser le fond de sa pensée quelques jours plus tard sur site aktualne.cz, Petr Pithart a expliqué :« Nous nous tournons vers des manières de faire et des valeurs qui ne sont pas occidentales mais plutôt orientales. Nous en sommes revenus à l’époque dite de ‘normalisation tardive’. Cela ne signifie pas que nous nous jettions directement dans les bras de Poutine. Nous ne nous dirigeons pas intentionnellement vers l’Est, nous nous éloignons plutôt timidement de l’Occident. Mais cela est du pareil au même. Nous avons affaire à une résignation involontaire. J’entends par là la sphère politique formée sur la base des choix électoraux faits par des millions de personnes. Je dis cela sans oublier qu’y a bien entendu également beaucoup de Tchèques qui sont des Européens brillants, des personnalités dont nous pouvons être fiers et qui mettent en valeur leur savoir-faire dans le monde dans les domaines de l’entreprise et de la science. »
Suite à ces propos, Petr Pithart affirme avoir reçu des centaines de messages dans lesquels les gens le félicitent pour son « courage » et son « audace ». Dans ce contexte, l’ex-chef du gouvernement se demande néanmoins pourquoi tous ces gens considèrent son discours comme une preuve d’audace et pensent que l’on ne peut plus agir de la sorte. « Que craignent-ils, en fait ? », se demande-t-il.
Enfant mal-aimé, le Sénat a vingt ans
Ces jours-ci, vingt ans se sont écoulés depuis la création du Sénat en République tchèque. Un texte publié dans l’édition de samedi dernier du quotidien Lidové noviny récapitule les hauts et les bas d’une institution qui n’a jamais bénéficé d’un grand prestige aux yeux du public, tout en soulignant son rôle d’assurance constitutionnelle. L’auteur du texte a écrit :« Les vingt ans d’existence du Sénat sont une période suffisamment longue pour pouvoir évaluer ce que l’on peut en attendre dans les années à venir, et ce tant qu’un quelconque véritable séïsme ne surviendra pas. Il ne faut pas s’attendre à ce que le Sénat apporte quelque chose de fondamental et encore moins de révolutionnaire, car il est appelé à rester ce qu’il est, c’est-à-dire une institution stable et sûre. Pour leur part, les sénateurs ne doivent pas se soumettre à ce qu’apporte l’écume des jours ou au clientélisme. S’il remplit cette fonction, cet enfant mal-aimé qui, autrefois, déplaisait tant à la majorité des acteurs de la scène politique tchèque qui ont tout fait pour en empêcher la création, pourra se réjouir d’un assez bon résultat. »
Le texte mentione aussi le fait que le Sénat, dont le siège se trouve au palais Wallenstein dans le quartier historique de Malá Strana, accorde à ce site d’importants soins permettant de sauvegarder sa valeur culturelle, tout en ouvrant occasionnellement ses portes au public.
Andrzej Wajda et les Tchèques
Il est rare qu’un Premier ministre et d’autres représentants politiques tchèques commentent le décès d’un artiste étranger. C’est pourtant ce qui s’est produit suite au départ d’Andrzej Wajda, décédé dimanche dernier à l’âge de 90 ans. Et c’est aussi ce que l’on a pu lire dans un article mis en ligne sur le site ihned.cz ; un des nombreux textes qui ont été consacrés au célèbre réalisateur polonais, dont les films étaient connus et très appréciés aussi des Tchèques. Cela prévaut notamment pour le film traitant du massacre de Katyn, un long-métrage qui est d’abord sorti dans les salles en Tchéquie avant d’être présenté à plusieurs reprises sur le petit écran. Dressant un bref récapitulatif de l’œuvre d’Andrzej Wajda, l’auteur de l’article signale à son sujet :« Andrzej Wajda était un patriote, un homme étroitement lié à la Pologne et à son histoire, une histoire dont il s’est inlassablement inspiré. Aujourd’hui, il y a de nouveaux réalisateurs qui proposent avec succès un regard polonais spécifique. Pour autant, Andrzej Wajda, en tant que ‘classique’ de la vision cinématographique polonaise, ne disparaîtra pas de la scène, car il demeure présent chez tous ses successeurs. Il faut le remercier sincèrement pour cette tradition, ainsi que pour un style et un regard inédits ».
Le site lidovky.cz a publié pour sa part les confessions de plusieurs personnalités tchèques du monde du cinéma, dont celle de Michal Bregant, directeur des Archives du film, qui a tenu à souligner :
« Lorsqu’un grand réalisateur de cinéma meurt, on parle habituellement de la fin d’une époque et on regrette que de tels créateurs n’existent plus. Le principal atout de Wajda était sa capacité à interconnecter des sujets polonais et européens. Grâce à cette approche dépourvue de tout provincialisme, Andrzej Wajda a suscité l’intérêt des spectateurs du monde entier. »