La presse s’interroge sur la sécurité du continent européen
La victoire d’Hillary Clinton lors des prochaines élections présidentielles américaines apLe jour J vu à la lumière des transformations de l’Europeporterait-t-elle plus de garantie à l’Europe en matière de sécurité ? Cette question hypothétique qui a été soulevée dans les médias locaux, est un des sujets de cette revue hebdomadaire de la presse tchèque. Nous avons aussi retenu une observation d’un historien en rapport avec le 70e anniversaire du débarquement de Normandie. La journaliste Milena Jesenská qui a trouvé la mort dans le camp de concentration de Ravensbruck a été un des rares intellectuels de gauche tchèques à avoir dénoncé déjà avant la Deuxième Guerre mondiale, le régime stalinien de l’URSS. Nous avons trouvé plus de détails dans un article paru dans un quotidien national. Les médias ont également rappelé la dernière exécution capitale qui a eu lieu dans l’ancienne Tchécoslovaquie, il y a 25 ans de cela.
« Pour l’Europe et pour la République tchèque, il est important de savoir quelle sera la politique étrangère de la prochaine administration américaine, à partir de l’an 2017, à la lumière du fait que le mandat présidentiel de Vladimir Poutine, dans le cas de sa réélection en 2018, pourrait se prolonger jusqu’en 2024. Depuis l’ère de Staline, il serait alors le maître du Kremlin le plus longtemps en fonction. Pour l’Europe, cela signifierait que pendant de longues années, elle aurait à percevoir l’Amérique comme un apport essentiel au poids géopolitique de l’Occident et comme une garantie nécessaire de sa sécurité. »
Il s’agit pour Daniel Anýž de savoir si Hillary Clinton pourra offrir des garanties plus sûres que celles que propose aujourd’hui Barack Obama. Sur ce point, il estime :
« En tant que femme, Hillary Clinton pourrait se présenter tout de même comme un policier plus fort et plus conscient que Barack Obama... Ce ne sont pas seulement ses écrits les plus récents, mais également les informations publiées dans les journaux américains qui montrent qu’elle était sceptique à l’égard de Poutine beaucoup plus tôt qu’Obama lui-même et son équipe de conseillers ne l’étaient. On peut trouver en outre plusieurs autres moments lors desquels elle a montré plus de détermination et de force, comme par exemple au début du conflit en Syrie. »
L’article de Daniel Anýž dans le quotidien Hospodářské noviny remarque enfin qu’Hillary Clinton n’est pas un « faucon », mais qu’elle appartient à la génération de politiciens qui ont assisté à l’élargissement de l’OTAN. Et de conclure :
« Pour Obama, l’Europe constitue une obligation et à la fois un fardeau. Pour Mme Clinton qui perçoit l’affiliation entre l’Amérique et l’Europe de façon instinctive, le Vieux Continent constitue une partie évidente des intérêts vitaux des Etats-Unis. C’est pourquoi avec elle, l’Europe, aussi ingrate et rechignante soit-elle, pourrait se sentir plus sécurisée. »
Le jour J vu à la lumière des transformations de l’Europe
L’édition de ce jeudi du quotidien Právo a publié un article signé de l’historien František Mrázek, dans lequel celui-ci revient sur le récent anniversaire du débarquement de Normandie qui lui permet de constater que l’évolution de notre regard sur le jour J va de pair avec les transformations de l’Europe. Nous citons :« A l’occasion du 50e anniversaire du débarquement de Normandie, il y a vingt ans de cela, la présence de l’Allemagne aux festivités aurait été pour beaucoup inimaginable. Ceci en dépit du fait que le président français Mitterrand et le chancelier allemand Kohl se soient tendus la main devant le mémorial aux victimes de Verdun. Cette fois-ci, à l’occasion du 70e anniversaire, les participants allemands aux célébrations ont été accueillis comme les meilleurs des alliés... Désormais, la perception de nombreux événements et visions historiques a changé. »
Selon l’historien Mrázek, depuis les événements dramatiques de la guerre et de l’après-guerre, l’Europe a subi des transformations de fond en comble. Faisant partie des puissances économiques, le continent a évolué vers une grande tolérance, vers une atmosphère libérale. Tout en constatant que l’Europe n’est pas confrontée à une menace militaire directe de l’extérieur, il tient à remarquer :
« On ne saurait exclure un autre danger, celui qui vient de l’intérieur et qui pourrait renverser les changements positifs. C’est ce qu’ont indiqué les résultats des récentes élections européennes en France et la croissance de l’influence des partis et mouvements extrêmes orientés contre l’Union européenne. Il s’agit là d’un grand défi pour l’Europe. Si le Vieux Continent ne le prend pas en compte de manière appropriée, il pourra s’attendre à un coup dur infligé par le retour des antagonismes destructeurs du siècle écoulé. »
Milena Jesenská et sa leçon de lucidité
Le 17 mai, soixante-dix ans se sont écoulés depuis la mort de Milena Jesenska, connue surtout pour avoir été « la destinatrice des lettres de Franz Kafka ». A cette occasion, le supplément Orientace de l’une des dernières éditions du quotidien Lidové noviny a publié un long article dans lequel il informe de la première publication des lettres que Jesenská avait écrites dans les prisons de Pankrác et de Dresde et, surtout, dans le camp de concentration de Ravensbruck où elle s’est éteinte en mai 1944. Et c’est ici que la présentation de ses lettres, nouvellement découvertes, a eu lieu, il y a quelques jours. L’auteur du texte paru dans les pages du journal cité, Dora Kapralová, a apporté d’autres détails de la vie et des activités de Jesenská :« L’émigration des Juifs autrichiens, l’émigration des anti-nazis, des communistes et des démocrates allemands vers la Tchécoslovaquie, des sujets sociaux, des reportages objectifs des Sudètes, une critique ouvertement aiguë de Staline. Tels sont les sujets que Milena Jesenská, excellente journaliste, a traité avant la Deuxième Guerre mondiale dans ses textes rédigés pour le périodique ‘Přítomnost’. Ancienne membre du parti communiste qu’elle a quitté en 1936, c’est déjà dans les années 1930 qu’elle a décelé la vraie réalité de l’Union Soviétique pour en informer ses lecteurs. »
L’auteur de l’article souligne que cette approche dotée d’une grande lucidité constituait, dans le contexte de l’époque, un phénomène exceptionnel, car les intellectuels de gauche avaient alors beaucoup d’admiration pour l’Union Soviétique. Par ailleurs, comme l’écrit le supplément Orientace, cette approche a stigmatisé Milena Jesenská, aussi, aux yeux des communistes militantes dans le camp de Ravensbrück, aggravant encore davantage sa solitude concentrationnaire. Et il n'est point étonnant que dans son pays natal, Jesenská n’ait été appréciée à sa juste valeur qu’après la chute du régime communiste, en 1989.
Le 8 juin 1989, date de la dernière exécution capitale dans l’ancienne Tchécoslovaquie
Ce dimanche 8 juin, 25 ans se sont écoulés depuis la dernière exécution capitale dans l’ancienne Tchécoslovaquie. L’abolition de la peine de mort dans le pays en 1990 a été ensuite reprise par les législations des deux Etats successeurs, la République tchèque et la Slovaquie. Dans un article publié sur le site aktuálně.cz, Martin Fendrych rappelle que la peine capitale trouve toutefois toujours beaucoup de défenseurs au sein de la société tchèque en notant :« D’après ce que révèle un sondage effectué l’an dernier et ce qu’ont montré également de précédents sondages, une grande partie des Tchèques, quelque 65%, seraient favorables au rétablissement de la peine capitale, ceci à la condition qu’existe un système judiciaire développé. Une chose est évidente : moins la société est contente, plus elle est avide de sang. On peut croire qu’aujourd’hui, un nouveau sondage révèlerait un nombre plus élevé encore de sympathisants pour la peine capitale. »
Martin Fendrych souligne que cette demande est nourrie par nombre de malentendus et de mythes s’y rapportant. Le plus répandu est celui qui prétend que la peine capitale serait à même de dissuader les criminels potentiels, un avis démenti tant par les experts que par les statistiques. Et de rappeler que cet acte barbare comporte évidemment le risque d’envoyer à l’échafaud un innocent, risque que l’on ne saurait jamais entièrement éliminer.