La réforme des fonds de pension en question

Foto: Pierre Amerlynck / Stock.XCHNG

La réforme des fonds de pension est l’une des priorités de l’actuelle coalition gouvernementale, laquelle rassemble trois partis de droite : le parti Affaires publiques (VV), TOP09 ainsi que le parti civique démocrate (ODS). Ce projet de privatisation partielle du système des retraites n’en finit pas de faire parler de lui. La semaine dernière, les oppositions sociale-démocrate et communiste ont ainsi résumé l’ensemble des critiques à l’encontre du texte de loi lors d’une longue et mouvementée séance parlementaire, qui a finalement vu les députés adopter le texte en première lecture. Pour autant, la réforme reste impopulaire et le gouvernement tente donc de communiquer une image plus positive de cette mesure qu’elle présente comme « incontournable » et a notamment récemment discuté un amendement sur les pensions des métiers « à risque ».

Photo illustrative: Pierre Amerlynck,  Stock.XCHNG
La réforme des pensions de retraite s’apparente à une privatisation du système puisqu’elle permet notamment la création de fonds de pension privés. Elle repousse également progressivement l’âge de départ à la retraite à taux plein. Ainsi les personnes nées en 2001 devraient cotiser jusqu’à leur 71ème anniversaire pour enfin pouvoir bénéficier de la totalité de leur pension de retraite. Il va sans dire que le projet est peu populaire. La mobilisation historique de nombreux Tchèques dans les quelques grèves et manifestations qui ont eu lieu ces derniers mois l’illustre assez bien. Certains commentateurs ont même comparé le comportement du gouvernement actuel à celui de la britannique Margaret Thatcher, connue pour ses mesures très libérales et son refus du dialogue.

Bohuslav Sobotka
Aussi, lors de la séance parlementaire du 13 juillet dernier, le débat a été très âpre. La réforme, finalement adoptée par la Chambre des députés, introduit un ‘second pilier’ au système par répartition, permettant aux individus de cotiser pour leur retraite auprès de sociétés privées. Pour Bohuslav Sobotka, le chef de l’opposition sociale-démocrate (CSSD), cette réforme est injuste et va constituer un nouveau poids à porter pour les citoyens tchèques :

« Malheureusement, ce sont chacun des 10 millions de citoyens tchèques qui paieront ce second pilier par l’intermédiaire de l’augmentation des prix des denrées alimentaires et des médicaments, car la TVA augmente, les impôts augmentent. »

Il a ajouté que si, à l’occasion des prochaines élections législatives, son parti était en mesure de gouverner, il reviendrait sur cette réforme. Une menace qui n’a pas inquiété Petr Nečas, le chef du gouvernement :

Petr Nečas,  photo: CTK
« C’est une chose que de faire des promesses à des fins électoralistes, c’en est une autre que de réaliser ces réformes dans des conditions économiques réelles. »

Pour les communistes et les sociaux-démocrates, cette mesure va surtout contribuer à augmenter les inégalités entre ceux qui auront les moyens de cotiser sur des fonds de pensions privés afin d’agrémenter leur retraite et les autres qui n’auront d’autres choix que de profiter d’une pension de retraite a minima. Une critique balayée du revers de la main par Miroslav Kalousek, le ministre des Finances, qui agite une nouvelle fois le chiffon rouge de la Grèce :

Miroslav Kalousek
« Les pays qui se reposent à 100% sur un système de retraire entièrement étatique sont des pays comme la Grèce, le Portugal, l’Italie et l’Espagne. »

Des affirmations à nuancer puisque des systèmes de pensions mixtes avec un premier pilier de système par répartition et un second avec des fonds de pension privés existent en Italie depuis 1997 et en Espagne depuis 1987.

Pour autant, la réforme devra désormais être discutée au Sénat et il est probable que certains amendements viendront en modifier la substance. Ainsi, les représentants des syndicats et le porte-parole du ministère du Travail et des Affaires sociales ont déjà confirmé qu’un amendement avait été discuté lors d’une réunion tripartite incluant syndicats, employeurs et représentants du gouvernement: les salariés exerçant des métiers ‘à risque’ ou ‘pénibles’ pourraient bénéficier de leur pension de retraite cinq ans avant le nouvel âge légal que risque d’entériner la loi sur les retraites actuellement à l’étude. Cependant, la liste des métiers concernés n’a pas encore été établie.

Malgré cette légère avancée, la politique du gouvernement de Petr Nečas de réduction des déficits publics à travers cette réforme, celle du système de santé ou encore l’augmentation de la TVA reste très impopulaire comme le commente Jan Herzmann, le directeur de l’agence Factum Invenio, qui se présente comme sociologue :

« L’opinion publique dit généralement que le gouvernement est un mauvais gouvernement, et ce, à peu près pour tous les gouvernements, par principe. En second lieu, il ne faut pas omettre le fait que la confiance accordée par l’opinion publique à ce gouvernement, est, selon l’Eurobaromètre, au plus bas depuis l’année 1989. Il y a donc quelque chose qui ne va pas, l’opinion publique a le sentiment que le gouvernement ne fait pas forcément très bien ce qu’il doit faire. »

Les difficultés du gouvernement vis-à-vis de cette réforme des pensions de retraite pourraient s’aggraver avec la récente décision de la plus haute juridiction administrative slovaque. Celle-ci a en effet rendu un verdict qui risque d’obliger la République tchèque a versé des milliards d’euros de pension de retraite à des citoyens slovaques, qui ont cotisé pour le système tchécoslovaque avant la séparation des deux pays. Les pensions slovaques étant inférieures aux pensions tchèques, la justice slovaque s’est appuyée sur le cas particulier de Marie Landtová, qui avait obtenu gain de cause auprès de la Cour de justice de l’Union européenne, dans un jugement rendu en 2009.