« La République tchèque de l’adhésion à la Présidence de l’UE » : un regard scientifique sur une période de cinq ans

« La République tchèque de l’adhésion à la Présidence de l’UE », tel est le titre du dernier numéro de la « Revue d’études comparatives est-ouest » paru au mois de mars. Les huit articles qui composent cette revue scientifique s’intéressent à des thèmes variés, aussi bien l’intégration de la Tchéquie dans l’UE, les évolutions démographiques du pays ou encore la société civile tchèque. Le tout donne un portrait assez complet, distancié et précis de la République tchèque. Ce numéro de la Revue d’études comparatives est-ouest a été dirigé par deux membres du Cefres, le Centre français de recherche en sciences sociales de Prague : Marie-Claude Maurel, sa directrice, et Michel Perottino, que Radio Prague a rencontrés. Michel Perottino a d’abord présenté ce numéro, qui fait une sorte de bilan des vingt ans écoulés depuis la révolution de velours.

« Les auteurs ont été choisis tout d’abord parce que nous les connaissons et ensuite parce qu’ils ont souvent des sujets de recherche qui apparaissent finalement assez peu dans les revues, notamment spécialisées, en Europe occidentale. Là, nous avions à l’esprit deux choses : la première est la République tchèque et l’Union Européenne, sa place dans l’UE et deuxièmement, ‘1989-2009’, on est aussi dans une période de commémoration et on a voulu prendre le contre-pied de la commémoration classique, c’est-à-dire ne pas faire référence à 1989 mais envisager premièrement l’adhésion de la République tchèque à l’UE en 2004, et aujourd’hui cette présidence tchèque de l’UE. »

Dans l’avant propos que vous avez co-rédigé, vous expliquez qu’il était un peu impensable il y a 15-20 ans que la République tchèque préside aujourd’hui le Conseil de l’UE comme elle le fait depuis janvier. Donc ces diverses contributions, c’est un peu un bilan de ces 15 dernières années ?

« Je dirais même qu’il y a 15-20 ans l’adhésion de la République tchèque n’était absolument pas acquise, voire remise en question, ou en tout cas il y avait un gros point d’interrogation. Donc c’est un peu une façon « anormale » d’aborder cette commémoration en soulignant qu’on est aujourd’hui dans la « normalité », c’est-à-dire que la République tchèque non seulement préside mais il n’y a plus vraiment de problème quant à son appartenance à l’UE. »

Avec ces contributions, les auteurs passent en revue différents sujets, des sujets plus politiques et des sujets plus socio-économiques. Même si les contributions sont diverses, est-ce qu’on peut éventuellement tirer quelques grands traits, pour brosser un portrait de la République tchèque ?

Photo: Commission européenne
« Les auteurs viennent effectivement d’horizons divers, ils sont spécialistes de sciences sociales, chacun dans leur discipline. Ce que nous avons voulu faire était de prendre le contre-pied de ce qui se fait habituellement, c’est-à-dire avoir une approche assez institutionnelle, assez politique. Là on a voulu notamment insister sur des aspects moins traités, notamment des questions de démographie, d’économie, avec notamment la question du revenu des ménages en République tchèque, ou bien encore par exemple la situation de la société civile en République tchèque aujourd’hui. »

On voit deux thèmes généraux, des thèmes plus politiques qui tournent autour de l’Europe et des thèmes plus socio-économiques, comme vous l’évoquiez. Et ces thèmes socio-économiques permettent de montrer, pas forcément des problèmes, mais des défis que va devoir affronter la République tchèque, notamment le vieillissement de la population ou des questions liées à l’immigration ?

Photo: Štěpánka Budková
« Il y a notamment deux contributions de démographes, une sur les migrations internationales dans les pays tchèques et l’autre sur, de manière plus générale, et l’autre sur les défis de la démographique tchèque, notamment le vieillissement de la population et les problèmes que cela va poser assez rapidement… »

Notamment pour le système de santé évoqué, ou des questions d’assurance maladie…

« Effectivement, la République tchèque aujourd’hui est un état membre, « normal », donc elle a aussi des défis à relever qui sont des défis communs aux autres pays de l’UE. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment les Tchèques voient, se voient eux même, puisque les contributions en l’occurrence ont été rédigées par des Tchèques : voir comment eux ils se perçoivent et quelles sont leurs solutions aux problèmes qui ne sont pas que tchèques. »

En même temps, le fait que ce soit des chercheurs en sciences sociales qui écrivent permet d’apporter un regard avec du recul sur des questions qui peuvent sembler d’actualité. Par exemple, un des chercheurs évoque l’instabilité gouvernementale, en la liant au système électoral choisi, qui est un sujet d’actualité…

« Tous les sujets sont des sujets d’actualité avec dans tous les cas une façon d’aborder les choses qui prête une attention particulière évidement à l’évolution, à l’histoire, au temps un peu plus long, ce qui parfois est un peu oublié. »

Comme par exemple, la question de l’instabilité : le système électoral, c’est-à-dire la façon dont les députés sont élus, ne favorise pas des majorités très claires, très larges, ce qu’on retrouve depuis une quinzaine d’années.

« En l’occurrence, la question du mode de scrutin et surtout des modes d’élection des députés est un vrai serpent de mer en République tchèque, c’est une question qui revient depuis maintenant vingt ans : on est ici légataire de ce qui s’est produit en 1989. Le choix de la représentation proportionnelle s’est faite dans des conditions un petit peu particulières, on ne savait pas à l’époque si le Parti communiste allait remporter les élections, et pour éventuellement atténuer cette victoire, les Tchèques ont choisi la représentation proportionnelle, qui par ailleurs correspondait également à une certaine image de la démocratie parlementaire, en faisant notamment référence à la première république tchécoslovaque. »

Deux articles évoquent aussi précisément l’Union européenne, qui est au centre de l’attention depuis quelques mois. On peut notamment lire dans un article un compte-rendu des débats entre les différents camps politiques au cours des années 90, qui permet d’expliquer les positionnements actuels en politique étrangère, débats notamment entre ceux plus « atlantistes », « internationalistes » et d’autres plus « européens ».

« Effectivement, il y a aussi ce souci de comprendre au plan géopolitique quelle est la position de la République tchèque, notamment, évidemment, la question européenne, la question euro-atlantique, la question du partenariat vers les pays d’Europe de lest. Tout ça, évidemment, est quelque chose qui doit être analysé et qui est analysé ici. »

Et on retrouve enfin quelques autres questions, notamment les relations avec l’Allemagne ou aussi la question des Tziganes, encore une fois une question dont on a pas mal parlé ces derniers temps. Et là on étudie plus précisément les différentes politiques menées au cours des 15 dernières années et comment les gouvernements ont essayé d’agir en faveur des Tziganes.

« La question tzigane, ou question rom, aujourd’hui est encore d’actualité, suite notamment aux problèmes que rencontre cette communauté face au rejet plus ou moins général de la part de la population, mais aussi et surtout face à la montée en puissance des mouvements d’extrême droite. La question rom reste un véritable problème, un véritable enjeu, aux dimensions multiples, et donc il faut prendre du recul là aussi pour bien comprendre quels sont les enjeux, les tenants et les aboutissants de ce problème. »