La République tchèque limite l’utilisation généralisée du glyphosate dans l’agriculture
La nouvelle est passée presque inaperçue en République tchèque, où la question de l’utilisation du glyphosate, un herbicide puissant et controversé, « cancérigène probable » selon l’OMS, est quasi absente du débat public. Pourtant, le ministère de l’Agriculture a annoncé, lundi, que la République tchèque limiterait l’utilisation de substances contenant cet herbicide à partir de janvier prochain.
En Tchéquie, dans les magasins de bricolage, les bidons de Roundup, reconnaissables entre tous, sont placés bien en évidence dans les rayonnages. Seulement, après la condamnation de Monsanto en Californie, les voir ainsi exposés peut difficilement laisser indifférent. Même si les produits à base de glyphosate sont utilisés à haute dose essentiellement dans l’agriculture, on en trouve des traces aussi dans les lieux publics, explique Miroslav Šuta, du Centre pour l’environnement et la santé :
« Si on ne vit pas à la campagne, ou près d’un champ, on trouve ce pesticide aussi le long des voies de chemins de fer. Le Roundup est utilisé aussi dans les parcs, pour désherber les chemins, mais également les trottoirs, les terrains de foot, les greens où l’on pratique le golf… »L’une des craintes des défenseurs de l’environnement est la facilité avec laquelle le glyphosate peut pénétrer dans les organismes vivants, comme le précise encore Miroslav Šuta :
« Nous pouvons ingérer des aliments dans lesquels se trouve du glyphosate, nous pouvons aussi le respirer. Il peut se trouver dans l’eau que nous buvons. Si l’on se couche dans une prairie à proximité de laquelle du glyphosate a été utilisé, ce dernier peut pénétrer dans la peau. »
Du côté des agriculteurs, souvent peu friands de changements radicaux, on tente d’arguer que l’utilisation prétendument trop importante de glyphosate est l’arbre qui cache la forêt. Josef Stehlík, président de l’Association des agriculteurs privés :
« Je suis persuadé que le problème repose sur le fait que si des résidus de pesticides peuvent se retrouver dans l’organisme par l’eau, c’est davantage une question de manière de pratiquer l’agriculture. Certaines pratiques créent de l’érosion. Je suis convaincu par expérience que le souci n’est pas la quantité de produit utilisée, mais la manière dont celui-ci se retrouve dans l’eau en raison de l’érosion qui est plutôt importante en République tchèque. L’Etat devrait ici davantage user de son influence pour remédier à ce problème. »
Si pour les organisations écologistes, l’objectif est l’interdiction pure et simple du glyphosate, la République tchèque a quand même fait, lundi, un petit pas vers un changement dans les pratiques agricoles. Le ministre de l’Agriculture Miroslav Toman a annoncé que l’utilisation généralisée du glyphosate en tant que désherbant et agent desséchant, appliqué pour accélérer la maturation des plantes, serait limitée à compter du 1er janvier 2019 : « Ces substances ne seront utilisées que dans les cas où aucune autre méthode efficace ne peut être appliquée, » a-t-il déclaré.
Une décision surprenante, quand on sait que la République tchèque avait été l’un des 18 pays de l’Union européenne à voter l’an dernier pour la prolongation de cinq ans de la licence de l’herbicide, jusqu’en 2022. Mais l’Union européenne a autorisé ses membres à décider éventuellement d’imposer des restrictions à l’utilisation de cette substance au niveau national.
Et il semblerait que Prague ait pris la balle au bond, même s’il faut apporter un bémol à cette décision : celle-ci ne concerne en effet que l’agriculture, et en aucun cas les particuliers. Les bidons de Roundup au rayon jardinage ont donc, pour l’instant, encore quelques beaux jours devant eux.