La République tchèque pas favorable au Pacte de l’ONU sur les migrations

Andrej Babiš et Sebastian Kurz, photo: Le bureau de la gouvernement tchèque

La République tchèque se retirera très probablement elle aussi du Pacte mondial de l’ONU pour les migrations. C’est l’intention de son Premier ministre Andrej Babiš, qui bénéficie sur ce point du soutien du parti social-démocrate, partenaire du mouvement ANO au sein de la coalition gouvernementale. Cette décision rangera ainsi la République tchèque aux côtés des Etats-Unis, de la Hongrie et de l’Autriche, premiers pays à avoir fait part de leur volonté de boycotter le texte.

Andrej Babiš et Sebastian Kurz,  photo: Le bureau de la gouvernement tchèque
Finalisé et approuvé, à l’exception des Etats-Unis, par les pays membres des Nations Unies en juillet dernier, ce pacte, qui doit être formellement entériné en décembre prochain à Marrakech, est considéré comme le premier document international sur la gestion des migrations. Il doit permettre, dixit l’ONU, de rendre celles-ci « sûres, ordonnées et régulières » en renforçant notamment la coopération entre gouvernements. Comme en Autriche voisine, où le chancelier conservateur Sebastian Kurz a annoncé mercredi le retrait de son pays, le Premier ministre tchèque considère toutefois que la mise en œuvre des différentes mesures prévues pour mieux faire face aux mouvements migratoires dans le monde, menacerait la souveraineté nationale de la République tchèque en la matière. Andrej Babiš a précisé pourquoi jeudi à sa sortie de la Chambre des députés :

« Personne d’autre que nous ne décidera de qui a le droit de vivre et de travailler dans notre pays. C’est une décision qui est l’affaire de nos entreprises, de nos institutions et de notre gouvernement. Notre position n’a pas changé : nous n’accueillerons pas d’immigrés illégaux. Ce pacte ne me plaît pas du tout. C’est une chose qui n’est pas clairement interprétée et qui pourrait faire l’objet d’abus. »

Dans la ligne droite du discours « zéro migrant » en provenance d’Afrique et du Proche-Orient qu’il tient depuis sa campagne pour les élections législatives en 2017, la position défendue par le chef du gouvernement, leader du mouvement ANO, semble être également celle du parti social-démocrate (ČSSD). Ministre des Affaires étrangères, Tomáš Petříček estime lui aussi que les possibles interprétations du document sont trop nombreuses pour être acceptés en l’état :

Tomáš Petříček,  photo: Martina Schneibergová
« La République tchèque a formulé un certain nombre de réserves sur différents points très précis du pacte. Nous avons notamment clairement fait savoir que nous souhaiterions une définition plus concrète du terme ‘migration illégale’. Différentes questions relatives par exemple à l’accès à l’éducation ou au système social sont restées sans réponse. Ce sont autant de raisons qui nous font penser que se joindre au pacte serait aujourd’hui plutôt contre-productif. »

En Europe, l’Italie et la Pologne aussi ont exprimé leurs objections et leur intention de dire « non » au pacte, estimant que celui-ci était en contradiction avec les priorités gouvernementales. Au sein du Cabinet tchèque, où aucune décision officielle n’a encore été prise, la question sera débattue lors du Conseil des ministres, mercredi prochain. Directeur du Centre d’information de l’ONU à Prague, Michal Broža n’est cependant pas d’accord avec les critiques formulées :

Michal Broža,  photo: ČT24
« Il y a un mythe qui court selon lequel le document définirait la migration comme un droit fondamental. Or, ce n’est pas le cas. Ce qui est vrai en revanche, c’est qu’il place la résolution des questions relatives aux migrations sur une base centrée sur le respect des droits humains. Il ne s’agit pas tant d’un document technique que d’un cadre politique qui place le thème de la migration dans un contexte international plus global et qui propose de chercher une solution dans le partage des responsabilités. »

Des responsabilités que le gouvernement d’ Andrej Babiš, comme ceux d’autres pays, ne semble donc pas spécialement disposé à endosser, tout en espérant néanmoins, comme l’a expliqué le chef de la diplomatie Tomáš Petříček, trouver un juste milieu de façon à que cette position négative et ce refus ne nuisent pas aux intérêts de la République tchèque et n’isole pas celle-ci sur la scène internationale.