La saga Veverka, de la Bohême au Lot via Addis-Abeba
Retour aujourd'hui au château de Dolni Lukavice où Zoltan Duphénieux nous avait fait faire le tour du propriétaire. Cette fois-ci, c'est sa mère, Madame Veverka-Duphénieux, qui nous parle de l'histoire de la famille. Son grand-père, Ferdinand Veverka, était un homme d'Etat dont le rôle fut important dans la Première République tchécoslovaque. Certains disent même qu'il aurait pu devenir président après Masaryk à la place de Benes.
« La décision de partir a été prise très, très vite. En 1948, on est venu les avertir qu'il y avait un trou à la fontière et qu'ils pourraient en profiter tel jour à telle heure. Ils ont pris leurs papiers et manteaux et sont partis. Il y avait effectivement un trou dans le grillage entre la Tchécoslovaquie et le camp américain en Allemagne. Il y a eu des perturbations, une heure, et ils ont vu arriver le bulldozer qui devait combler le trou avec les militaires qui leur ont tiré dessus. Mais ils sont quand même arrivés de l'autre côté et les Américains les ont récupérés. »
Pour aller où ensuite ?
« Ils ont restés quelques temps dans ce camp, après ils sont allés à Paris où mon grand-père avait étudié, et de là ils sont partis en Ethiopie... Parce que mon grand-père avait connu à la SDN l'empereur d'Ethiopie, Hailé Sélassié, qui l'apréciait énormément et qui lui a offert d'être son conseiller privé en politique étrangère. Donc on a passé douze ans là-bas. Et on est parti lorsque les communistes, à nouveau, ont fait leur putsch (rires)... »Aidés par les Soviétiques à nouveau...
« Oui, ils étaient installés. Mon grand-père avait fait un dossier pour l'empereur en lui disant qu'il y avait danger. Et il y avait un Russe qui était à Prague avant 1948 et qui était en Ethiopie à ce moment-là aussi. A Prague, il avait dit à ma mère qu'il valait mieux partir, et en Ethiopie même chose, il lui a dit 'peut-être que vous devriez partir d'ici aussi'... »Où est-ce que ça vous a menés ?
« Nous aurions dû nous installer en Angleterre, mais il y a eu quelques problèmes de nature économique. Nous étions à Paris, ils ont regardé les agences immobilières et on a trouvé quelque chose dans le sud de la France, dans le Lot. »
La décision de revenir en République tchèque s'est prise quand ?
« C'est mon père qui a commencé les restitutions, et dès que j'ai pu après la révolution de velours, je suis venue. J'ai eu envie de venir et je me sentais très bien, je sens partout mes grands-parents ici. Mon grand-père est disparu au début des années 1980, il avait 94 ans. »
Votre fils m'a dit que vous cherchiez des financements pour restaurer le château, quel est votre objectif ?
« Des réparations ont déjà commencé, j'ai fait des demandes au ministère de la Culture. Pendant 3-4 ans on a eu des subventions. L'idée est toujours de continuer, on est toujours à regarder s'il n'y a pas de fuites, il y a beaucoup d'entretien. Et puis on rêve, on a plein d'idées mais c'est un travail de longue haleine parce qu'on cherche tous à avoir des subventions européennes. Je souhaite garder dans le château un côté intime tout en l'arrangeant pour qu'il y ait des événements. Il y a le festival Haydn, bien sûr, qui a lieu une fois par an et je crois que d'ici trois ans on va faire l'ouverture ici et peut-être la cloture. Et après trouver des moyens de financer, peut-être faire des mariages ou des congrès par exemple. J'aurais bien aimé avoir un golf ici, mais tous les prés ont été confisqués... »