La sécurité et la cohésion à l’affiche du 3e Sommet européen de Prague
Organisée sous les hospices du ministre tchèque des Affaires étrangères, la 3e édition du Sommet européen de Prague (Prague European Summit) s’achève ce jeudi soir. L’objectif de cette rencontre de représentants politiques, d’analystes, de représentants d’entreprises et de journalistes était d’apporter des perspectives centre-européennes, en l’occurrence tchèques, sur les grandes questions qui préoccupent l’Europe. Chercheur en relations internationales à l’institut pragois Europeum, coorganisateur de l’événement, Martin Michelot évoque les sujets qui ont été au cœur du débat durant trois jours.
Quel est le rôle de la République tchèque dans la politique de cohésion de l’UE ?
« C’est au prochain gouvernement d’y répondre. Nous aurons peut-être une réponse plus claire en octobre (date de la tenue des élections législatives en République tchèque, ndlr). Une question fondamentale est mise en avant quinze ans après l’intégration de la République tchèque à l’Union européenne : à savoir celle du rattrapage social et économique. La question se pose notamment en République tchèque, pays si proche et interdépendant économiquement de l’Allemagne. Pourquoi n’y a-t-il pas eu un rattrapage des salaires, pourquoi la qualité de la vie, de la nourriture par exemple, n’est pas aussi bonne qu’en Allemagne ? On sent une demande d’informations à ce sujet de la part des citoyens, informations que le sommet de Prague essaie d’apporter. Le sommet apporte aussi des perspectives européennes pour les Tchèques, il renforce le dialogue interculturel, il permet aux Tchèques de rencontrer des experts, des officiels, des académiques européens. »
Le gouverneur de la Banque nationale (ČNB) Jiří Rusnok a déclaré, lors de ce sommet, qu’il était peu probable que la République tchèque entre dans la zone euro d’ici cinq, voire dix ans. Selon lui, il manque ici la volonté politique, le courage pour faire un tel pas. Partagez-vous cette opinion ?
« Mon opinion personnelle est identique à celle qui est largement défendue par les membres de l’institut Europeum et surtout par l’Institut des relations internationales de Prague : une accession de l’euro serait une chance pour la République tchèque, une chance d’ancrer son modèle social profondément dans le modèle social européen, une opportunité de tracer un avenir économique pour le pays. Nous travaillerons sur ces questions dans nos activités quotidiennes et elles seront sans doute à l’agenda du prochain Sommet européen de Prague. Evidemment, le gouverneur de la Banque centrale ne fait que refléter une réalité politique qui est celle que vous avez décrite. Si le passage à l’euro n’est pas un thème de campagne pour les prochaines législatives, c’est un sujet que le nouveau gouvernement ne pourra pas écarter des discussions. Je suis sûr que les Tchèques se poseront la question de savoir si un passage à l’euro peut être un facteur de développement, de cohésion économique et sociale. »
Autre sujet que l’on ne peut écarter des discussions est celui des migrations, d’autant plus que la Commission européenne lance une procédure d’infraction contre la Tchéquie et deux autres pays qui refusent d’accueillir des réfugiés sur la base des quotas. Pensez-vous que ce soit une bonne décision ? Comprenez-vous la position tchèque ?
« Je vais répondre à cette question d’une perspective plus globale. Il existe des règles qui ont été dictées au niveau européen, que ce soient des règles sur le respect des déficits, mais aussi sur le fait d’accueillir un certain nombre de migrants. Ces règles ont été signées à l’unanimité des dirigeants européens. Les règles n’ont pas de sens s’il n’y a pas de mécanismes qui permettent de les mettre en place de manière efficace. Il faut qu’il y ait un mécanisme de sanctions, au ou moins la possibilité d’une sanction qui permette éventuellement de faire avancer les choses dans le bon sens, qu’il s’agisse par exemple d’un déficit démocratique ou d’un problème par rapport à la loi. On parle beaucoup d’unité et de cohésion dans ce sommet, c’est quelque chose qui est souvent évoqué par les politiciens du groupe de Visegrád, mais parfois, nous avons du mal à voir la réalité derrière ces notions. Les excuses du genre : ‘les réfugiés ne veulent pas rester’ ou encore ‘leur accueil pourrait à terme détruire notre modèle social’, ce sont des réponses de court terme qui n’ont pas tendance à mettre en valeur un pays extraordinaire comme la République tchèque et qui dégradent l’image de la région d’Europe centrale. Cette perception négative ne reflète vraiment pas la réalité de la région qui participe à la construction européenne depuis une quinzaine d’années. »