La svíčková : vous prendrez bien une « bombe calorique » au milieu de l’été ?
A l’occasion de notre nouvelle série gastronomique sous forme de pastilles vidéo, retour sur les spécialités de la cuisine tchèque, avec dans ce premier épisode la svíčková. Plat familial – et des saisons fraîches – par excellence, la svíčková a tout du repas réconfortant pour l’estomac et l’esprit.
Elle est à la gastronomie tchèque ce que la blanquette de veau est à la cuisine française : un plat crémeux, traditionnel, servi lors de repas familiaux ou pour de grandes occasions, associé à une forme de nostalgie pour la svíčková de son enfance, celle que seule une mère ou une grand-mère maîtrise à la perfection – ou un père/grand-père pour les générations futures peut-être plus égalitaires. Un succès non-démenti, donc, comme le note Marek Janouch, chef de la chaîne de restaurants Lokál, qui propose des spécialités tchèques :
« Je pense que la svíčková est toujours appréciée comme avant, et je pense que ça restera, car les gens aiment ce plat. C’est un plat un peu sucré-salé, tirant parfois vers un goût aigre, parce que chaque svíčková est différente. Certains l’aiment plus sucrée, d’autres plus acidulée, d’autres encore avec une sauce plus épaisse, d’autres plus liquide. Chacun l’aime à sa manière. Et surtout chacun se souvient du type de svíčková qu’il a mangé dans sa jeunesse, de la façon de faire de sa grand-mère ou de sa mère. En général, c’est ce goût-là qui perdure et c’est comme ça qu’on l’aime plus tard. La meilleure, ce sera toujours celle de sa mamie ! »
Bref, il y a sans doute autant de façon de cuisinier la svíčková que de cuisiniers aux manettes, mais une chose est sûre la recette de base est inchangée : de nos jours, le filet de bœuf historique (appelé svíčková), trop onéreux pour être utilisé dans des plats mijotés et à juste titre préféré en steak, n’est guère plus usité. On lui préfère le faux-filet ou une autre pièce postérieure de l’animal. Sur une base d’épices telles que le poivre, le thym, le laurier, la viande est cuite avec des oignons et des légumes de type carotte, céleri, persil, moulinés et mélangés avec de la crème. Clé de la réussite de la svíčková, la sauce, qui demande une attention toute particulière, comme le rappelle Marek Janouch :
« Le plus important c’est d’avoir une bonne base de légumes et de la viande de qualité. Il faut bien faire revenir les légumes et prendre son temps, rajouter même un peu de zeste de citron, et faire mijoter la viande dedans. Idéalement, on laisse mijoter jusqu’à mi-cuisson, on laisse refroidir la viande dedans pour la laisser s’imprégner des goûts, et le lendemain on termine la cuisson. »
Mais au fait, d’où vient la recette de la svíčková ? Ceux qui maîtrisent un peu le tchèque auront peut-être discerné le terme svíčka, la bougie, dans le mot svíčková. Deux explications sont avancées quant à l’origine. La première, c’est que ce morceau, le filet de bœuf en français, partie maigre et noble de l’animal, a la forme d’une bougie. La seconde, moins prosaïque, fait remonter les origines au Moyen Age : une des obligations du chef de la guilde des bouchers était de préparer une fois l’an un dîner pour ses compagnons. Un dîner qui se déroulait à la lumière des bougies et lors duquel on servait un rôti de bœuf préparé à partir d’une pièce située sous l’échine. On retrouve là l’aspect festif et collectif qui a perduré jusqu’à nos jours…
Alors évidemment, si vous avez succombé à la mode alternative et bizarre du jeûne intermittent/hydrique/séquentiel/spirituel/complet/…, bref si vous avez décidé de ne pas profiter du peu de temps qui vous est accordé sur cette terre, passez votre chemin, la svíčková n’est vraiment pas pour vous. Pour tous les autres, la svíčková saura contenter les appétences pour les plats nourrissants qui ne font pas l’économie de la saveur.
Oui, clairement, ces premières journées du mois d’août annoncées comme caniculaires en fin de semaine, ne sont peut-être pas le moment idéal de l’année pour goûter à cette spécialité tchèque – le combo boulettes de pâte (knedlíky), viande mijotée et sauce crémeuse est plus adapté aux saisons fraîches. D’ailleurs la petite touche finale savoureuse, une cuillerée d’airelles confites, donnant un petit air de venaison au plat, transporte les terminaisons nerveuses du palais et de la langue dans un autre univers, celui de l’automne. Cela dit, le chef Marek Janouch note que la générosité roborative du plat n’est pas nécessairement une fatalité. Au cuisinier d’adapter la recette :
« C’est une bombe calorique, oui, mais surtout si vous épaississez la sauce avec de la farine. Ensuite, forcément, c’est consistant et ça vous reste sur l’estomac. Mais si comme moi, vous n’épaississez pas, vous ne mettez pas trop de crème, juste à la fin, et que vous ne mangez pas huit knedlíky avec, alors ce n’est pas forcément une bombe calorique. Je pense que certains plats qu’on imagine peu caloriques peuvent l’être beaucoup plus que la svíčková. »
Un principe de modération que ne renierait pas la Française Mireille Giuliano, auteure d’une bible culinaire à destination des Américaines sur la capacité des Françaises à manger de tout sans prendre un gramme…
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