La Tchéquie et la Slovaquie : deux regards différents sur l’ex-président tchécoslovaque Gustáv Husák
La semaine prochaine, vingt ans se seront écoulés depuis le décès de Gustáv Husák, « une des figures les plus cotroversées de l’histoire moderne slovaque et tchécoslovaque », comme le caractérise la presse nationale qui évoque largement cet anniversaire. Rappelons que Gustáv Husák, président de la République tchécoslovaque de 1975 à 1989 et numéro un de la nomenklatura communiste du pays après l’écrasement du fameux Printemps de Prague en 1968 par les troupes du bloc soviétique, est devenu en quelque sorte le symbole de la sinistre « normalisation » dans les années 1970 et 1980… Et puis « La capitale tchèque reste riche en dépit de la crise » : c’est du moins ce que constate un article que nous avons également lu pour vous.
« La sombre période communiste a ses ‘protagonistes’ notoires : le criminel Klement Gotwald, le traître Vasil Bilak, l’esprit simple Miloš Jakeš. Mais on oublie souvent d’ajouter Gustáv Husák à la liste des principales figures du régime », écrit l’hebdomdaire Respekt, qui souligne que le parcours de cet homme mérite donc d’être rappelé. Il poursuit :
« Les Tchèques portent sur Husák un regard moins négatif que sur ses compagnons, notamment parce qu’il a séjourné en prison dans les années 1950. Beaucoup apprécient, en outre, sa formation de juriste, son intelligence et son talent de narrateur. Autant de qualités qui semblent le différencier du noyau staliniste dur. En plus, pendant le Printemps de Prague, il a soutenu l’aile réformatrice. D’ailleurs, la fonction de président jouit en Tchéquie traditionnellement d’un grand prestige. »
Mais, comme le constate également le journal, « la réalité est assez différente. Par définition, chercher des côtés positifs chez ces politiciens est impossible, compte tenu du caractère perfide du régime qu’ils servaient ». Husák en serait un exemple on ne peut plus éloquent. L’auteur de l’article Marek Švehla écrit :
« Dès le début du stalinisme en Tchécoslovaquie, Husák a été un de ses créateurs fervents et assidus. Son emprisonnement n’a été qu’un épisode qui n’a nullement modifié sa conviction. Libéré, il s’est adapté de bon gré à la nouvelle donne. Il a ainsi abandonné sa position de réformateur pour devenir le leader du régime collaborateur, une sorte de protecteur qui n’était pas envoyé cette fois de Berlin, mais de Moscou. » Et de renchérir :« Finalement, Husák devient l’homme qui, après d’immenses péripéties et une énorme envergure, réussit à accomplir son rêve, consistant à ce que de facto la Tchécoslovaquie, pour une longue période de vingt ans, fasse partie de l’Union soviétique. »
Husák serait d’après le journal « la figure permettant, plus qu’une autre, de comprendre l’histoire tchécoslovaque ».
Petr Třešňák retrace en détail, dans les pages du même journal, la vie et le parcours politique de cet homme né en 1913 dans un quartier périphérique de Bratislava, capitale slovaque. Il considère, lui aussi, qu’objectivement parlant, Gustáv Husák serait allé plus loin encore que le « premier président ouvrier » Klement Gottwald, généralement perçu comme le symbole de la plus grande terreur communiste dans l’ancienne Tchécoslovaquie. Il précise :« Husák a participé à toutes les représailles, à toutes les purges qui ont accompagné la terreur survenue au lendemain du putch communiste de février 1948. Il s’est engagé activement dans les processus d’arrestations de propriétaires agricoles, de collectivisation ou de liquidation des Eglises. »
En 1954, il devient lui-même l’objet d’un de ces procès montés de toutes pièces dans les années 1950, à l’issue duquel il sera condamné à dix ans de prison ferme. Six ans plus tard, il sera amnistié avant d’être complètement réhabilité. Le journal Respekt cite à ce sujet l’historien Zdeněk Doskočil :
« La prison n’a nullement changé le regard de Husák sur la forme du communisme telle qu’il l’avait connue dans les années 1940. Dans son discours, il prenait ses distances avec le stanilisme, c’est vrai, mais sa pensée demeurait staliniste. »L’étoile de Husák monte brusquement après l’étouffement du Printemps de Prague en 1968 par les chars soviétiques. En cherchant un futur leader tchécoslovaque, c’est en effet lui que Moscou choisit. Husák devient d’abord chef du Parti communiste, puis président de la République. Selon Petr Třešňák, sa carrière peut être vue sous deux angles :
« Après la décennie de dégel, la Tchécoslovaquie est devenue sous sa gestion une sorte de république soviétique, dirigée directement de Moscou. Les témoins de l’époque estiment cependant qu’au début de la ‘normalisation’, Husák a voulu sauver ‘quelque chose’ des précédentes réformes libérales, qu’il n’était pas un simple cynique froid et une marionnette soviétique. Mais, de toute façon, faute de bonne volonté, de courage ou de visision, il n’a pu imposer aucune libéralisation. »
Il conclut : « Le système normalisé qu’il a bâti et dont il n’a jamais contesté l’idée fondamentale, l’a finalement dévoré ».
Dans le quotidien Lidové noviny, Lubomír Palata présente un autre point de vue, estimant que le regard des Tchèques, qui ne voient en Gustav Husak qu’un symbole de la normalisation communiste, est schématique. Il souligne notamment « qu’aucun homme politique n’a influencé la Slovaquie aussi fortement que lui ». Il explique :
« Il a imposé la fédéralisation de l’Etat qui a permis de créer en Slovaquie les institutions qui ont donné lieu, en 1992, à la création d’un Etat slovaque indépendant. De ce fait, Husák est un des pères fondateurs de la Slovaquie indépendante. Grâce à un transfert de moyens budgétaires équitables, le niveau de vie en Tchéquie et en Slovaquie s’est équilibré. »Selon l’auteur de l’article, « un grand nombre de Slovaques gardent encore aujourd’hui un souvenir nostalgique de la normalisation, la considérant comme la meilleure période de leur vie, celle-ci ayant par ailleurs été beaucoup plus modérée en Slovaquie qu’en Tchéquie ». En conclusion, il écrit :
« Il sera intéressant de suivre la façon dont la Slovaquie va appréhender le 20e anniversaire de la mort de Gustáv Husak, l’unique Slovaque qui ait jamais gouverné les Tchèques. Je devine que cet homme y sera, ne serait-ce que modestement, honoré. »
La crise économique ne semble pas encore avoir touché la capitale tchèque, constate une des dernières éditions du quotidien Mladá fronta Dnes. Prague demeure donc une ville riche, mais seulement comparée à d’autres régions et villes tchèques, et non pas par rapport à la plupart des pays européens. Le journal écrit :
« Selon la récente étude d’une agence sur le pouvoir d’achat de la population dans les différentes régions de la République tchèque, les Pragois peuvent se permettre de dépenser beaucoup plus que les habitants des petites villes ou ceux qui vivent en Moravie, partie orientale du pays, ou dans le nord-est de la Bohême. Ainsi, les différences et les écarts entre les régions riches et les régions pauvres ne cessent de s’accroître. »
A noter que les différences qui existent entre l’ouest riche et l’est pauvre ne suivent pas en République tchèque le clivage habituel entre le nord et le sud.« Prague, quant à elle, constitue une îlot à part », constate le journal, qui précise : « Le pouvoir d’achat à Prague dépasse la moyenne nationale de 32 %. Cette situatiom profite aussi aux communes et petites villes qui se situent dans les environs de la capitale, telles que Říčany, Stará Boleslav ou Čelákovice, qui ont un niveau de vie plus élevé que, par exemple, Plzeň, chef-lieu de Bohême occidentale ».
Aussi bonne que soit la situation des Pragois, l’article publié dans le quotidien Mladá fronta Dnes signale qu’elle demeure pourtant nettement inférieure à celle des habitants des pays développés de l’Europe. Ainsi, « la richesse des ménages dans la capitale tchèque n’atteint que 78 % de la moyenne européenne ».
Ceci dit, la situation de l’ensemble des habitants du pays semble meilleure que celle des pays voisins, la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie... « Ce dernier pays évolue cependant en se rapprochant rapidement de nous », conclut le journal.