L’affaire des « fausses » maisons de retraite relance le débat sur les services aux personnes âgées
La médiatrice de la République, Anna Šabatová, a critiqué les conditions de vie déplorables qui règnent dans certains établissements d’accueil des personnes âgées en République tchèque. Même s’ils fonctionnent comme tels, ces établissements ne possèdent pas le statut officiel de maisons de retraite, une situation qui leur permet d’échapper à la régulation et le plus souvent aux contrôles.
« Sans enregistrement ou inscription préalable en bonne et due forme auprès des autorités compétentes, il n’est pas possible aujourd’hui, en République tchèque, de proposer des services sociaux. Ces établissements contournent la loi en faisant signer un bail à leurs clients pour ne pas être considérés comme des maisons de retraite. En raison du manque de personnel, et surtout de personnel qualifié, il arrive parfois que la liberté de mouvement des personnes hébergées soit limitée. Par exemple, elles sont enfermées à clé pour ne pas qu’elles puissent quitter les lieux ou pour ne pas qu’elles tombent dans l’escalier. Les médicaments ne sont pas toujours distribués selon les ordonnances délivrées par les médecins et le régime alimentaire spécial de certains clients n’est pas respecté. Les conseils régionaux sont tenus de contrôler ces établissements et de leur infliger des amendes parce qu’ils proposent leurs services de manière illégale. »
Par ailleurs, les frais de séjour dépassent souvent le montant de la pension de retraite moyenne et il arrive que les établissements incriminés réquisitionnent l’intégralité de l’aide publique au logement, une pratique illégale car au moins 15% des revenus doivent rester à la personne en bénéficiant.
Le problème n’est pas nouveau. En 2014, trois établissements ont été condamnés à verser des amendes dont le montant total cumulé a dépassé les 500 000 couronnes (plus de 18 000 euros). Les derniers contrôles ont révélé des manquements aux soins dans quatre autres centres ; dans deux cas, la médiatrice a même donné l’impulsion aux organes judiciaires afin que ceux-ci enquêtent sur les conditions de vie. Selon les estimations, il existe près de quatre-vingts établissements non enregistrés en République tchèque. Anna Šabatová espère donc que ce débat public permettra une amélioration de la situation dans son ensemble :« Si nous attirons autant l’attention des autorités et du public sur ce sujet, c’est parce que nous tenons à sensibiliser notamment les employés des centres médicaux pour qu’ils vérifient que les établissements se présentant comme des maisons de retraite ont été dûment enregistrés avant d’y envoyer leurs patients. Les médecins qui sont appelés dans ces établissements doivent, eux aussi, connaître leur statut. Si le lieu n’est pas enregistré, ils n’ont pas le droit de partager avec le personnel les informations privées relatives à la santé du patient. Nous vivons dans une société qui se doit d’assurer certains standards de vie, et ces établissements ne les respectent pas. Il est inutile d’en faire un scandale, mais il faut agir de façon à ce que ces abus disparaissent. »
Présidente de la Société tchèque de gérontologie et de gériatrie, Iva Holmerová salue l’activité de la médiatrice de la République. Pour autant, elle considère qu’il s’agit là d’une lacune législative majeure :
« Il s’agit, sans aucun doute, d’un trou fondamental dans la loi. Les différents ministères ne sont pas parvenus à régler ce problème, même si l’interprétation de la médiatrice de la République est claire : nous sommes bel et bien en présence d’une pratique illégale. Contrôler davantage ces établissements est pour nous non seulement une obligation morale mais aussi légale. »Suite aux contrôles effectués, certaines de ces « fausses maisons de retraite » ont déjà été amenées à mettre la clef sous la porte. Iva Holmerová souligne que les institutions publiques disposent de capacités suffisantes pour accueillir les personnes âgées. Il faut néanmoins redéfinir l’étendue de leurs services et le groupe de clients visés. Une partie importante des personnes retraitées pourraient également rester chez elles si les services d’assistance à domicile étaient plus accessibles.