L’ancien Premier ministre Andrej Babiš inculpé pour fraude aux subventions européennes
Au terme de six années d’enquête, le ministère public tchèque a inculpé, lundi, l’ancien Premier ministre Andrej Babiš et son ex-assistante Jana Nagyová pour « délit de fraude aux subventions et d’atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne ».
Čapí hnízdo – Nid de cigognes : cette affaire de fraude présumée revient régulièrement à la une des médias tchèques depuis 2015, où la police a ouvert l’enquête. Elle a ensuite recommandé la mise en examen d’Andrej Babiš, reprochant à ce dernier d’avoir détourné quelque deux millions d’euros de subventions européennes pour financer la réalisation d’un luxueux centre hôtelier et récréatif appelé, d’où le nom du dossier, Nid de cigognes. Ce complexe touristique a été construit à une cinquantaine de kilomètres au sud-est de Prague, à partir de 2006.
A l’époque, Andrej Babiš n’était pas encore entré en politique et était le propriétaire du vaste conglomérat Agrofert, qui regroupe plus de 250 entreprises des secteurs alimentaire, chimique et des médias. La police soupçonne Andrej Babiš d’avoir retiré le projet du Nid de cigognes des activités de son groupe avant de le réintégrer à celles-ci, et ce dans le but de bénéficier des subventions européennes destinées aux petites et moyennes entreprises.
A la tête de son mouvement populiste ANO, Andrej Babiš, l’une des premières fortunes du pays, a dirigé le gouvernement tchèque entre 2017 et 2021. Ce milliardaire de 67 ans est depuis plusieurs années dans le viseur non seulement de la justice tchèque, mais aussi de l’Union européenne qui a critiqué à plusieurs reprises ses pratiques financières douteuses et son conflit d’intérêt.
Du côté tchèque, la longue enquête sur l’affaire dite du Nid de cigognes a connu des revirements et coups de théâtre successifs, dont l’arrêt des poursuites contre plusieurs collaborateurs et proches d’Andrej Babiš. La police avait déjà voulu inculper le Premier ministre en 2019, mais le parquet a jugé les allégations infondées et avait disculpé Andrej Babiš.
Or le procureur général a décidé de rouvrir l’enquête qui devrait donc aboutir sur un procès avec l’un des politiciens tchèques les plus en vue et candidat présumé à l’élection présidentielle en 2023, sur le banc des accusés.
Si le procureur chargé de l’affaire a inculpé, ce lundi, l’ancien chef du gouvernement, c’est parce qu’il avait été confronté à de nouvelles révélations communiquées par des témoins, a fait savoir le porte-parole du parquet de Prague. Le juriste et ancien procureur Jan Vučka a commenté cette évolution au micro de la Radio tchèque :
« En effet, les déclarations de témoins ont changé, notamment celle du manager de l’établissement en question, qui est quand même une personne-clé dans l’affaire. Il est clair que cela ne peut pas rester sans conséquences. »
« Les délits de ce genre sont punis d’une peine de 5 à 10 ans. Mais lorsque la période écoulée depuis le délit présumé est plus longue que 15 ans, il est fort probable qu’en cas de condamnation des inculpés, le tribunal leur inflige une peine beaucoup moins importante. Dans ce cas précis, en plus, la subvention en question a été rendue à l’UE, ce qui réduirait encore davantage la peine. »
« Le tribunal doit maintenant examiner si le Nid de cigognes a été une petite entreprise indépendante ou si elle faisait partie du conglomérat d’entreprises. Il est important de savoir qui prenait des décisions au sein de cette entreprise, qui signait des contrats. Ce n’est pas tellement compliqué. Je comprends que la justice ait pris beaucoup de temps pour élaborer ce dossier, car il concerne un politicien haut placé, mais j’estime quand même que cette affaire traîne depuis trop longtemps. »
Dépouillé de son immunité parlementaire, Andrej Babiš nie toute accusation. L’ancien Premier ministre se dit victime d’un « procès politique construit de toutes pièces » un procès qui n’est, selon lui, qu’une tentative parmi d’autres de l’évincer de la vie politique.