L’artiste Roman Týc condamné à un mois ferme pour le relookage des feux piétons

Début décembre, l’artiste tchèque Roman Týc, membre du collectif de hackers Ztohoven, a été condamné à une peine de prison d’un mois pour avoir refusé de payer l’amende infligée pour le remplacement en 2007 des pictogrammes des feux piétons. Une peine démesurée selon beaucoup, mais qu’il entend bien purger.

D’une certaine façon Roman Týc est, comme son pseudo l’indique, un romantique. Un jour avant que ne soit rendu le verdict d’un mois de prison, il avait écrit une lettre ouverte à la juge chargée du dossier, l’appelant à démissionner si elle décidait de le condamner, alors même qu’elle aurait affirmé pendant la procédure que cette condamnation lui répugnait personnellement. Roman Týc est un romantique car plutôt que de payer une amende qu’il estime injuste, il choisit d’assumer la prison. Certains y voient un geste bravache, d’autres y voient le courage d’une opinion.

Rappel des faits : Pâques 2007. Vêtu d’un bleu de travail, Roman Týc change jusqu’à 50 bonhommes rouges et verts sur les feux de signalisation : un bonhomme qui boit, un autre qui urine, un troisième auquel il manque une jambe, un pendu et bien d’autres variantes encore remplacent les personnages habituels. Roman Týc :

Roman Týc
« J’ai choisi le système des feux de signalisation comme un espace de comparaison avec le système de la société. Dans le système de signalisation, les bonhommes obéissent ou ordonnent. Moi je leur ai donné l’occasion de s’affranchir et de libérer leur capacité de décision. Je voulais que les gens se rendent compte que même si on leur donne des ordres, ils ne sont pas obligés de les suivre aveuglément. »

Très vite, les passants se rendent compte des changements effectués. Au lieu de susciter la panique ou des accidents, cette intervention dans l’espace public provoque plus sourires et intérêt. Roman Týc :

« Les gens ont réagi spontanément comme jamais auparavant et jamais depuis. Par la suite, je n’ai jamais eu autant de retours directs. L’art de rue ou street-art est en porte-à-faux, en concurrence avec les autres éléments commerciaux du type billboards, publicités etc. Donc, dans ce contexte, il est rare de parvenir à attirer l’attention du spectateur. »

Condamné à payer des dommages à hauteur de 80 000 couronnes, Roman Týc doit alors également débourser 60 000 couronnes d’amende. L’artiste règle sans barguigner les frais en question, mais question de principe, il refuse de donner une couronne pour l’amende. Ce qui lui vaut le tout dernier procès.

« J’avais 15 ans en 1989, au moment de la révolution de velours. D’une certaine façon, avant, je ressentais la pression du régime communiste qui, avec ses moyens de pression, forçait les citoyens à être loyaux. Il les obligeait de la manière la plus simple : en raison de leur comportement, en contradiction avec le système, les citoyens avaient le choix, soit collaborer avec le régime, soit aller en prison. Aujourd’hui, nous vivons dans un système qui en apparence est différent. Mais d’un autre côté, les gens ne réalisent pas ce qu’ils sacrifient au système. De nos jours aussi, on recherche plus son confort quotidien, et pour cela, il faut être loyal. Cela veut dire accepter les principes de notre société qui comme autrefois, étouffent les individus. »

Rebelle à la marche de la société actuelle, Roman Týc veut pourtant croire à un système dans lequel il vivrait, comme il le rappelle dans sa lettre ouverte. Il affirme toutefois ne pas pouvoir croire à un système porté par des personnes comme le juge qui l’a condamné en première instance, aujourd’hui poursuivi pour corruption. Pour toutes ces raisons, Roman Týc est bien décidé à purger sa peine. Pas anarchiste, Roman Týc… juste inquiet des dérives de la société comme le montrent les différents projets du collectif Ztohoven :

« Je n’ai pas d’idée sur la manière idéale dont doit fonctionner le système. Je sais juste qu’à l’heure actuelle, je ne trouve pas que ce système soit idéal et je pense qu’il faut y réfléchir sérieusement. Et ce, même avec des démarches qui ne soient pas de simples gesticulations. Afin que ma création et mon positionnement par rapport à la société ne soient pas un geste vidé de son sens, je dois aller en prison. Je veux porter la responsabilité des mes actes, dans le cadre de notre système de valeurs, afin que les gens, à travers moi, aient la possibilité de juger le système et de se rendre compte de son absurdité. »

A l’heure actuelle Roman Týc attend toujours l’exécution de sa peine.