L'association Jan Hus et le soutien aux intellectuels tchécoslovaques dans les années 1980
L'association Jan Hus a été fondée en 1981 par un groupe d'enseignants français qui souhaitaient venir en aide à leurs collègues tchécoslovaques, pendant la période dite de « normalisation » du régime communiste. Nous avons rencontré deux anciens membres de cette association, Jacques Brunschwig, professeur de philosophie et son épouse Hélène, psychanalyste :
« - Nous avons pris connaissance des activités de l'association Jan Hus, qui s'est formée d'abord en Angleterre, à Oxford et Cambridge je crois. J'avais des amis là-bas qui avaient commencé à organiser des voyages d'universitaires en Tchécoslovaquie pour apporter des documents, organiser des conférences dans des appartements privés, éventuellement pour apporter des livres...
C'était des gens qui étaient exclus de leur travail pour des raisons politiques, pour leurs idées, parce qu'ils étaient pour la liberté de penser. Quand nous y sommes allés, mon mari a donné des cours sur Aristote - qui n'a rien de révolutionnaire - et moi j'ai parlé un peu de psychanalyste anglais. C'était Jacques Derrida qui était le patron de l'Association Jan Hus à ce moment-là et surtout Jean-Pierre Vernant. »
C'était en quelle année ?
« Dans les années 1981-83, quelque chose comme ça. C'était des gens qui étaient chassés de leur université à cause de leurs idées et qui avaient signé la Charte 77. Certains étaient déjà morts pour l'avoir signée, nous étions notamment reçu chez le gendre de Jan Patocka, qui était mort peu longtemps auparavant. »
Quelles personnalités avez-vous rencontrées à ce moment-là, quels dissidents vous ont marqués ?
« - Je n'ai pas retenu leurs noms, mais leurs attitudes. Il y en avait un qui était particulièrement hospitalier et qui invitait tous les intellectuels de passage à prague. Il était très libre parce qu'il avait tout perdu. Il avait perdu son emploi, donc il travaillait dans une boutique de lingerie féminine et il organisait ses conférences presque ouvertement. Je me souviens que lorsqu'on entrait chez lui il disait : 'ici vous pouvez dire tout ce que vous voulez, parce qu'il y a des micros partout !'
- Et il y avait toujours un soldat, à l'entrée ou à la sortie. Quand nous y étions, il était à la sortie et nous a demandé nos passeports, etc. Mais il y avait des gens qui n'avaient pas encore perdu leur travail donc chez ceux-là on allait plus clandestinement, on avait appris par coeur leur adresse et on est descendu à la station de bus d'avant. Tout le monde pensait qu'ils avaient des micros chez eux, ils ne valaient mieux pas les compromettre... »