Le 28 septembre 1950, une date fatidique pour les ordres religieux féminins en Tchécoslovaquie

Les religieuses de Bila Voda, photo: www.charita.cz

La récente date du 28 septembre, fête de l'Etat tchèque, est liée aussi à la commémoration d'un événement de la plus triste mémoire: ce jour-là, il y a 54 ans, a commencé l'internement des religieuses dans des localités isolées du reste de la société. Le plus grand centre d'internement se trouvait à Bila Voda, à la frontière tchéco-polonaise.

Ce village au nom poétique - l'eau blanche, difficilement accessible et caché au milieu des monts Jeseniky, a été un endroit idéal pour l'internement des religieuses de 16 ordres incommodes au régime. Le cimetière local, proclamé monument culturel national en 2000, a une triste primauté d'être le lieu du dernier repos de 700 religieuses ayant passé ici leur vie, contre leur gré... Bien qu'elles ne soient plus à Bila Voda, le camp d'internement y a laissé une trace ineffaçable et son existence, durant toute l'ère communiste, reste un mémento. Un acte de piété y a lieu chaque année, le 28 septembre, jour du commencement des persécutions des religieuses.

La liquidation des ordres et des congrégations de l'Eglise catholique a été l'une des conséquences du putsch communiste de février 1948. Après les procès de dix représentants des ordres accusés d'espionnage, dont le but était de compromettre les ordres pour justifier une intervention contre les couvents, le parti communiste adopte, le 30 janvier 1950, le projet de liquidation des ordres ecclésiastiques. La liquidation des ordres masculins commence, dans la nuit du 13 au 14 avril 1950, et est achevée le 27 avril. La liquidation des couvents féminins suit en automne de la même année. Selon les données de l'hebdomadaire catholique Katolicky tydenik, 32 ordres féminins ont été liquidés dans le courant de l'année 1950. 502 couvents féminins avec 7 643 religieuses, qui existaient en Tchécoslovaque avant 1950, ont été fermés. La plus nombreuse a été la Congrégation des soeurs de la Miséricorde de la Sainte-Croix, la Congrégation des soeurs de saint Charles de Boromée et celle des soeurs de l'enseignement de Notre-Dame. Quant aux religieux, les jeunes ont été convoqués au service militaire, la majorité envoyée dans des brigades de travail pour une rééducation, les irrémédiables internés à Zeliv. Les religieuses, elles, ont été envoyées aux travaux forcés dans l'industrie et l'agriculture. Les biens de l'Eglise ont été confisqués.

Le travail dévoué des religieuses au profit des malades et handicapés, l'obéissance inconditionnelle et volontaire à l'Eglise, le respect des règles de l'ordre, la riche vie intérieure, le comportement, les habits, le refus de s'engager dans les affaires politiques, tout était une épine dans l'oeil du régime. En septembre 1950, 4262 religieuses ont été déportées dans des endroits isolés, pour qu'elles ne puissent pas "influer négativement, par leur foi, la société socialiste naissante." Séparées des autres, et sous une surveillance policière, elles travaillaient dans des usines et dans les champs. On les obligeaient à mettre des habits civils, ce qu'elles refusaient, sachant qu'elles n'auraient plus jamais la possibilité de retrouver leur habit de religieuse. Bien que l'objectif fixé par l'Office de l'Etat pour les affaires religieuses ait été d'isoler les soeurs, il était impossible de les exclure, toutes à la fois, du travail dans des institutions sociales et dans des hôpitaux. Elles remplissaient donc les postes les plus exigeants, dans des hospices et des foyers pour malades mentaux. Au printemps 1953, la direction communiste a prévu l'action dite B, dont le but était l'abolition définitive de tous les ordres féminins en Tchécoslovaquie. Compte tenu de l'évolution de la situation internationale, dont notamment des changements en URSS, les dirigeants y ont renoncé en se contentant de leur écartement progressif de la vie de la société. Les moyens dont ils se servaient étaient, cependant, durs: déménagement forcé, interdiction de contacts avec la supérieure du couvent, interdiction d'accepter des novices. Une courte détente intervient en 1968. La normalisation qui a suivi a tout fait revenir en arrière.

Les années 1950 ont été celles des répressions les plus dures contre les religieuses. Des procès politiques, engagées contre certaines d'entre elles, devaient les intimider et contraindre à une obéissance absolue aux autorités de l'Etat. Des procès, au départ individuels, ont été suivis de procès contre des groupes entiers: ainsi, neuf religieuses ont été condamnées, lors du procès contre les soeurs de la Vierge Marie de Jérusalem d'Opava, en 1952. Huit religieuses, avec à la tête Vojtecha Hasmandova, ont été jugées dans le procès contre les soeurs de l'ordre de saint Charles de Boromée, et on pourrait ainsi continuer la triste énumération des procès qui ont continué jusqu'à 1959. Les peines variaient autour de 5 ans, mais notamment au début des années 1950, des verdicts accablants ont été prononcés: 20 ans pour Sophie Langrova, supérieure générale des soeurs de saint Charles de Boromée, 17 ans pour Marie Vintrova, du couvent des soeurs consolatrices de Rajhrad. Le plus souvent, les religieuses ont été condamnées pour avoir caché chez elles des personnes persécutées, pour avoir aidé des prêtres, mais aussi des laïques, lors de leur passage clandestin de la frontière. Un autre argument a été la continuation de leur travail religieux et la propagation interdite des publications relatives à l'Eglise. Près de 150 religieuses ont été jugées, lors des procès politiques des années 1950...