Quand religieuses et prisonnières font bon ménage...

Ce sont des voeux bien particuliers qu'ont, un jour, prononcé les soeurs pragoises de la charité de Saint Charles Borromée. A l'intérieur de leur couvent se trouve en effet un centre de détention pour femmes avec lesquelles les religieuses partagent leur quotidien. Guillaume Narguet s'est intéressé à cette vie en communauté unique en Europe.

En Italie, au XVIème siècle, Saint Charles Borromée, archevêque de Milan et réformateur de l'Eglise, avait, paraît-il, déployé un zèle exemplaire lors d'une épidémie de peste. Aujourd'hui, l'ordre des Borroméennes, qui fête cette année ses 350 ans d'existence, perpétue activement la mémoire de son patron. Dans une vingtaine de pays du monde, les congrégations continuent de remplir leur mission première, celle des oeuvres caritatives et de bienfaisance, notamment dans les hôpitaux, les maisons de retraite ou dans des établissements sociaux pour des individus en marge de la société. A Prague, la communauté va encore plus loin puisqu'elle a intégré à son monastère une prison pour femmes. Là, les soeurs s'occupent de cinquante à soixante détenues en leur proposant entre autres des travaux en cuisine, en buanderie ou encore d'aide ménagère. Cela sous la surveillance attentive des autorités pénitentiaires, les soeurs et les employés civils s'employant à la réinsertion sociale des prisonnières afin de leur faciliter le retour à la vie normale une fois leur peine purgée.

La première congrégation des Borroméennes tchèques fut formée à Prague, en 1837, par quatre religieuses au retour de leur noviciat effectué en Lorraine, à Nancy. Après s'être occupées, au début des années 1860, d'un centre recueillant des enfants abandonnés, les soeurs se voient dans l'obligation de mettre un terme à leur mission du fait d'une étrange maladie des yeux se répandant entre les enfants. A peine un mois plus tard, en 1865, une maison d'arrêt pour femmes est transférée au couvent. Sous la surveillance des religieuses, ce sont trois cents détenues qui travaillent au champ, à la boulangerie ou dans des ateliers de travaux manuels. L'histoire se poursuit sans heurts jusqu'à la prise du pouvoir par les communistes en 1948. Le couvent fut alors confisqué aux soeurs, attribué au ministère de la Justice et les prisonnières transférées dans d'autres centres de détention. Puis il faut attendre la chute du régime pour qu'en 1994, les Borroméennes retrouvent leurs bâtiments d'origine, en grande partie dévastés, et renouent avec leur tradition carcérale.