Le 65e anniversaire de Munich - faits et témoignages des archives
Soixante-cinq années se sont écoulées depuis la conférence ayant réuni à Munich les représentants d'Allemagne, d'Italie, de France et de Grande-Bretagne. Par crainte que Hitler ne déclenche un conflit militaire en Europe centrale, les représentants des démocraties occidentales le laissent annexer le territoire des Sudètes.
Face au danger imminent, la Tchécoslovaquie conclut un accord de paix avec la France et l'URSS. Aucun de ces deux pays ne vient en aide à la Tchécoslovaquie. Celle-ci est sacrifiée, et Munich est perçu comme une trahison.
Grâce aux archives sonores de la Radio tchèque, nous pouvons écouter un enregistrement authentique d'Edouard Daladier, président du Conseil de la France, qui se prononce sur la difficulté de la situation, à la veille de son départ à Munich:
"J'avais annoncé que je ferais ce soir une communication au pays sur la situation internationale, mais j'ai été saisi, au début de cet après-midi, d'une invitation du gouvernement allemand à rencontrer, demain matin, à Munich, le chancelier Hitler, M. Mussolini et M. Chamberlain. J'ai accepté cette invitation. Ma tâche est rude. Depuis le début des difficultés que nous traversons, je n'ai pas cessé, un seul jour, de travailler de toutes mes forces à la sauvegarde de la paix et des intérêts vitaux de la France. Je continuerai demain cet effort avec la pensée que je suis en plein accord avec la nation tout entière."
La protection de la minorité allemande en Tchécoslovaquie devient un argument clé de Hitler. Il déclare que c'est le plafond de ses revendications. Les Britanniques sont d'accord, ils ne veulent pas de guerre, les Français non plus. Le sacrifice des Sudètes devait être suffisant pour l'empêcher. Le 19 septembre, les gouvernements de France et de Grande-Bretagne invitent la Tchécoslovaquie à céder les territoires limitrophes. La pression monte. Le 21, l'ambassadeur français, De Lacroix et celui de Grande-Bretagne, Newton, soumettent au président Benes l'ultimatum de leurs gouvernements. Le cabinet tchécoslovaque du Premier ministre slovaque, Milan Hodza, finit par l'accepter, suite à quoi il donne sa démission.
Le 22 septembre, Chamberlain part chez Hitler, à Bad Godesberg, dans l'espoir que la crise soit conjurée, par le consentement tchécoslovaque. Hitler le choque, en déclarant que la situation dans les Sudètes est intenable, et il insiste sur la cessation immédiate des territoires, ce que le gouvernement tchécoslovaque rejette, et décrète la mobilisation générale. Hitler est prêt à attaquer le pays. Il est arrêté par la déclaration du président américain Roosevelt, à savoir que les Etats-Unis soutiendraient, en cas d'attaque militaire, la Grande-Bretagne et la France. Une nouvelle conférence est convoquée par Mussolini à Munich. Son principal enjeu - détourner Hitler d'une invasion militaire de la Tchécoslovaquie.
Quatre hommes d'Etat réunis à Munich délibèrent de la Tchécoslovaque, sans elle, le mercredi 29 septembre dans la maison "brune" sur la place Royale de Munich. Les accords qui en résultent laissent Hitler annexer les régions limitrophes des Sudètes. Le président et le gouvernement tchécoslovaques sont contraints de l'accepter, le 30 septembre. Le président Benes le fait dans l'espoir que la paix en Europe centrale puisse ainsi être sauvegardée.
Les moments dramatiques avant et après la conclusion des honteux accords de Munich et leur impact sur l'alliance franco-tchécoslovaque sont décrits par le correspondant spécial français à Prague, Hubert Beuve-Méry, le 4 octobre 1938:
"Il est difficile d'évoquer, en quelques minutes, le climat d'héroïsme et d'angoisse qui, pendant ces 2 dernières semaines, a été celui de la Tchécoslovaquie. Après des évacuations nécessaires, une poignée de Français fidèles à leur pays d'adoption dans les mauvais comme dans les meilleurs jours restaient presque seuls témoins du spectacle. Officiers, professeurs, industriels, commerçants, tous souhaitaient la paix et tout leur âme, mais tous, aussi, groupés autour du chef de la mission militaire française en Tchécoslovaquie, le général Fauchet, attendaient ses ordres. Ceux-ci, finalement, ne devaient pas venir et il n'appartient pas à des Français d'instituer, à l'étranger, une discussion politique à ce sujet. Du moins peuvent-ils s'associer de tout coeur au message émouvant dans lequel le général Fauchet remerciait publiquement, ce matin, le peuple tchécoslovaque, pour les innombrables témoignages de sympathie que sa noble attitude lui avait value. Le malheur immérité, disait ce message, qui a frappé la Tchécoslovaquie, a causé au chef de la mission militaire française une douleur égale à celle de tous les Tchécoslovaques. A cette souffrance s'en ajoute, pour lui, une autre, peut-être plus cruelle encore et qu'il est facile à chacun d'imaginer - demeurons en toute circonstance de bons ouvriers de la vérité et la vérité vaincra."