Le 7 mars 1850 est né Tomas Garrigue Masaryk
"La Tchécoslovaquie, c'est Masaryk" cette phrase exprime la façon dont le nouvel Etat tchécoslovaque, fondé le 28 octobre 1918 par Tomas Garrigue Masaryk, était perçu dans le monde encore longtemps après son décès. Le 7 mars, nous avons commémoré le 155e anniversaire de la naissance du premier président tchécoslovaque.
Après des études de philosophie à Vienne et à Leipzig, Tomas Masaryk épouse une Américaine, Charlotte Guarrigue, et accepte le poste à l'Université praguoise. Il étonne le milieu conservateur pragois par ses opinions et ses conférences sur des thèmes jusqu'ici tabous tels que le suicide. Il se fait remarquer dans l'affaire des manuscrits Kralovedvorsky et Zelenohorsky. Par des méthodes scientifiques, il prouve leur fausseté, au prix de la perte de confiance de la société. A peine sorti de cette affaire qui a bouleversé les sentiments patriotiques, il prend la défense d'un Juif, Hilsner, accusé d'un meurtre rituel sur la personne d'une chrétienne, ce qui déclenche en Bohême quelque chose comme l'affaire Dreyfus en France. Ces conflits avec les milieux nationalistes orientent Masaryk vers la vie politique. Il appelle le réalisme le nouveau courant politique qu'il représente.
Dès 1907 il est l'unique député du Parti réaliste au parlement de Vienne. Bien qu'il soit un critique de la situation en Autriche-Hongrie, Masaryk est loyal à son égard, sans jamais penser à la possibilité de jouer la carte de l'émancipation des Tchèques. Ceci ne change qu'après le déclenchement de la guerre, en août 1914, lorsqu'il réalise que l'Autriche-Hongrie est dans une impasse et que la guerre est une opportunité historique de construire une alternative. Masaryk part en exil et mène une double bataille - il organise les légions et mène des négociations diplomatiques en France, en Angleterre, en Russie et en Amérique, où il réussit à obtenir le soutien du président américain Woodrow Wilson pour l'idée de création d'un nouvel Etat. L'autonomie tchécoslovaque est proclamée dans la déclaration de Washington le 28 octobre 1918. Le 14 novembre, Masaryk est élu le premier président de la République tchécoslovaque.Le premier président tchécoslovaque était aimé et respecté par la nation qui le surnommait "papa Masaryk". Son allocution prononcée le 28 octobre 1928, à l'occasion du 10e anniversaire de la fondation de la Tchécoslovaquie, témoigne de ce rapport :
"Nous sommes tous appelés à travailler, chacun à sa place et selon ses capacités. Nous qui travaillons honnêtement, nous sommes tous égaux dans ce travail. Un bon ouvrier ne mérite pas moins de respect qu'un bon président."
A l'âge de 84 ans, Masaryk, toujours très vital, a été réélu pour la 4e fois président de la République. Un an plus tard, des problèmes de santé l'ont contraint de démissionner au profit d'Edvard Benes dont il soutenait l' orientation vers la France. La mort de Masaryk, le 14 septembre 1937, au château de Lany, a profondément attristé les Tchèques. Même aujourd'hui, il reste une légende. Lorsqu'on demande aux gens de désigner la personnalité la plus remarquable de notre histoire moderne, beaucoup d'entre eux répondent spontanément: Masaryk, bien évidemment.
Masaryk était un précurseur de l'esprit européen, croyant dur que toutes les nations ont la même dignité, la même honneur, qu'elles soient petites ou grandes. Un aspect extrêmement moderne de Masaryk est qu'il a octroyé le droit de vote aux femmes, dans la constitution de 1920. La Tchécoslovaquie était, avec la Pologne, le premier pays en Europe à avoir donné le droit de vote à toutes les femmes sans restriction quelconque. En cela, Masaryk est absolument moderne, a déclaré, lors de sa récente visite à Prague, Alain Soubigou, maître de conférences à l'Université de Paris l qui, dans sa biographie de Masaryk, a consacré un chapitre entier au thème de Masaryk et les femmes:
"Autre modernité, très précoce de Masaryk: lorsqu'il va se marier, à New York, en épousant sa femme américaine, Charlotte, il intégrera dans son nom, Tomas Masaryk, le nom de sa femme, Garrigue. Parce qu'il estime que la femme perd son nom dans le mariage et il lui paraît logique qu'il adopte le nom de sa femme. Ce n'était pas très légal, en fait, mais il a toujours signé Tomas Garrigue Masaryk, TGM. Masaryk a été un grand féministe. Et les femmes tchécoslovaques l'on tellement bien ressenties qu'en 1930, l'Association des femmes tchécoslovaques, Zenske hnuti, a écrit un livre entier dédié à Masaryk. Ce sont des souvenirs de femmes qui ont travaillé et qui ont vécu avec Masaryk et qui racontent l'homme qu'était Masaryk. C'est très intéressant, c'est sous la direction d'une certaine madame Plaminkova qui était sénateur dans l'entre-deux-guerres: vous savez qu'en France, le sénat refusait que les femmes votent, alors que dans la Tchécoslovaquie de Masaryk, les femmes étaient, pouvaient être sénateurs. Masaryk avait un charisme à l'égard des femmes. Il a perdu son épouse en 1923 et il a continué d'attirer les femmes, notamment les jolies femmes. Je rappellerais Louise Weiss qui était une très grande journaliste, qui comprenait parfaitement et partageait les idéaux de Masaryk en France, qui diffusait ses idéaux et ses livres. Elle aimait beaucoup la compagnie de Masaryk: elle venait en tout honneur passer deux ou trois mois par an notamment à Topolcianky, en Slovaquie. Dans tout ce qu'il faisait, Masaryk était un homme extrêmement moderne et par ex. sur le plan de son nom, c'est une modernité qui paraît encore inconcevable de nos jours."