Le français sur la radio Vltava
Vltava ce n'est pas seulement la rivière qui traverse la Bohème avant de se jeter dans l'Elbe, rivière mythique du peuple tchèque glorifiée par le célèbre poème symphonique de Bedrich Smetana. C'est aussi une chaîne de la radio publique tchèque réservée à la culture et la musique. La station Vltava présente depuis le début de l'année une série d'émissions intitulée Bon Appétit. C'est une émission bilingue, en tchèque et en français, et dans son cadre, on présente aux auditeurs tchèques la cuisine française. On en profite en même temps pour faire entendre aux auditeurs la langue française, pour leur donner l'envie d'apprendre cette langue et pour élargir le vocabulaire de ceux qui ont déjà commencé. L'émission est présentée avec charme par la comédienne Chantal Poullain, une Française établie en République tchèque, et l'écrivain, traducteur et homme de théâtre tchèque Michal Laznovsky. Je les ai rencontrés dans le studio de Vltava juste avant l'enregistrement de leur programme.
Vous présentez à la radio publique tchèque une série d'émissions tchéco-françaises. Pouvez-vous expliquer de quoi il s'agit ?
Michal Laznovsky: "Cela fait partie d'une série qui sera diffusée pendant toute l'année 2005 par la troisième chaîne de la radio publique tchèque Vltava. Ce n'est pas seulement la culture française qui est présentée. C'est une tout petite émission qui dure dix minutes et est diffusée tous les jours. Cela commence par la cuisine, mais après il y aura, par exemple, des monologues de pièces françaises, de la poésie française et d'autres thèmes pendant toute l'année."
Est-ce que ce genre d'émission est courant sur la radio publique tchèque ?
M. L.: "Il y a déjà eu des essais. Les gens sont intéressés, mais ce n'est pas la majorité qui écoute la radio Vltava, ce sont souvent des intellectuels. Il y avait déjà une émission bilingue tchéco-latine et après il y avait une série d'émissions bilingues consacrées aux sonnets de Shakespeare qui a connu aussi un grand succès. Maintenant c'est donc la langue française qui sera présentée comme ça."
Dans la première partie de cette série vous présentez donc aux auditeurs tchèques la cuisine française. Est-ce que vous connaissez les recettes que vous présentez au public tchèque, est-ce que vous-même vous les avez essayées, vous les avez mangées, vous les avez préparées pour vous vos amis, pour votre famille, pour vous-même?
Chantal Poullain: "La plupart, je ne dirais pas toutes, parce qu'on en a quand même une quarantaine, donc je ne les ai pas toutes essayées, mais la plupart oui. Mais ce qui est pour moi très important, c'est que c'est une présentation de la cuisine française, certes, mais aussi avec une possibilité d'improvisation. C'est à dire la cuisine n'est pas quelque chose en béton, la cuisine c'est l'amour, c'est l'amour d'improviser aussi, de rajouter, de manipuler en fin de conte une recette. On n'est pas obligé, à chaque recette, de respecter chaque mot. Alors on parle de cela, on donne des possibilités parce que, par exemple, il y a des produits qui sont plus difficiles à trouver en République tchèque que dans le Sud de la France d'où je viens. Il est donc important peut-être de conseiller comment on peut manipuler la recette d'une façon ou d'une autre."
Les auditeurs apprennent ainsi comment préparer les plats dont les noms font monter l'eau à la bouche : gratin dauphinois, homard à la normande, ragoût d'aubergines, lapin à la moutarde, potage au potiron, truites aux amandes, pommes de terre lyonnaises, poires au vin. Ceux qui désirent enrichir leur table de spécialités françaises peuvent trouver ces recettes sur le site de Vltava www.rozhlas.cz/vltava/bonappetit. L'émission est diffusée trois fois par jour à 5:30, 13:30 et à 22:47.
Mais l'ambition de cette série d'émissions est de présenter aussi la langue française. Est-ce que les recettes de cuisine sont un bon moyen pour cela?
Chantal Poullain : Ecoutez, je ne sais pas, mais je crois que le plaisir de la cuisine c'est aussi un plaisir des mots parce que vous avez les mots qui expriment quelque chose mais la cuisine peut être exprimée aussi par les mots. Et le plaisir c'est la possibilité du dialogue. La cuisine est une façon de dialoguer, parce que c'est le goût, c'est la communication, c'est plein de choses autour. Les plaisirs de la table n'étaient pas très respectés à l'époque où je suis arrivée ici, c'est à dire à l'époque du communisme, la table n'était pas quelque chose de très important. Donc pour moi, elle est fondamentale, se retrouver autour de la table c'est fondamental. Et à travers de cette émission on se fait ce plaisir-là. Je parle avec mon tchèque à moi. On mélange les langues, on prend plaisir et c'est aussi une façon d'apprendre. On dit "la farine" et puis on comprend que "mouka" c'est la farine. C'est aussi donc une façon d'apprendre quelques mots en français. On commence toujours par quelque chose, par de petites gouttes comme ça."
Vous êtes Française, vous vivez depuis des années en République tchèque. Qu'est ce que les Tchèques pourraient éventuellement apprendre des cuisiniers français?
Ch. P.: (Rires) "Je ne sais pas si c'est une question pour moi, parce que je ne suis pas cuisinière, moi, je suis comédienne, c'est complètement différent. Moi je fais la cuisine de la maison, c'est-à-dire, celle que je préfère d'ailleurs. J'ai donné mes recettes dans plusieurs restaurants. Je pense qu'il faut surtout apprendre ici à se retrouver autour de la table, voilà, en famille, à la maison, je ne dis pas seulement au restaurant, et prendre le temps, prendre le plaisir à manger, d'essayer de nouvelles recettes et de communiquer. Je crois que c'est ce qui m'intéresse, moi, à travers la cuisine ici."
Est-ce que vous avez déjà eu des réactions à votre émission?
Michal Laznovsky: "Jusqu'à maintenant il y a des réactions plutôt positives. Il y a des gens qui nous écrivent par e-mail ou par courrier. Je pense qu'il y a beaucoup de gens, et j'en ai été même surpris, qui apprennent le français et la cuisine concerne tout le monde ... Ce sont surtout les femmes qui écoutent, qui répètent et qui recommencent comme ça à apprendre le français ..."
Chantal Poullain: "Mais les hommes aussi ! Moi j'ai été surprise parce qu'on a rencontré justement des personnes qui ont déjà essayé les recettes."