« Le hockey est important, mais aller voter aussi » : la presse tchèque désolée par la campagne pour les élections européennes

Foto: Martin Pokorný, Archiv des Tschechischen Rundfunks

La tenue des élections européennes en République tchèque ces vendredi et samedi inquiète les médias tchèques. Regrettant la pauvreté du débat qui a précédé le scrutin, la majorité d’entre eux appellent toutefois leurs lecteurs et auditeurs à aller voter. Revue de presse.

Photo: Martin Pokorný,  ČRo
Compte tenu de leur faible participation au scrutin (28 % pour les premier et deuxième en 2004 et 2009, 18 % en 2014), on pourrait légitimement penser que les élections européennes n’intéressent que bien peu les Tchèques ou, peut-être, qu’elles ne tombent jamais au bon moment. Les Unes de la plupart des quotidiens de ce vendredi pourraient confirmer cette idée. Pratiquement absentes de la première page de Mladá fronta dnes (MF Dnes), le quotidien d’information générale le plus lu dans le pays, les élections se disputent la place à la qualification, jeudi soir, des hockeyeurs tchèques pour les demi-finales du championnat du monde sur celle de Lidové noviny.

A côté d’un gros titre annonçant que « Babiš veut une Commission européenne plus faible », se trouve en effet une grande photo de joueurs et de supporters radieux. Il faut dire qui si le taux d’abstention est aussi fort qu’il y a cinq ans de cela (81,8 %), les Tchèques seront plus nombreux devant leurs postes de télévision ce samedi pour suivre la demi-finale contre le Canada que dans les bureaux de vote. D’ailleurs, jeudi soir déjà, tandis que plus de deux millions de personnes ont suivi le quart de finale contre l’Allemagne, seules 260 000 ont suivi le dernier débat avec les leaders des principaux partis politiques diffusé par la Télévision tchèque

« Přijdeme ? » - « Irons-nous » - comprenez voter – se demande même d’ailleurs l’éditorialiste de Lidové noviny, journal, comme MF Dnes, propriété du grand groupe médiatique Mafra racheté par l’actuel Premier ministre Andrej Babiš en 2013 peu après son entrée en politique. Une question que beaucoup d’autres commentateurs et analystes se sont posé tout au long de la semaine écoulée, sans toutefois être en mesure de fournir de réponse satisfaisante.

Photo:  ČTK/David Taneček
Presqu’étonnamment, c’est Deník qui propose le plus gros titre avec, selon le quotidien régional, « des élections européennes qui vont faire trembler l’Union sans guère faire bouger la Tchéquie ». Nombreux sont ceux en effet à regretter la pauvreté de la campagne qui a précédé ces élections.

« Des pleurnichements sur comment l’UE nous est nuisible au lieu d’une campagne, de vaines promesses au lieu d’un débat », estime ainsi Deník N, nouveau quotidien apparu en octobre dernier sur la scène médiatique tchèque. « Le racolage des électeurs a dessiné le portrait d’un pays mal traité qui s’efforce uniquement par tous les moyens de retirer le plus possible de son alliance avec les autres », peut-on ainsi lire dans le chapô d’une longue analyse sur deux pages de la relation de « Je t’aime moi non plus » qu’entretiennent les Tchèques avec Bruxelles.

L’étroitesse d’esprit des Tchèques

Plus tôt dans la semaine, l’éditorialiste de l’hebdomadaire Týden avait remarqué que tandis qu’en Allemagne voisine, des thèmes comme les changements climatiques, les droits des femmes et des minorités, la numérisation ou encore la migration ont constitué les priorités pour les partis politiques en lice pour ces européennes, en République tchèque, c’est celui de la double qualité des aliments, autrement dit la bouffe, qui a prédominé. « Selon moi, il serait difficile de trouver une définition plus précise de ce qu’est l’étroitesse d’esprit des Tchèques et la culture politique dans notre pays. […] Tous les slogans que l’on a vu fleurir durant la campagne pour nous convaincre de la nécessité de protéger nos intérêts ne sont rien d’autre que la preuve de notre peur de ce qui se passe au-delà de nos frontières », juge-t-il.

Source: Twitter du magazine Respekt
De son côté, le site de la Radio tchèque irozhlas.cz propose, entre autres, une plongée dans ses archives pour rappeler qu’en 1979 déjà, il y a donc quarante ans de cela, à une époque où la République tchèque n’existait même pas encore, la Radio tchécoslovaque informait de la faible participation aux élections européennes. Avec un taux alors de 62 % pour l’ensemble des pays membres était alors évoqué un « désintérêt des électeurs » (cf. : https://www.irozhlas.cz/zpravy-domov/eurovolby-evropska-unie-cesko-archiv-ucast_1905240810_och). Un désintérêt général en somme renforcé depuis par celui des Tchèques… Et qui explique pourquoi le magazine Respekt a posté sur les réseaux sociaux un dessin représentant un gardien de hockey sur glace en action avec un maillot frappé du drapeau européen sur les épaules pour rappeler que si « le hockey est important, aller voter l’est aussi ! ». (cf. : https://twitter.com/respekt_cz)