Le match Sparta-Rangers se transforme en crise diplomatique

Plusieurs jours après le match qui a opposé le Sparta aux Glasgow Rangers en Ligue Europa, le ministre tchèque des Affaires étrangères Jakub Kulhánek a demandé des excuses après que le conseiller en matière d’égalité et de diversité de la Fédération écossaise de football Marvin Bartley a qualifié les Tchèques de « fruits pourris ». L’ambassade britannique à Prague a assuré qu’elle ferait suivre cette demande, et qu’elle était résolue à renforcer les liens entre les deux pays. Cependant, le ministre tchèque de l’Intérieur Jan Hamáček estime que cette situation très tendue devrait inciter les Tchèques à réfléchir avant de se rendre en Ecosse.

Le match de Ligue Europa entre le Sparta Prague et les Glasgow Rangers s’est terminé jeudi 30 septembre sur un score de 1 à 0, mais la dispute se poursuit désormais hors du terrain. En effet, réagissant aux huées répétées des enfants spectateurs à l’encontre du milieu de terrain Glen Kamara, Marvin Bartley n’avait pas mâché ses mots : dans un tweet du 1er octobre, il avait déclaré que ce n’était en fait pas la faute des enfants, qui ne faisaient qu’imiter le comportement des adultes.

Nick Archer | Photo: Vít Šimánek,  ČTK

Lundi 4 octobre, le ministre tchèque des Affaires étrangères Jakub Kulhánek (ČSSD) avait donc réclamé à l’ambassadeur britannique à Prague Nick Archer de demander à la Fédération écossaise de football de prendre ses distances avec le conseiller Marvin Bartley, ou de présenter des excuses pour les propos de celui-ci. Selon Jakub Kulhánek, « les rencontres sportives déclenchent des émotions diverses, mais celles-ci ne devraient pas se transformer en insultes xénophobes visant des mineurs ». L’ambassade britannique à Prague a ensuite répondu sur Twitter qu’elle avait transmis cette demande et qu’elle était résolue à renforcer les liens entre les deux pays. Selon l’ambassade, le gouvernement britannique « condamne la xénophobie sous toutes ses formes », mais « c’est l’UEFA qui devrait s’occuper des incidents survenus pendant les matchs de football ». Mardi 5 octobre, l’UEFA a d’ailleurs annoncé avoir ouvert une enquête sur les événements entourant la défaite des Rangers contre le Sparta Prague.

Pour rappel, c’est dans un stade initialement frappé d’un huis clos que le Sparta devait jouer jeudi dernier, après que des supporters du club monégasque ont proféré des injures racistes au milieu de terrain Aurélien Tchouaméni lors d’un match précédent. Mais l’UEFA avait finalement autorisé l’ouverture du stade à quelque 10 000 enfants de 6 à 14 ans et leurs accompagnateurs.

Glen Kamara | Photo: Vít Šimánek,  ČTK

Par leurs cris, ces jeunes spectateurs voulaient manifester leur aversion pour le milieu de terrain finlandais, Glen Kamara, qui avait, en mars, affirmé avoir été la cible d’injures racistes de la part du défenseur du Slavia Ondřej Kúdela. Il avait ensuite agressé physiquement ce dernier dans le tunnel du stade, et l’incident avait vu Ondřej Kúdela condamné à dix matchs de suspension, et Glen Kamara à trois matchs de suspension.

Jakub Kulhánek | Photo: Vít Šimánek,  ČTK

Cependant, le ministre tchèque des Affaires étrangères Jakub Kulhánek estime que si Glen Kamara a été hué jeudi soir, cela n’a rien à voir avec sa couleur de peau, mais avec ces événements survenus plus tôt cette année. Martin Vait, du quotidien Sport, est du même avis :

« Oui, il y a eu des huées, mais pas de cris de singe. Or les huées ne sont pas nécessairement une insulte raciste. La véritable question, c’est est-ce que les huées des enfants sont de nature raciste, ou est-ce que c’est l’histoire des coups portés à Ondřej Kúdela qui fait désormais partie intégrante du débat tchèque, ce qui fait que la société tchèque et le football tchèque sont injustement vus comme xénophobes et racistes. »

Jean-David Beauguel | Photo: Miroslav Chaloupka,  ČTK

Néanmoins, le Sparta n’en est pas à sa première affaire de comportements racistes sur ou hors terrain, loin de là. Et le club ne fait pas exception en République tchèque, comme peut en témoigner personnellement l’attaquant français du Victoria Plzeň Jean-David Beauguel, qui avait, en juin 2020, subi des injures racistes de la part de supporters du Sigma Olomouc. « Je voudrais savoir quand la fédération tchèque va imposer une grosse sanction contre les actes de racisme ? », avait-il alors réagi. Sur les réseaux sociaux, Jean-David Beauguel se fait d’ailleurs un devoir de relayer les manifestations racistes vues et entendues dans les stades tchèques et européens. Quand à Martin Vait, il admet que le racisme est très présent dans le football tchèque, mais il estime qu’à travers le football, c’est le problème plus général de la société tchèque qui est mis en exergue :

Martin Vait | Photo: Barbora Linková,  ČRo

« Le football tchèque a un énorme problème avec le racisme. Alors que les Britanniques, eux, sont au moins capables de l’admettre et de se dire ‘Allez, changeons les choses, faisons une énorme campagne contre les crimes de haine et le racisme en ligne’, ici en République tchèque, nous ne faisons que lever les bras au ciel en disant « Que voulez-vous y faire’. Le problème, c’est qu’ici on n’y prête attention seulement lorsqu’il se passe quelque chose de mal… Et c’est seulement à ce moment-là qu’on y prête une attention vraiment massive. Ce n’est pas que dans le football, le problème est pire… Non, ce n’est pas le cas : le football rend visible une couche de la population que l’on ne voit ni entend en temps normal. Mais elle est bien présente. Dire que c’est le problème du football, ce n’est pas vrai : c’est le problème de la société. Mais par le football, il est mis en évidence. »

Pour Jakub Kulhánek, il est important que les relations entre la Grande-Bretagne et la République tchèque restent bonnes sur le long terme. Il constate cependant que « ces dernières années, on a vu se manifester des attaques verbales – voire physiques – à l’encontre des citoyens d’Europe centrale et d’Europe de l’Est dans l’espace public britannique ».

Sparta Prague - Glasgow Rangers | Photo: Vít Šimánek,  ČTK

Ainsi, en raison de cette escalade des tensions et à l’approche du match retour, qui doit se jouer le 25 novembre à Glasgow, le ministère tchèque de l’Intérieur a pris contact avec les autorités écossaises pour que soit assurée la sécurité des citoyens tchèques sur place. Et ce qu’il s’agisse de supporters de football, de touristes ou de personnes en déplacement professionnel.