Le Monde de Banksy : une exposition controversée mais appréciée du public
Le 5 juin, la Galerie Mánes a inauguré l’exposition « Le Monde de Banksy », prévue jusqu’au 27 septembre. Présentant plus de 60 œuvres issues d’une collection privée, ainsi que des reproductions des plus célèbres graffitis de l’artiste, cette exposition reste controversée puisqu’elle se tient sans l’autorisation de Banksy.
Loin de s’en cacher, Le Monde de Banksy affiche sur son site la mention « 100% non autorisé ». La première exposition a eu lieu à Berlin en 2017, avant Bruxelles l’année suivante. Actuellement, Le Monde de Banksy a trois expositions en cours, une se tient à Paris depuis 2019, une autre a ouvert à Barcelone avant le confinement, et c’est maintenant au tour de Prague, depuis le 5 juin, d’accueillir ce concept. L’exposition ambitionne d’apporter « une approche différente de l'identité inconnue de Banksy avec le concept de la rue, où se déroulent la lutte de l'existence et le tourbillon quotidien ».
L’exposition s’ouvre sur une salle faiblement éclairée, dans laquelle on peut admirer des reproductions réalisées par des étudiants de l'Académie des beaux-arts de Prague. Parmi les œuvres, on retrouve les plus emblématiques, comme celle de la petite fille levant les mains vers un ballon rouge qui s’envole, ou celle du manifestant jetant un bouquet de fleurs. La salle suivante, plus lumineuse, présente une réplique du mur de Bethléem qui sépare les territoires palestiniens d'Israël. S’ouvre ensuite la deuxième partie qui regroupe plus de 60 versions imprimées des plus célèbres œuvres de Banksy. Et pour finir, lorsque vous quittez l’exposition, vous devez passer par le magasin de souvenirs où sont vendus, entre autres, des tasses, des sacs en toile et des cartes postales représentant ses pochoirs.
Afin d’en découvrir plus sur cette exposition, la manière dont elle a été réalisée et les difficultés qui ont été surmontées, nous sommes allés à la rencontre de l’organisateur de l’évènement Derya Evren, qui nous explique que des élèves de la Faculté des Beaux-Arts de Prague ont participé à ce projet.
Derya Evren :
« Nous avions besoin de reproduire les graffitis et je trouve qu’ils ont fait du bon travail. Ils ont travaillé ici entre à quatre et six semaines. Presque tous les graffitis sont en taille réelle, les seuls à ne pas l’être sont ceux sur le Mur de Bethléem car le mur était trop haut, nous n’avions pas la possibilité de construire un mur de 9 mètres. En tout cas, nous n’avons pas eu le temps à cause du Covid-19. Il y a eu beaucoup de retard, début mars nous devions nous rencontrer avec la production mais les vols étaient annulés, et nos partenaires venant d’Allemagne ne pouvaient donc pas venir à Prague. Nous nous sommes demandé si on allait faire cette exposition cette année ou non, et nous avons décidé que oui. Au final, ce que nous avons fait n’est pas mauvais, en tout cas, malgré les circonstances et le coronavirus, ce n’est pas mal ».
Personne ne connait l’identité de Banksy, un street artiste qu’on pense être britannique, et qui depuis une trentaine d’années, voyage de pays en pays pour y faire passer des messages libertaires, antimilitaristes, et anticapitalistes. N’appréciant pas que ses peintures soient vendues aux enchères, il a programmé la destruction de l’une d’elles, « La fille au ballon », lors de sa mise en vente. Banksy, qui refusait ses droits d’auteur, a été contraint de déposer sa marque à la suite d’une exposition de ses œuvres par un musée de Milan sans son autorisation. En 2018, il a également porté plainte contre ce musée pour avoir commercialisé des produits dérivés.
Ses œuvres sont devenues incontournables. Elles sont connues à travers le monde et sont appréciées par un très large public. Nous avons interrogé les visiteurs afin de savoir ce qui leur plait dans l’art de ce mystérieux Banksy.
« Ça fait partie de la Pop culture et le message derrière est principalement politique. Ça m’intéresse énormément et je trouve que c’est un parfait mélange entre art et politique ».
« J’aime le fait que ce soit étrange, que les œuvres aient plus d’un seul sens. J’aime aussi le style des graffitis. Ce que Banksy fait, c’est plus que du street-art, c’est de l’art. Ce n’est pas important de savoir de quel type d’art il s’agit ».
Si certains visiteurs connaissent Banksy depuis plusieurs années, d’autres ne savaient que peu de choses à son sujet et ont profité de cette exposition pour en apprendre davantage. Impressionnés par ses œuvres et attentifs à ses messages, tous n’ont cependant pas le même avis concernant le street-art et la place qu’il occupe. Banksy, comme d’autres street artistes, refusent que ses œuvres soient exposées car selon lui, leur place est dans la rue, et non dans un musée :
« Je comprends, il veut que ses œuvres soient vues dans la rue, et c’est pour ça qu’il a commencé. Mais d‘un autre côté, les exposer permet de toucher plus de gens. »
« Si on voyait ses œuvres dans la rue, ça serait beaucoup plus puissant ».
« La rue serait un lieu adéquat pour montrer ces œuvres, mais c’est bien aussi de les voir dans un musée car on a accès à la traduction, et ça nous donne plus d’informations »
Derya Evren, commissaire de l’exposition :
« Tous les graffitis sont des reproductions. Mais pour les tableaux, certains sont les originaux, et d’autres sont des reproductions. Mais je pense que l’idée principale derrière l’exposition n’est pas de se demander si l’œuvre est l’originale ou une reproduction mais plutôt de savoir quel est son message, ce qu’il pense de la société, de la politique, de l’économie, des gens. Et je pense que ça permet d’acquérir une conscience sociale et politique, et d’en apprendre davantage sur ce qu’il se passe ailleurs dans le monde. Parce que beaucoup de gens ne savaient pas qu’un mur séparait un territoire à Bethleem par exemple, donc je pense que c’est un succès. »
Beaucoup des visiteurs ont été surpris d’apprendre que l’exposition n’avait pas l’accord de Banksy, mais selon eux, cela reste une bonne idée. Ils mettent en avant le fait que l’exposition soit le seul moyen pour eux d’avoir accès aux œuvres et à leur contexte :
« J’ai une amie qui ne voulait pas voir cette exposition car pour elle, ce n’est pas Banksy. Je lui ai dit que c’était son opinion mais personnellement je trouve ça sympas car je n’ai pas d’autre occasion de voir ses œuvres. »
« Je pense que c’est tout de même bien de faire ça sinon on pourrait uniquement voir ses œuvres sur internet, et voir autant d’œuvres en un seul lieu c’est avantageux. »
« Je suis toujours surpris lorsque je vois des expositions de Banksy et je me demande comment ça se passe. Je pense que c’est tout de même bien car beaucoup de gens peuvent ainsi voir ces œuvres, puisque voyager à travers le monde pour les voir est très compliqué. »
Interrogés sur l’idée que se fait Banksy des musées et de l’art, les visiteurs sont partagés. En effet, pour lui, se rendre dans un musée revient à admirer l’armoire à trophées de certains millionnaires, et lui ne souhaite pas que les gens aient à payer pour voir ses œuvres :
« J’ai visité plusieurs musées à Prague. Honnêtement si j’avais de l’argent, j’achèterais des œuvres de Banksy. Mais en même temps, son combat est de ne pas lier l’art et l’argent. Et c’est un peu étrange de payer pour quelque chose dont l’artiste n’a pas les droits. J’ai payé 7 euros car je suis étudiant. Ça pourrait être un prix symbolique, mais ce n’est clairement pas le cas. Le prix est assez élevé, et il est élevé pour une exposition dont Banksy n’est pas au courant et qui va un peu à l’encontre de ses valeurs ».
Derya Evren : « Il y a beaucoup de critiques, comme toujours, mais la plupart sont heureux et disent que c’est une expérience riche en émotions. Nous voulions montrer comment ça a commencé et comment ça a continué par la suite. Ça a débuté dans les rues, donc l’exposition commence avec les graffitis. Puis Banksy est allé dans des musées pour y accrocher des toiles, et c’est à cela que la deuxième partie de l’exposition est consacrée. »
Une partie de l’argent récolté grâce aux frais d’entrée va être reversé à des organisations, probablement à des fondations s’occupant des enfants en République tchèque selon Derya Evren, qui indique que cette décision sera prise à la fin du mois d’août.