Le monde disparu des Roms et des Sintis tchèques

Cenek Ruzicka et Vaclav Klaus, photo: CTK

« Un monde disparu », tel est le titre de l'exposition qui présente des photographies de Roms et Sintis tchèques d'origine. Du 6 au 29 septembre, la Galerie nationale rend hommage à cette importante minorité de République tchèque, en montrant des photos de l'avant-guerre.

Cenek Ruzicka et Vaclav Klaus,  photo: CTK
Ils posent, en famille ou individuellement, en train de marcher ou assis, encore presque vivants sur ces photos, mais déjà disparus... Les poses sont les mêmes que celles des photos de famille que nous avons dans les tiroirs de nos armoires. Et pourtant, ils n'avaient pas les mêmes droits que les autres citoyens. Ils, ce sont ces femmes aux cheveux d'ébène, ces hommes à la peau cuivrée comme les Indiens, leurs ancêtres. Facilement reconnaissables et donc montrés du doigt. Cenek Ruzicka, président du Comité pour l'indemnisation des victimes rom de la Shoah rappelle quels étaient la situation et le statut des Roms sous la Première République tchécoslovaque :

« Très mauvais. C'était sous Masaryk. Il existait la loi 117 datant de 1924 qui obligeait les Roms à avoir une carte d'identité tzigane. Les Roms n'avaient pas le droit d'entrer dans de nombreuses villes. Ils devaient constamment se signaler, ils étaient enregistrés. Ce type de discrimination, les Roms connaissent depuis la nuit des temps. La plupart des gens leur faisaient sentir qu'ils étaient des citoyens de second ordre. Mais si vous regardez les photos, vous pouvez voir qu'il ne s'agit pas du tout de citoyens de seconde catégorie ! Ce sont des gens normaux, éduqués. Ils s'habillent bien, ils sont élégants, intelligents. Des gens qui ne posent pas de problèmes. »

L'exposition présente les Roms et Sintis tchèques d'origine. Cenek Ruzicka rappelle que lorsqu'il y a des siècles, les Roms sont venus d'Inde, une partie s'est installée sur le territoire de la République tchèque actuelle, les Roms, une autre partie s'est implantée en Allemagne, les Sintis. Mais plus tard, certains Sintis ont changé à nouveau de cap et sont venus en Bohême où ils se sont installés, créant souvent des unions avec les Roms locaux.

C'est parce que se trouvent une porcherie et un espace récréatif sur les sites de deux camps de concentration à Lety et à Hodoninek que le Comité pour l'indemnisation des victimes rom de la Shoah a été créé, pour faire en sorte que la mémoire des victimes soit honorée. Cenek Ruzicka espère que l'exposition sera aussi l'occasion pour les jeunes générations de découvrir le destin des populations rom. Car le souvenir fait défaut jusque dans les livres scolaires. RP a demandé à Cenek Ruzicka pourquoi :

« Je réfléchis à cette question toutes les semaines. J'ai trouvé une explication : c'est parce que la société tchèque a participé à l'assassinat des Roms durant la guerre. C'est de la mauvaise conscience. Prenez Lety et Hodoninek, deux camps de concentration où sont morts nos ancêtres. A Lety il y avait 326 Roms, 241 enfants. Tous sous surveillance de personnel tchèque, sous l'administration de fonctionnaires tchèques du Protectorat. Bien sûr, les nazis ont obligé l'administration à rassembler les Roms nomades. Mais ils ne leur ont pas demandé de les supprimer sur le territoire. Les nazis n'étaient pas bêtes : ils avaient besoin de cette main-d'oeuvre à Auschwitz et de les utiliser d'une manière ou d'une autre. Ils n'avaient donc pas intérêt à ce qu'ils meurent ici. »