Le non français vu de Prague

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Les quotidiens tchèques de lundi ont tous sans exception consacré une large place au rejet du Traité constitutionnel européen par les électeurs français. « Les Français ont refusé la Constitution, l'Union européenne est en crise », titrait par exemple le journal économique pragois Hospodarske noviny.

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Le débat dans l'Hexagone avait été observé de près depuis Prague, où l'on avait cependant du mal à saisir ce qui pouvait bien rassembler dans un même camp - celui du non - le Front national de Jean-Marie Le Pen, les altermondialistes derrière José Bové, et une partie des socialistes. Mais le résultat n'est pas pour autant une surprise dans une République tchèque considérée elle aussi comme pays à risque lorsqu'on parle de ratification de la Constitution européenne.

A Prague, on ne savait toujours pas, avant le 29 mai, quand et comment cette Constitution allait être soumise au vote. Le gouvernement de centre-gauche et l'opposition tchèques s'accordaient sur l'idée d'organiser un référendum, mais ne parvenaient pas à s'entendre sur la date et sur les termes de la loi spéciale nécessaire à une telle consultation. L'éditorialiste de Lidove noviny prévient qu'il faut attendre de savoir si les Hollandais rejetteront également la Constitution mercredi prochain pour tirer un trait définitif sur ce texte.

Jan Zahradil
Le Parti civique démocrate (ODS) et son fondateur, le président de la République Vaclav Klaus, hostiles à ce projet de Constitution depuis le départ, le considèrent dès aujourd'hui définitivement mort et enterré. On écoute l'un des députés européens de l'ODS, Jan Zahradil :

« Il est clair que le rejet du texte dans un seul pays signifie que le Traité est invalide dans toute l'UE. Donc ni la République tchèque ni aucun autre pays ne devrait poursuivre le processus de ratification du Traité. »

Le chef de l'Etat a ajouté qu'il serait inutile de poursuivre dans cette voie et que la page était dorénavant tournée. Rappelons que Vaclav Klaus avait refusé de signer la Constitution et qu'il reste à l'heure actuelle le seul chef d'Etat de l'UE à faire campagne contre ce texte. Ses prises de position ont d'ailleurs récemment fait réagir le nouveau Premier ministre, qui souhaite que ce soit son gouvernement - et lui seul - qui détermine la politique extérieure du pays. Jiri Paroubek, au lendemain d'un résultat négatif en France qui ne l'a pas surpris, affirme par ailleurs ne pas renoncer à mener à son terme la ratification de la Constitution, ratification dont il a fait une priorité :

« Le week-end dernier, j'ai pu voir moi-même dans quelle mesure les rues parisiennes étaient investies par les opposants à la Constitution, qui menaient une campagne active, distribuaient des tracts et discutaient avec les passants. Pour moi, ce n'est pas vraiment une surprise. Je le dis ouvertement, ici nous devons mobiliser le plus de forces possibles car, comme on vient de le voir, rien n'est acquis d'avance. Il était d'ailleurs naïf de la part de la bureaucratie européenne de penser que la Constitution allait passer dans les 25 pays au premier tour. »

Alors que le gouvernement de Tony Blair a indiqué qu'un délai de réflexion était désormais nécessaire avant d'envisager un possible référendum outre-Manche, le gouvernement tchèque paraît résolu - ou en tout cas veut se montrer résolu - à appeler les citoyens aux urnes.

Pour le politologue français Jacques Rupnik aussi, les ratifications ne devraient pas s'arrêter là :

« Je pense que normalement les référendum devraient se poursuivre. Que la France ait rejeté ce texte ne peut pas arrêter les référendum dans les autres pays. Donc, nous devons attendre que se finisse ce processus de ratification et après, les représentants des gouvernements européens se réuniront pour décider de la suite... »