« Le policier m’a demandé si j’aimais bien la bière… j’ai espéré que ça ne serait pas rédhibitoire ! »
Brésilien vivant à Prague depuis six ans, Bernardo Tonasse nous raconte que c’est sa volonté d’apprendre une langue supplémentaire qui l’a amené en République tchèque. Il nous explique aujourd’hui que son peu de goût pour la bière et la carpe ne l’a pas empêché d’adorer l’expérience, au point de choisir de s’installer dans la capitale tchèque et d’y fonder une famille.
« Je m’appelle Bernardo Tonasse et je suis Brésilien. Je viens de Rio de Janeiro, et je suis arrivé à Prague il y a six ans. J’ai 36 ans ; à l’origine, je suis traducteur, mais depuis deux ans, je travaille dans le support technique pour une multinationale établie à Prague. J’habite avec ma copine et notre petite fille. »
Qu’est-ce qui vous a amené à Prague, et d’où arriviez-vous alors ?
« Effectivement, même si je suis brésilien, c’est de Paris que je suis venu à Prague. Cela fait déjà douze ans que je ne vis plus au Brésil, j’ai d’abord vécu à Madrid, puis à Paris, puis à Vienne (Autriche) et enfin à Prague. Je suis venu à Prague parce que j’avais besoin d’un changement. Cela faisait déjà quatre ans que j’habitais à Paris, j’y étais bien, j’ai toujours eu une relation particulière avec la France, j’ai toujours aimé la France et les Français… mais j’avais besoin d’un changement. Je souhaitais également apprendre une nouvelle langue, une langue slave. Les langues ont toujours été ma passion, c’est d’ailleurs un peu la raison pour laquelle j’étais venu en Europe. Car en Europe, il peut suffire de faire vingt kilomètres pour tomber sur une autre langue, alors qu’au Brésil, on n’a pas vraiment de contact avec d’autres formes de penser la langue et le discours.
Pour en revenir au tchèque… Ma première option, à l’époque, c’était le russe. J’ai toujours aimé comment cette langue sonne, j’ai toujours aimé la littérature russe, j’ai toujours eu une certaine fascination pour la Russie… alors pourquoi Prague et pourquoi le tchèque ? Je ne connaissais aucun mot en tchèque, je ne connaissais pas la culture tchèque, je n’étais jamais venu en République tchèque… Mais finalement, sans vouloir paraître frivole, cela s’est fait un peu par hasard. Je me suis dit que j’allais prendre un train pour la Tchéquie, y passer quelque temps et voir comment ça me plairait. À l’époque, j’étais encore traducteur et je pouvais me permettre ce genre d’aventures. Je suis donc venu à Prague, et m’y voilà encore, six ans après ! »
Avec votre passeport brésilien, et n’étant pas citoyen européen, quelles démarches avez-vous eu à faire ?
« À l’exception de mes deux premières années, je n’ai jamais eu de papiers alors que j’habitais en Europe. J’étais jeune et inconscient… Donc à Prague, je n’avais pas de papiers, mais je n’avais pas de problèmes avec l’administration non plus, puisqu’elle ne savait pas que j’étais là ! Officiellement, j’étais toujours au Brésil. C’était une situation très compliquée et je ne la conseille à personne. Mais lorsque ma fille est née, je me suis dit qu’il était temps d’arrêter avec cette insouciance. C’est là qu’on a commencé à régulariser ma situation. »
« Il faut passer par le ministère de l’Intérieur, fournir des documents, des justificatifs, des photos de famille, des lettres… Même mon chef de chœur de l’époque a été mis à contribution. Ensuite, il y a quelques mois d’attente, avec des visites non annoncées de la police. Un soir, la police a débarqué alors que ma fille pleurait de toutes ses forces, c’était la catastrophe à la maison… Je descends donc leur ouvrir et m’excuse d’avance… mais finalement, je pense que cette scène était tellement naturelle que ça leur a évité de devoir contrôler quoi que ce soit. Ils sont restés très peu de temps. Le policier m’a quand même demandé si j’aimais bien la bière, ce à quoi j’ai répondu que je ne buvais pas très souvent et que je préférais le vin, mais que j’espérais que cela ne serait pas rédhibitoire ! »
Avez-vous l’intention de demander la nationalité tchèque ?
« Bien sûr. Pas pour des raisons idéologiques, pas pour un sens un peu étrange d’amour pour une patrie, mais plutôt des raisons pratiques, et notamment pour pouvoir voter et ne plus me sentir comme un citoyen de deuxième classe. »
Comment avez-vous trouvé l’accueil que vous ont réservé les Tchèques en tant qu’étranger ?
« Je dois avouer que j’avais des craintes, car on dit que les Tchèques sont très fermés, etc. Mais mon expérience a été tout le contraire. Certes, ils n’ont pas été accueillants au sens que l’on entendrait au Brésil ou ailleurs en Amérique latine, mais je n’ai connu de situations dans lesquelles je me serais senti agressé ou aurait eu l’impression de ne pas être le bienvenu… Sauf à la police et, parfois, au ministère de l’Intérieur. Lorsque je suis allé m’enregistrer auprès de la police, c’est la seule fois où c’était bien clair que je n’étais pas le bienvenu. Ils n’ont même pas répondu à mes bonjours… Mais ailleurs, j’ai trouvé que j’avais eu de la chance, même en comparaison avec l’administration française, espagnole ou brésilienne. Je pense que le fait de parler tchèque m’a ouvert des portes. »
Quels sont les lieux de Prague que vous appréciez particulièrement ?
« Une des raisons pour lesquelles j’ai adoré Prague et y suis resté, ce sont les parcs de la ville. Ils sont très beaux, et surtout très calmes. Je m’y sens très tranquille. J’aime le parc de Letná, parce que j’habite à proximité, mais aussi Stromovka, qui est un endroit magique. Il y a d’autres endroits, comme Petřín, qui ne sont pas vraiment des parcs, plutôt des forêts. Ça me rappelle un peu Rio… toute proportion gardée ! »
Connaissez-vous d’autres régions du pays ?
« Avec ma copine, nous avons pas mal voyagé, mais plutôt en Bohême qu’en Moravie. Et il y a certaines villes que je ne connais pas encore, comme Brno. Je ne sais pas pourquoi, mais je n’y suis encore jamais allé. »
Qu’est-ce qui vous manque ici ?
« La nourriture. S’il y a une chose que je n’aime pas ici, c’est la nourriture. Je pense que je ne m’adapterai jamais vraiment à la culture gastronomique tchèque. Quand on parle de nourriture, c’est la France qui me manque le plus, mais aussi les fruits de mer et les poissons du Brésil. Je ne mange pas la carpe tchèque. Les premières années, chez mes beaux-parents, je voulais me montrer bon garçon et j’en mangeais, mais depuis, j’ai dit non. »