Le président tchèque Václav Klaus dépeint l’ancien président Havel comme un extrémiste de gauche

Václav Klaus, photo: CTK

Lors d’une entrevue accordée à l’hebdomadaire polonais Do Rzeczy, le président Václav Klaus a exprimé son avis sur divers aspects de la politique nationale et internationale en ne se privant pas de critiquer de manière intransigeante ses homologues. Ce qui a surtout retenu l’attention, c’est sa critique acerbe de son défunt prédécesseur. Il s’est en effet livré à une attaque en règle de Václav Havel en l’accusant d’avoir mené une politique post-démocratique élitiste ainsi qu’une politique étrangère interventionniste.

Václav Havel,  photo: CTK
On connaissait les divergences d’opinions politiques entre Václav Klaus et Václav Havel mais la virulence des propos exprimés par le président encore en exercice a secoué le paysage médiatique tchèque. Václav Klaus dénonce une idéologie qu’il nomme « havélisme ». Il accuse l’ancien président d’avoir mené la présidence comme une petite épicerie, à savoir que la démocratie n’a pas été respectée et que seuls comptaient les intérêts d’une petite élite. Václav Klaus n’a pas hésité à faire une comparaison entre la présidence de Václav Havel et le jacobinisme, une doctrine issue de la Révolution française qui tend à organiser le pouvoir de façon très administrative, mais qui est également associée à la politique de la Terreur qui a engendré de nombreux massacres. L’actuel président estime que la politique suivie était plus proche du jacobinisme français que du libéralisme britannique. C’était même d’après lui une politique d’extrême-gauche.
Václav Klaus,  photo: CTK
Il dénonce également le cosmopolitisme de Václav Havel et sa politique étrangère interventionniste au mépris de la souveraineté des Nations. Václav Klaus fait probablement allusion au soutien de son prédécesseur aux interventions militaires occidentales au Kosovo, en Iraq et en Libye. Enfin selon lui, les menaces envers la République tchèque ne viennent pas de la Russie mais plutôt de l’Union européenne dont les décisions ont un impact sur la vie quotidienne des citoyens tchèques.

Les réactions politiques ne se sont pas fait attendre. La plupart sont critiques, à l’instar de l’ancien ministre Alexandr Vondra qui pense que Havel était un libéral et que le présenter comme un jacobin est un non-sens :

Alexandr Vondra,  photo: Barbora Kmentová
« Si Havel était jacobin alors Klaus aurait eu la tête coupée. Cela ne s’est pas produit, au contraire l’opinion de Klaus s’est beaucoup développé durant la présidence Havel. Il n’en reste pas moins qu’ils étaient souvent en conflit mais cela se réglait de manière démocratique et non révolutionnaire. »

De son côté, le chef du groupe parlementaire TOP 09 Petr Gazdík déplore les propos du président et aurait préféré qu’il donne davantage d’explications sur les amnisties qu’il a prononcées ainsi que sur les affaires de corruption des années 1990.

La réaction du ČSSD est moins sévère. Le président du groupe parlementaire Jeroným Tejc estime que Václav Klaus profite de son départ pour avoir une parole plus libre. Il défend également le droit à la liberté d’expression de chacun. Le chef du Parti des citoyens libre, une formation souverainiste, Petr Mach, ancien conseiller économique de Václav Klaus, relativise lui aussi les propos du président :

Petr Mach,  photo: le site oficiel du Parti des citoyens libre
« Il n’y a rien de nouveau dans ces propos. Il y a chez nous un grand tapage médiatique suite à l’entrevue accordée à l’hebdomadaire polonais mais Václav Klaus et Václav Havel se sont toujours livrés à une bataille médiatique interposée. Cela a été le marqueur de la vie politique tchèque pendant vingt ans et les électeurs se sont toujours positionnés par rapport à ces deux personnalités. »

Petr Mach a également soutenu l’avis du président concernant la dangerosité de l’Union européenne contrairement à celle de la Russie. L’introduction de l’Euro pour la République tchèque serait à ses yeux une menace bien réelle. Concernant l’avenir politique de Václav Klaus et sur l’éventualité de son adhésion au Parti des citoyens libres, Petr Mach se montre prudent :

« Nos statuts sont clairs, les nouveaux membres doivent adhérer à notre programme. J’imagine que Václav Klaus pourrait s’y retrouver mais je ne souhaite pas spéculer sur les futures intentions du président.»

Avec ses propos radicaux, Václav Klaus laisse sans doute entendre qu’il ne souhaite pas prendre une retraite tranquille et qu’il a l’intention de rester sur la scène politique tchèque après son départ.