Le Procès de la famille Sattler

Šumperk
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Sumperk est une jolie ville en Moravie du Nord, située dans une région pittoresque intéressante à visiter et pour y passer quelques jours ou le week-end. Au nord de la ville s'étend la chaîne des montagnes Jeseniky et le mont Kralicky Sneznik fait frontière avec la Pologne. La ville de Sumperk fut fondée au XIIIe siècle probablement en raison de l'exploitation de ses gisements de métaux précieux. Depuis 400 ans, on y fabrique du papier et en ville, on trouve également le Musée du papier. Le centre de la ville est classé monument historique et fait découvrir l'église de l'Annonciation, faisant partie de l'ancien cloître des dominicains, la mairie, l'église paroissiale Saint-Jean-Baptiste, de belles maisons bourgeoises, l'église orthodoxe du Saint-Esprit. De la ville, des routes aboutissent directement à de magnifiques endroits touristiques, comme les ruines des châteaux Novy hrad et Rabstejn, Cervenohorske sedlo, Skritek, évidement le mont Kralicky Sneznik ou la petite ville Velke Losiny où se trouve également un joli château. C'est en ce dernier lieu et dans la ville de Sumperk, que se déroulèrent au XVIIe siècle d'horribles et injustes procès relatifs à la chasse aux sorcières. Comme aujourd'hui, c'est justement la nuit de la sainte Walburge et que de grands feux seront allumés partout en Bohême pour brûler symboliquement la sorcière qui est soit une figurine en chiffon ou fictive, je vais faire un petit historique sur un procès qui s'est réellement déroulé dans la ville de Sumperk, en Moravie du nord. Le procès est reconstitué aux termes de témoignages écrits que j'ai retrouvés dans les archives.

Au XVIIe siècle, le peuple de la région de la Moravie du Nord était plus protestant que catholique, ce qui ne plaisait guère à la noblesse. La chasse aux sorcières qui était en Bohême déjà en cours depuis plusieurs années, par exemple en Silésie, était une excellente occasion de s'approprier les biens des condamnés, de terroriser les autres protestants et, par la suite, les convertir au catholicisme. Ainsi donc, un des conseillers d'Angelia Anna Sibyla, comtesse de Galle, née Zerotinova, souveraine du domaine de Losiny, lui suggéra d'avoir recours à cette méthode éprouvée. Il est fort probable qu'il y voyait également son propre intérêt. Le premier procès fut monté contre une pauvre mendiante. Mais il fallait trouver un juriste expérimenté. On fit appel à Jindrich Frantisek Boblig d'Edelstadt, ayant une quarantaine d'année d'expérience avec la chasse aux sorcières en Silésie. Ce personnage méchant et perfide, déclencha une vague d'arrestations et de condamnations. La Moravie du Nord devint le théâtre d'une véritable tragédie humaine. En près de dix huit ans de son activité sinistre, il fit condamner, seulement à Sumperk, 27 victimes de sexe féminin et 21 de sexe masculin.

Mais passons à la période où Boblig, ayant légèrement dépassé la soixantaine, commence à tourner son intérêt vers la famille du teinturier et mercier, Kaspar Sattler. C'était le bourgeois le plus riche de la ville de Sumperk. Pendant de nombreuses années, Kaspar Sattler a également été échevin et bourgmestre de Sumperk. L'inquisiteur Boblig est tenté par les biens de la famille, il aimerait bien mettre la main dessus. Les Sattler aimaient bien s'amuser. Comme ils étaient riches, rien ne les empêchait d'organiser des fêtes dansantes avec boissons et mets délicats à profusion. Cela fit partie des preuves qui d'après l'inquisiteur démontraient clairement que la famille était liée d'amitié avec Satan, le maître des Ténèbres. Pourtant, il est à préciser que Boblig, lui-même, ainsi que les membres du Tribunal de l'Inquisition arrivaient à ingurgiter des quantités incroyables d'alcool. D'ailleurs, conformément aux témoignages de l'époque, les membres du tribunal étaient souvent ivres au cours du procès. Ils buvaient vins, eau-de-vie et bière.

J. F. Boblig décida de détruire la famille Sattler et se mit fermement à l'oeuvre. Son jeu morbide commence par Marie, la femme de Kaspar Sattler, inculpée de sorcellerie et jetée dans l'un des humides cachots de la prison de Sumperk. Dans un des plus brefs délais suivront les autres membres de la famille, dont le dernier, Kaspar Sattler. Celui-ci tente en vain de sauver sa famille alors qu'il est encore en liberté. Evidement, les méthodes de l'Inquisition sont sûres et irréprochables. La torture exercée sur les victimes fait sortir de leurs bouches les aveux les plus absurdes. Tous les torturés avouent par exemple avoir dansé avec Satan, séduit des prêtres, des mineurs, avoir participé au sabbat, accusent leurs proches et amis. Cela est fort compréhensible, car ils étaient anéantis par la douleur, et en ce cas il n'y a que très peu de gens qui peuvent se vanter d'héroïsme en de pareilles occasions. En entrant dans les espaces humides et froids de la prison, ils avaient tous le courage, mais au bout de quelques jours, sujets à la torture, ils le perdirent rapidement. Il paraît que lorsque Kaspar Sattler, le dernier à être arrêté, vit au cours d'une de ses visites en prison sa fille Alzbeta, il éclata en sanglot, tellement elle était méconnaissable suite à la question...

Finalement, l'inquisiteur acheva son oeuvre. Tous les membres de la famille furent exécutés : la première fut la femme de Sattler, Marie, exécutée en décembre 1682 et, neuf mois plus tard, son mari Kaspar avec leur fille, la belle Alzbeta. Evidemment, les biens de la richissime famille furent confisqués par l'Inquisition.

La Bohême n'est certes pas le seul pays à avoir subit les horreurs de l'Inquisition. D'autres pays comme les Flandres, l'Allemagne, l'Autriche, la France ont connu ce type de procès. En Allemagne du sud, en Franche-Comté, en Rhénanie et en Lorraine, ils étaient d'une cruauté particulière. Il est clair que l'objectif primordial de tout les procès était en premier lieu la soif de la richesse, tel le cas de la persécution de l'Ordre des Templiers par Philippe le Bel qui, avec son conseiller Guillaume de Nogaret, inculpèrent les hauts représentants de l'ordre de démonisme et les firent exécuter. L'Ordre des Templiers fut aboli et tous ses biens confisqué par l'état.

Les escaliers de pierres froides menant aux salles de torture, les cris, le sang qui coule et la tristesse de l'aube, lorsque le condamné se dirigeait vers le bûcher ou vers la potence font aujourd'hui partie d'un passé lointain. Les sinistres lieux des cachots font partie des endroits visités par les touristes. Mais n'oublions pas qu'il existe encore des pays où torture et châtiment font parties du droit pénal...

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