Le rêve mexicain
Malgré les milliers de kilomètres océaniques qui les séparent, Tchèques et Mexicains ont vu, dans les années 1860, leurs destins s’entre-choquer. Retour aujourd’hui sur un chapitre peu connu de l’histoire tchèque.
Il devait s'élever à 6 500 volontaires : à l'automne 1864, ce sont environ 7 000 homme qui prêtent serment au drapeau mexicain avant d'embarquer pour l'Amérique, depuis Ljubljana, en actuelle Slovénie.
Parmi eux, on comptait un millier de Tchèques. Qui étaient-ils ? Beaucoup de déclassés sociaux, qui n’avaient plus rien à perdre en Bohême : chômeurs, journaliers, travailleurs de force. On trouvait aussi un grand nombre d’ouvriers qualifiés. Ils étaient d’autant plus nécessaires que les munitions et les équipements, très rares sur place, devaient être ramenés de la métropole. L'engagement était de six ans après quoi les volontaires pourraient regagner leur pays ou prendre la nationalité mexicaine et rester sur place. Cette clause explique la présence, parmi les volontaires, d'exilés politiques polonais qui avaient participé aux révoltes de 1846 et 1863 contre la domination autrichienne. Les conditions de candidature sont strictes : ne pas être malade, être de constitution robuste, avoir moins de 40 ans, être célibataire... et de religion chrétienne.
L’affaire tounera au fiasco. D’ailleurs, le tragique dénouement de l’aventure mexicaine de Maximilien est prévisible depuis le corps de volontaires lui-même : les soldes sont payées de manière irrégulière, quand elles sont payées... Les équipements des soldats, de mauvaise qualité, ne sont pas adaptés au climat d’un pays tropical comme le Mexique (la cavalerie porte des bonnets de fourrure !). Par ailleurs, la discipline laissait à désirer : on comptera en tout 30 condamnations à mort en conseil de guerre (principalement pour pillage), plusieurs suicides et même des licenciements d'officiers incompétents !Enfin, les rapports entre les différents contigents nationaux ne sont pas au beau fixe. Le principal problème réside dans la barrière linguistique. Pas facile d’organiser une armée unifiée quand ses soldats parlent tchèque, hongrois, polonais, français, etc...
Toutes ces raisons expliquent la débâcle des coalisés européens et la chute brutale du rêve mexicain de Maximilien, et derrière, de Napoléon III. Cerné par les guérilleros de Benito Juárez, Maximilien n’aura même pas le droit de réembarquer pour l’Europe, ce qu’il avait cru assez naïvement. Il est condamné à mort et exécuté le 19 juin 1867 à Santiago de Querétaro.Le sort sera plus clément avec les volontaires tchèques de l’armée impériale puisqu’ils regagnèrent leurs foyers en Bohême. Ils étaient cependant licenciés avec une faible solde et la simple couverture des frais de retour dans leurs communes.
Ceux qui s’en seront peut-être le mieux tiré, ce sont les musiciens tchèques qui avaient accompagné le corps expéditionnaires. Parmi ceux-ci, on compte des membres de la cour, tels les clarinettistes František Vacek ou Jan Pavlík, mais aussi de nombreux anonymes, qui arrivaient difficilement à vivre de leur art en Bohême ou en Autriche. Beaucoup gagneront mieux leur vie au Mexique et décideront d’y rester.