Le rêve tchèque : jusqu'à quand ?

Récemment, un nouveau duel économique a secoué le microcosme du supermarché, cette fois entre Tesco et Lidl à Ricany, dans la banlieue de Prague. Un épisode qui illustre bien, s'il en était besoin, la compétition de plus en plus dure qui dresse, entre elles, les grandes chaînes présentes en République tchèque. Devenue en un temps record une société de consommation exemplaire, les ménages tchèques souffrent pourtant d'un symptome inquiètant : l'endettement chronique.

Lidl est sur le point d'entamer une action en justice contre l'installation d'un supermarché Tesco, à proximité de son site à Ricany, dans la banlieue de Prague. Certains résidents se sont joints aux protestations de Lidl, mettant en avant des problèmes d'embouteillages. Le site est en effet déjà congestionné, avec près de 20 000 voitures passant chaque jour. Selon un sondage, 53 % des résidents seraient opposés à la construction d'un nouveau supermarché. Les Tchèques se réveilleraient-ils du rêve de consommation ?

L'année dernière, le groupe allemand Schwarz, qui gère entre autres Lidl, s'est imposé comme le leader dans le secteur des super et hypermarchés, avec environ 1 milliard et demi euros de ventes.

Tesco, quant à lui, a perdu depuis quelques années sa position dominante. A la mi-août, le géant britannique déclarait des pertes de 5 millions et demi d'euros pour l'année 2006. Tesco possède en République tchèque 85 magasins dont 47 hypermarchés et 32 supermarchés. La chaîne prévoit d'augmenter encore ces chiffres dans les années à venir.

Un groupe s'impose incontestablement comme un leader potentiel dans le secteur des grandes surfaces : Ahold Czech Republic, qui possède environ 19 % des parts du marché. Ahold possède les supermarchés Albert et Hypernova et a récemment décidé d'unifier ses magasins sous le seul nom d'Albert. Ce devrait être chose faite courant 2008. Un changement de façade, qui répond à la volonté des dirigeants d'améliorer la qualité des produits et pour cela d'identifier son image à un seul nom.

Photo: Archives de Radio Prague
Dans l'esprit des consommateurs, l'évolution ne sera pas évidente tant les deux appellations symbolisent deux concepts distincts et complémentaires : des hypermarchés avec Hypernova et des supermarchés/magasins avec un service client pour Albert. Les Tchèques restent très attachés aux deux formules.

La densité des supermarchés à Prague est l'une des plus importantes en Europe et elle dépasse souvent des villes occidentales de taille équivalente. Aujourd'hui, près de 40 % des consommateurs tchèques avouent avoir radicalement changé leurs habitudes de consommation depuis l'éclosion des hypermarchés.

Plus que de simples lieux d'achat, certaines grandes surfaces en périphérie de Prague sont devenus des lieux où de nombreux Pragois passent le plus clair de leur week-end : cinéma, restaurants, boutiques ou bowling. Tout est au même endroit, c'est pratique !

Phénomène nouveau qui rappelle, dans les apparences, l'ancien régime : les périphéries redeviennent un lieu attractif par rapport au centre historique. Et bien sûr, les prix des loyers montent. Phase sombre du «rêve tchèque», le prix à payer pour cette soif de consommation est bien réel.

Un ménage sur sept serait endetté en République tchèque. En octobre 2006, quelques banques et des ONG ont sorti le carton rouge. En 2006, 17,5 milliards d'euros ont été en moyenne prêtés dans le pays, du jamais vu. Si les moyennes tchèques restent encore inférieures au taux d'endettement à l'ouest, leur rapide croissance laisse songeur. Et elle pourrait, à moyen terme, faire ressentir ses conséquences sur la consommation.

Inconnu sous le communisme, le prêt à crédit apparaît dans les années 90, d'abord au niveau des banques, avec la mise en place de plans d'épargne logement ou de prêts hypothécaires. Mais les taux d'intérêt élevés réduisent l'accès à ces prêts. Dans la deuxième partie des années 90, environ un millier de prêts ont été enregistrés chaque année.

On compte trois grands acteurs, qui se partagent le marché depuis le milieu des années 90 : le Français Cetelem, l'Américain GE Capital et le Tchèque Home Credit, filiale du géant tchèque de l'assurance Ceska Pojistovna.

Depuis les années 2000, de nombreuses sociétés financières ont vu le jour, se livrant une compétition acharnée au détriment parfois de l'éthique économique. Les grandes sociétés de prêt ont d'ailleurs rédigé une Charte de bonne conduite et rejoint l'Association tchèque des finances. Depuis un ou deux ans, les banques tablent à nouveau sur ce secteur en plein développement.

La dette totale des municipalités tchèques est passée quant à elle de 3 à 110 miliards de couronnes l'année dernière. Ce sont surtout les villes jusqu'à 1 000 habitants qui rencontrent certains problèmes économiques.