Le slam ou le retour de la poésie orale

Photo: Agnès Joyaut

Qu’est-ce que le slam ? Est-ce une nouvelle forme de la poésie ou tout simplement une sorte de distraction pour les jeunes ? Est-ce un art ou un simple divertissement ? Quoi qu’il en soit, cette pratique visant à faire de la poésie un spectacle est de plus en plus populaire parmi les jeunes et mérite sans aucun doute aussi l’attention de ceux qui s’intéressent à la littérature. Radio Prague a cherché à cerner le phénomène de slam avec Agnès Joyaut, une Française qui fait ses études à Prague, et le jeune slameur et musicien tchèque Cyril Kaplan.

Photo: www.slampoetry.cz
Le slam ou « slam poetry (slam poésie) » est pratiqué dans des bars, cafés, salles de spectacles, cinémas où les slameurs récitent leurs textes devant le public avec une liberté totale de style, de genre et de sujet traité. Pour beaucoup, c’est le renouveau de la poésie orale car le rythme et la rime sont des aspects importants de ces productions. Pour Agnès Joyaut, le slam est l’art de la performance poétique :

Photo: Roman Hřebecký,  www.slampoetry.cz
« Le slam se base d’abord sur le rythme poétique, c’est donc le rythme qui va emporter en premier lieu. Je ne parlerais ni du théâtre, ni de la poésie de manière franchement littéraire mais plutôt de la performance. Comme je disais, il y a le rythme qui est très important, on peut aussi faire appel à la musique. Je trouve que le terme de la performance est beaucoup plus approprié.»

Photo: Agnès Joyaut
Les thèmes évoqués par les slameurs devant le public sont variés. L’étudiant Cyril Kaplan pratique ce genre de poésie orale au Rock Café, avenue Národní à Prague :

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« Les jeunes sont peut-être attirés par le slam parce que c’est une bonne combinaison de la poésie et du loisir. En même temps c’est une occasion d’exprimer des opinions philosophique et des opinions sur la société mais aussi par exemple sur Internet et les nouvelles technologies. Moi j’ai voulu toucher les thèmes qui m’intéressent : comment évolue notre société, comment évolue la ville. Ce qui me chiffonne, par exemple, c’est que l’évolution de notre ville soit déterminée par les intérêts de quelques individus au détriment de tous les autres. Le slam m’a donné l’occasion de monter sur scène et de dire au public ce que j’en pense. N’importe qui peut avoir cette occasion, parce que tout le monde peut slamer. »

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Cyril Kaplan est aussi musicien et il peut comparer les productions musicales aux rencontres de slam :

« Le slam a quelque règles. D’après une de ces règles quand le slameur est sur scène il n’a que son micro. Il peut utiliser son corps mais ce qui est le plus important pour le public, c’est la signification de ce qu’il dit. Le public réagit à la déclamation et ou à la performance du slameur. Quand je suis sur la scène en tant que musicien je suis soutenu par tout un groupe d’exécutants, en tant que slameur j’y suis tout seul et pour moi seul. »


Photo: Agnès Joyaut
Les rencontres de slam diffèrent selon les pays et les goûts du public. Agnès Joyaut constate par exemple qu’il y a certaines différences entre les slams français et tchèque :

« En France cela se passe dans des cafés. C’est seulement autour de tables que j’avais entendu parler de slam et j’avais entendu slamer des jeunes. En République tchèque apparemment c’est beaucoup plus organisé puisqu’il y a de véritables joutes qui sont préparées tout au long de l’année. C’est plutôt de l’ordre des compétitions.

Photo: www.slampoetry.cz
Donc une dizaine de slameurs sont au rendez-vous. Ils passent les uns après les autres sur scène pendant trois minutes. C’est la règle d’or du slam. Au Rock café, ils étaient neuf et ils sont donc passés chacun deux fois. Ils n’ont que leur micro en main et ne peuvent se servir d’aucun autre instrument. Ils n’ont donc que leur voix. Ce n’est pas tout à fait de la récitation, mais c’est une sorte d’éloquence pendant trois minutes. »

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Le slameur doit donc convaincre le public et parfois aussi un jury de lui donner le plus grand nombre de voix. C’est un jeu avec le public et c’est celui qui réussit à attirer le plus d’attention qui gagne. Cyril Kaplan ajoute que le slameur peut gagner parfois de l’argent, parfois une bouteille de vin :

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« Le fait qu’il s’agit d’un jeu entre le slameur et le public peut influencer dans une certaine mesure aussi ce que le slameur dit sur la scène. Même si je veux exprimer certaines idées de mon texte, je veux aussi faire impression sur le jury. Et cela pourrait m’influencer parce qu’en préparant mes textes je pourrais prendre en considération le goût du public. Dans un cas extrême, cela pourrait me pousser à me vendre, cela pourrait me corrompre, parce que je sens comment attirer l’attention du public qui veut surtout s’amuser. (…) Il faut donc trouver un compromis entre faire impression sur le jury et ce que je veux vraiment dire. C’est ça le slam. »


Photo: Agnès Joyaut
L’âge du public du Rock Café varie entre 15 et 35 ans. Agnès Joyaut a été surprise par le nombre de jeunes qui s’intéressent à ces performances. Bien que la salle du Rock Café soit assez grande, les gens se bousculaient au portillon, attendaient derrière la porte et tout le monde ne pouvait pas rentrer.

On en vient à se demander quel sera l’avenir de ce genre de poésie, si ce n’est pas qu’une mode passagère qui sera évincée tôt où tard par d’autres loisirs. Pour la majorité des slameurs, et aussi pour Agnès Joyaut, c’est quelque chose de plus parce que le slam fait désormais partie de leurs vies :

Photo: Agnès Joyaut
« C’est assez amusant de remarquer qu’en France de même qu’en République tchèque le slam est apparu à peu près au même moment. Donc c’est un genre qui n’est pas tout à fait ancré dans l’histoire. Ce n’est pas un genre qui est tributaire de l’histoire, qui est seulement dû à une situation historique, puisqu’en France comme en République tchèque, depuis une vingtaine d’années de plus en plus de slameurs deviennent connus, réalisent leurs albums. Donc ça s’officialise également. C’est un genre qui aura la durée de vie que les jeunes voudront bien lui accorder puisque je pense que, définitivement, c’est un art qui correspond à la jeune génération. »