Le talent et le courage de Vlasta Chramostová

Vlasta Chramostová, photo: CTK

L’association des comédiens tchèques a décerné le prix Thalia à l’actrice Vlasta Chramostová pour sa contribution à l’art dramatique tchèque. Vlasta Chramostová est cependant plus qu’une grande actrice. Elle incarne le talent, l’énergie vitale et aussi la conscience de toute une époque.

Vlasta Chramostová,  photo: CTK
Le prix Thalia qui a été remis, ce samedi, à Vlasta Chramostová s’ajoute donc aujourd’hui à toute une série de décorations et distinctions que la célèbre actrice a déjà reçues:

«J’ai lu les noms de ceux qui ont reçu ce prix et c’est un grand honneur pour moi de me retrouver parmi toutes ces personnalités. »

Jadis, elle aurait figuré dans la catégorie des tragédiennes et sa vie ne manque pas d’aspects dignes d’une tragédie antique. Native de la ville de Brno, c’est à travers les théâtres de cette ville et d’Olomouc qu’elle se fraie le chemin vers le théâtre de Vinohrady (Vinohradské divadlo) où elle est engagée en 1950. Elle s’impose bientôt comme une des meilleures actrices de sa génération, on lui confie de beaux rôles, elle est sollicitée au cinéma et à la radio. Ce n’est que beaucoup plus tard qu’elle aura le courage d’avouer en rédigeant ses Mémoires que cette brillante carrière a été rachetée par la collaboration avec la police politique. A cette époque, elle perd également son unique enfant, victime d’un accident de la route.

Vlasta Chramostová et Rudolf Hrušínský
C’est après l’invasion soviétique en 1968 que commence la période de la vie de Vlasta Chramostová que nous pourrions appeler sans exagérer héroïque. Elle s’insurge contre l’arbitraire du régime qui ne fait qu’exécuter la volonté de Moscou dans un pays occupé. Elle signe la Charte 77, document par lequel des intellectuels tchèques appellent le régime à respecter les droits de l’homme. Chassée de tous les théâtres du pays, elle ne rend pas les armes et continue à jouer pour quelques amis dans son appartement pragois où elle incarne entre autres Božena Němcová, femme de lettres tchèque du XIXe siècle qui lui est proche par sa vie jonchées d’obstacles.

La chute du communisme en 1989, la hisse de nouveau au sommet de l’art dramatique tchèque. Nommée membre d’honneur du Théâtre national, elle joue de nouveau au cinéma et à la télévision. Elle publie aussi ses mémoires qui lui permettent de dévoiler les pages sombres du début de sa carrière. Aujourd’hui, à l’âge de 82 ans, Vlasta Chramostová fait ses adieux au théâtre par le rôle de Grand-mère (Babička) dans une adaptation du livre fondamental de la littérature tchèque créée au milieu du XIXe siècle par Božena Němcová. Un retour de plus vers cette écrivaine qui a su créer des chefs d’oeuvres malgré un sort hostile, l’incompréhension de la société et la maladie:

« En ce qui me concerne, Babička est mon tout dernier rôle au théâtre, donc cela représente beaucoup d’émotion pour moi. Et pour moi, Babička est aussi une source d’émotion spéciale. J’évoque toujours František Halas à ce propos, et j’embête tout le monde en récitant ses vers. Car dans les temps les plus difficiles, Babička nous a toujours aidés à tenir le coup, elle a soutenu Halas pendant la guerre, elle nous a soutenus pendant la normalisation et peut-être que nous aussi, aujourd’hui, on tiendra le coup grâce à Božena Němcová. »

Est-ce vraiment le départ définitif ? Difficile de croire que les sources d’énergie vitale de Vlasta Chramostová soient épuisées. Quoi qu’il en soit, elle continuera à jouer toujours le rôle d’une autorité morale et artistique dans la société tchèque.