Le tchèque du bout de la langue : en avez-vous sous le chapeau ?

Klobouk, photo: nastya_gepp / Pixabay, CC0

Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague International ! Certes, en République tchèque – comme ailleurs, au demeurant – l’hiver n’est plus tout à fait ce qu’il était. On peut le regretter, reste que certains matins ou soirs notamment, le froid sait encore parfois sévir et être rude, nous poussant ainsi à « sortir couverts ». Rien à voir là – pour ceux qui s’en souviennent – avec la campagne en France pour l’utilisation du préservatif, puisque nous entendons bien qu’il s’agit de se protéger du froid. Un bonnet – « čepice », un chapeau – « klobouk », voire même pourquoi pas une toute autre coiffe, peut alors très bien faire l’affaire. Pour bien choisir et ainsi ne pas perdre la tête – « neztratit hlavu », nous vous proposons de découvrir quelques expressions et curiosités de la langue relatives à ces couvre-chefs – « pokrývky hlavy », soit traduit littéralement les « couvertures de la tête ». Attention, « tenez bien vos chapeaux » – « držte si klobouky » !

Klobouk,  photo: nastya_gepp / Pixabay,  CC0

On commencera par distinguer un « klobouk »– un « chapeau » – d’une « čepice »– un « bonnet » –, la différence ne résidant pas tant dans le style que dans la solidité : un « klobouk » conserve sa forme quelle que soit la personne qui le porte, tandis qu’une « čepice » s’adapte à la forme de la tête.

L’étymologie de « klobouk » mérite que l’on s’y arrête un instant. Notons d’abord que c’est un substantif que l’on trouvait déjà dans le vieux tchèque avec « klobúk » et « koblúk », qui existe aussi en slovaque avec « klobúk », et tout semble indiquer que ce mot tire son origine d’une langue turque et soit à mettre en relation avec le mot « kalpak », ce fameux bonnet garni de fourrures qui était et reste porté par les hommes en Turquie, mais aussi en Ukraine, dans les Balkans et plus généralement en Orient, dans toute l’Asie centrale et le Caucase. Son usage est le même que celui d’un chapeau – « klobouk », à savoir garder la tête au chaud en hiver et protéger du soleil en été.

Photo: Archives de Radio Prague
Si aujourd’hui, ne serait-ce qu’en Europe, le chapeau est devenu essentiellement un accessoire de mode, le mot ne désigne pas uniquement une pièce vestimentaire mais aussi toute chose qui en rappelle la forme. Les Tchèques, comme les Français, parlent par exemple du chapeau d’un champignon – « klobouk houby ». Dans le même ordre d’idée, pour le « bonnet » – « čepice »–, culture tchèque oblige, on parle de « čepice na pivu »– littéralement de « bonnet sur la bière » pour désigner la belle mousse blanche qui couronne une pinte de bière tirée à la pression.

Mais revenons-en au sens propre du mot « klobouk ». Parmi les chapeaux traditionnels, on citera le « cylindr »– le « haut de forme », dont le nom est évidemment, et comme en français, inspiré de sa forme cylindrique. Ce n’est d’ailleurs pas le seul chapeau au nom métonymique : « širák »– un mot dérivé de l’adjectif « široký »– « large » – désigne tout chapeau caractérisé par ses larges bords.

En revanche, d’autres chapeaux doivent leur nom à la matière dans laquelle ils sont fabriqués : ainsi le nom du « slamák »– le « chapeau de paille » – provient du substantif « sláma »– la « paille ». Quant au chapeau melon, il possède plusieurs synonymes, selon l’approche que l’on en a. « Buřinka » serait ainsi à relier au mot « bouřka »– la « tempête » –, car il s’agit d’un chapeau qui tient bien sur la tête, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente. Ce chapeau melon peut d’ailleurs également être appelé tout simplement « bouřka ». Ou encore « tvrďák », et dans ce cas-là, c’est à la résistance du chapeau que l’on fait allusion. Dérivé de l’adjectif « tvrdý »– « dur », le mot « tvrďák » désigne aussi une personne qui est dure au mal.

Jiří Šlitr,  photo: ČT
N’oublions pas ici non plus de mentionner l’artiste aux multiples talents Jiří Šlitr, pour qui le « bouřka »était le chapeau de prédilection. Il en a même composé une chanson intitulée « Hluboká vráska (Bouřka do čela) »– littéralement « Ride profonde (Chapeau melon sur le front) ». Une chanson interprétée dans les années 1960 par Jiří Suchý et dans laquelle un homme conseille à son ami d’enfoncer son chapeau jusque sur le front histoire de cacher la ride profonde causée par un amour malheureux. Une chanson remplie de jeux de mots pour laquelle on ne peut que tirer notre « chapeau bien bas » devant l’artiste – « klobouk dolů! ».

Dans un style un peu plus moderne – quoique – on évoquera aussi la « kšiltovka »– la « casquette », que l’on trouve aussi parfois sous la forme « šiltovka » (sans le « k » au début donc) et dont le nom provient de l’allemand « der Schild » – qui peut désigner une « visière », un « bouclier » ou même une « carapace ». En réalité, comme pour beaucoup d’autres mots tchèques inspirés de l’allemand, « kšiltovka » appartient essentiellement au langage parlé, familier, le mot du langage plus soutenu étant « čepice ». L’exemple de la casquette de baseball nous le confirme d’ailleurs, puisque l’on parlera plutôt d’une « baseballová čepice », qui se rapproche de l’anglais « baseball cap », que d’une « baseballová kšiltovka ».

Čepice,  photo: Archives de Radio Prague
Mais ce mot « čepice » - ou sa variante « čapka » - désigne également un « bonnet ». En hiver, lorsqu’il fait très froid, on préférera même un type particulier appelé « kulich », qui désigne tout bonnet très chaud souvent orné d’un pompon, voire un passe-montagne. Pour une cagoule, il existe en revanche le mot « kukla », et il n’est ici pas inintéressant de préciser que celui-ci désigne aussi la chrysalide, l’enveloppe de la nymphe d’un lépidoptère qui, comme on le sait, est souvent enfermée dans un cocon de soie. Pour ce qui nous intéresse, à savoir le passe-montagne porté essentiellement par les enfants, il s’agirait davantage d’un cocon de laine bien épaisse. Mais l’idée de protection est somme toute la même…

Le « bonnet vipère »

Zmijovka,  photo: Tonak
Plus généralement, le bonnet – « čepice »– sert à protéger tête et oreilles du froid. En tant que tel, il possède davantage une fonction pratique qu’il ne sert, à la différence du chapeau, à marquer une condition sociale. Encore que : on a vu ces dernières années réapparaître, notamment sur la tête des hipsters de Prague, un accessoire caractéristique de la tenue des bouchers ambulants et un grand classique du monde rural en Bohême et en Moravie : la « zmijovka ». Un mot pour lequel il n’existe pas d’équivalent en français, mais qui désigne un bonnet à pompon facilement reconnaissable au motif en zigzag qui rappelle les écailles d’une vipère – « zmije », d’où ce nom « zmijovka ».

Au printemps 2019, le Premier ministre Andrej Babiš avait surpris tout le monde en publiant un selfie avec une « zmijovka » sur la tête et en rappelant son passé de manœuvre sur des chantiers dans le bâtiment. Avant lui, on se souvient aussi d’un autre chef de gouvernement moins populiste, Vladimír Špidla, qui, un beau jour, alors qu’il était député européen à Bruxelles, était apparu à Prague à sa descente d’avion avec le même « bonnet vipérin », quoique d’une autre couleur, sur le crâne.

Rádiovka,  photo: hhorakova / Pixabay,  CC0
On peut encore s’interroger sur la différence entre les mots « rádiovka » et « baret », deux termes désignant un béret, ce couvre-chef plat, souple et traditionnellement fait de laine feutrée. Comme son équivalent français, le mot « baret » (prononcez « barète » en roulant le « r ») viendrait du latin « birretum », tandis que « rádiovka » fait évidemment référence à la petite antenne rappelant celle d’une radio qui surmonte le béret. Certains argumentent d’ailleurs que c’est la présence – ou non – de cette petite antenne qui différencie une « rádiovka » d’un « baret »… Ainsi donc, les deux termes « rádiovka » et « baret » sont utilisés indistinctement. Ce désaccord terminologique serait peut-être plutôt une affaire générationnelle, « rádiovka » apparaissant peut-être un peu vieillot, tandis que « baret » serait on ne peut plus à la mode !

Kapuce,  photo: Kristýna Maková
Enfin, ajoutons encore un élément étymologique sans lequel notre petite recherche resterait incomplète : les mots « čepice » (qui se prononce « tchépitsé ») et « čapka », qui désignent donc aussi bien un bonnet qu’une casquette, sont apparus dans la langue tchèque en provenance de l’allemand à travers le substantif « Tschappe » qui, lui, était déjà une germanisation du mot d’ancien français « chapel », lui-même issu du latin « caput » (tête). Une étymologie qui est donc tout à fait la même que celle que l’on connaît pour le « chapeau » en français, mais aussi que celle en normand de « cap », qui désigne aujourd’hui une « casquette » en anglais… Et nous pouvons aller plus loin encore en ajoutant que c’est là aussi l’origine du mot « capuche », qui se dit « kapuce » en tchèque, ou de la « capuce » – « kápě »– des moines.

Après avoir dit tout cela, il ne nous reste plus qu’à espérer que nous en ayons désormais un peu plus « sous la casquette » – « mít pod čepicí », une expression qui sert à désigner quelqu’un d’intelligent et de malin, quelqu’un aussi qui « en a derrière les oreilles » – « mít za ušima », ce qui revient plus ou moins à la même chose.

Attention toutefois, « mít pod čepicí » ou « mít pod kloboukem »– « en avoir sous le chapeau », peut aussi signifier, même si plus rarement, « être ivre, pompette »… C’est donc en espérant aussi ne pas vous avoir trop saoulés avec nos explications que s’achève ce Tchèque du bout de la langue. Portez-vous donc du mieux possible – mějte se co nejlíp!, portez le soleil en vous – slunce v duši, salut et à bientôt – zatím ahoj !