Le voyage controversé de quatre députés tchèques en Syrie
Une délégation de quatre députés tchèques se trouve depuis lundi et pour quelques jours encore en Syrie, pays en guerre depuis cinq ans. L’objectif de ces parlementaires : apporter une aide humanitaire sur place mais également rencontrer certains de leurs homologues locaux et même le ministre syrien des Affaires étrangères. C’est pourquoi la visite fait l’objet de lourdes critiques : pour certains, elle revient à légitimer le régime de Bachar el-Assad au moment même où la reprise de la ville d’Alep s’accompagne, selon l’ONU, « d’atrocités commises contre les civils syriens ».
C’est le comité parlementaire des pétitions, dont ils sont membres et qui a la charge notamment des questions relatives aux droits de l’Homme, qui a validé leur voyage. Celui-ci a également obtenu le soutien du ministère tchèque des Affaires étrangères ainsi que d’Eva Filipi, l’ambassadrice tchèque en poste à Damas. La Tchéquie est le dernier pays de l’Union européenne à disposer encore d’une représentation diplomatique dans le pays. Pour le député communiste Pavel Kováčik, cela veut dire beaucoup :
« Avant toute chose, je sais que notre ambassadrice en Syrie, une femme courageuse qui est la seule à représenter sur place non seulement les intérêts de l’Union européenne mais également les Etats-Unis, soutient cette visite et même la recommande. D’après moi, il faut aller dans cette région, il faut discuter avec les gens qui sont en place là-bas, il faut aussi, soit dit en passant, y apporter une aide humanitaire. » Les quatre députés tchèques transportent en effet une aide humanitaire dont on sait seulement qu’elle représente une somme de 1,5 million de couronnes, soit 560 000 euros et qu’elle devrait être, selon le ministère des Affaires étrangères, répartie « dans toutes les parties de la Syrie en accord avec les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et des accords bilatéraux entre la Tchéquie et la Syrie ». D’après Zuzka Bebarová-Rujbrová, jointe par téléphone ce mercredi par le quotidien Právo, cette aide vaudrait à la République tchèque « une réputation remarquable » auprès des Syriens.Mais la visite de la délégation tchèque ne se limite pas à cela. Des rencontres sont également au programme avec des élus de l’Assemblée du peuple, le parlement syrien, ainsi qu’avec Walid Mouallem, le ministre syrien des Affaires étrangères. Pour le député chrétien-démocrate Ivan Gabal, vice-président du comité parlementaire en charge des questions de défense, cela revient à légitimer le régime dictatorial de Bachar el-Assad au pire moment :
« C’est un peu comme si vous aviez été à Berlin depuis Londres pour rencontrer Hitler vers 1942 ou 1943 […]. Je pense qu’il y là un risque. Le fait que ces députés aient dans leurs valises de l’aide humanitaire n’est sans doute pas la chose principale. D’après moi, la question est de savoir s’ils ont dans leurs valises l’amorce d’un plan de paix ou quelque chose pour faire cesser les actions criminelles du régime de Bachar el-Assad et des forces militaires russes à l’encontre des populations civiles. Quand on regarde ce qui se passe à Alep et qu’on voit comment cela se termine, avec le massacre de civils… »Le communiste Pavel Kováčik estime que la guerre, tôt ou tard, prendra fin, et qu’il faudra bien discuter avec les représentants du régime de Bachar el-Assad, les seuls « légitimement élus » explique-t-il, comme avec les rebelles, pour trouver un chemin vers la paix. C’est à cela que servirait aussi la délégation tchèque. Ivan Gabal considère pour sa part qu’un régime qui s’en prend à sa propre population perd toute légitimité. La République tchèque aura quoiqu’il en soit un rôle à jouer, même minime, avec son ambassade à Damas.