Le Zoo de Troja, le joyau pragois, se remet des inondations
Pour notre nouvelle rubrique relative au tourisme, nous vous emmenons cette fois dans un quartier de Prague presque rural : Troja. Ce quartier vert est bien connu des Tchèques pour ses vignes, son château baroque, son jardin botanique et son parc zoologique. Situé sur les bords de la rivière Vltava, le zoo, souvent appelé joyau de Prague, n’a pas été épargné lors des dernières inondations du début du mois de juin.
Le zoo de Prague a été inauguré le 28 septembre 1931. Désormais, sa fréquentation d’un million de personnes par an, en fait une des destinations des plus visitées en République tchèque. Il emploie 204 personnes, dont l’âge moyen se situe autour de 39 ans, et élève près de 4085 animaux, issus de 696 espèces.
Tels sont quelques uns des nombreux sons idylliques de la jungle tchèque, située dans le Nord de Prague, à deux pas du château de Troja. Cependant, cette tranquillité apparente peut cacher une réalité beaucoup moins idyllique d’un des plus grands parcs zoologiques du monde. Les inondations du début du mois de juin ont provoqué d’importants dégâts, et même si elles ont été moindres qu’en août 2002, le nettoyage difficile se poursuit. Sous l’eau se sont retrouvés le pavillon des grands félins, les bassins des otaries ainsi que la localité des flamants, et l’enclos des gorilles également. Pendant plus de 13h, une centaine d’animaux a été évacué des jardins inférieurs du zoo, appelés « Les îles des singes », et principalement tous les primates, comme les vari roux, les Colobes bai de Zanzibar, les singes araignées, les singes écureuils, les tamarins, et bien évidemment les gorilles. Ces mêmes gorilles qui suscitent l’attention depuis plusieurs années, via la retransmission continue sur internet de la vie dans leur enclos. Trois semaines après les inondations, nous avons rencontré Vít Lukáš, le curateur des primates. Il nous dévoile comment s’est déroulée cette évacuation de quatre gorilles femelles, un mâle et deux bébés gorilles dans la tour anti -inondations, située juste au dessus de leur enclos, à 7 m 10 du sol.« L’évacuation des gorilles s’est déroulée en deux phases. Nous avons d’abord essayé de faire monter les animaux dans la tour anti-inondations, afin qu’ils y entrent par eux-mêmes, et ce en les attirant avec toutes sortes de friandises, comme des pommes, des raisins, des noix. En moins d’une demi-heure, il a été possible d’enfermer toutes les femelles ainsi que les jeunes gorilles. C’est une chose à laquelle on s’entrainait de temps à autre avec eux, donc on prévoyait que ça se terminerait bien. Ensuite, on a essayé d’y attirer Richard, le mâle, ce qui, comme prévu, n’a pas été possible, vu qu’il est un peu peureux et conservateur, il n’a pas voulu y allé. Donc nous avons fini par l’anesthésier, et par le transporter par l’escalier dans la tour. Là, nous l’avons mis dans un des deux enclos, jusqu’au moment où il soit totalement réveillé. A ce moment là, on l’a remis avec les autres, et depuis cet instant ils ont été tous ensemble. »Cette tour anti-inondations, dotée d’un ingénieux système de régulation de température, avait été construite avec le nouveau pavillon des gorilles en 2001, seulement un an avant les grandes inondations d’août 2002.
« La tour anti-inondation avait été planifiée dans le cadre de la construction du nouveau pavillon de gorilles en 2001. Et déjà lors des inondations de 2002, les gorilles avaient été délogés dans cette tour, donc on était certain qu’elle fonctionnait bien. »
Après avoir été nourries pendant trois semaines à l’aide d’un bateau à moteur, les gorilles ont pu redescendre dans leur enclos, minutieusement nettoyé et rénové en un temps record, vendredi dernier. Étant donné que toute anesthésie et tout transfert d’animal à un autre endroit représente un état d’angoisse supplémentaire pour celui-ci, Vít Lukáš nous a affirmé que le retour à leur enclos habituel était un soulagement pour tous ceux qui avaient participé à leur sauvetage, et a souligné quelques moments forts de cette péripétie dangereuse :« Je crois que le moment le plus fort a été lorsque nous sommes arrivés pour la première fois dans la tour, et que nous avons vu que les gorilles étaient en bonne santé. Bien entendu ils étaient nerveux, mais ça se voyait qu’ils étaient contents que l’on soit avec eux. Il leur a fallu deux, trois jours pour s’habituer au nouveau régime, à l’alimentation, mais c’était incroyable d’observer qu’elles maitrisaient de mieux en mieux la situation. C’était très fort de les voir ‘fonctionner’ comme au sein de leur enclos habituel. Et bien évidemment, le lâcher des gorilles dans leur enclos, après pratiquement trois semaines de veille 24h sur 24h. Nous avons travaillé dessus jour et nuit et je voudrais de ce fait remercier non seulement éleveurs de la section des primates, mais aussi les 150 volontaires qui se sont relayés dans le pavillon, ils nous ont énormément aidé, ainsi que des pompiers volontaires, des policiers, des gens du secteur technique. Il y avait vraiment beaucoup de personnes qui ont participé à ce que le pavillon soit remis en marche le plus tôt possible ».Le porte parole du zoo pragois, Michal Šťastný, nous dévoile le caractère unique du parc zoologique :
« En 2007, le magazine Forbes a désigné le zoo de Prague comme le septième meilleur zoo au monde. Et je crois que ce qui a influencé ce classement c’est surtout son emplacement. Car nous pouvons trouver tous les environnements que la nature tchèque peut offrir, comme les plaines côtières, des pentes de montagnes, où vivent les ongulés, ainsi que des plateaux supérieures, où vivent très bien les girafes et autres animaux, c’est pourquoi les animaux se retrouvent dans leur milieu naturel, et le jardin a de ce fait un caractère de génie, et les gens s’y plaisent beaucoup. Bien entendu, toute l’équipe de zoologues expérimentés ainsi que d’autre collègues, avec en tête un directeur progressiste, contribuent à ce que le zoo de Prague face partie des meilleurs établissements en son genre dans le monde entier ».Si les dégâts matérielles ont été moindres, et les pertes de vie animales ont avoisiné le zéro, par rapport aux inondations de 2002, pendant lesquelles plusieurs animaux ont dû être abattus, la différence fut également dans la gestion anticipée de la situation, en raison de l’expérience, et de l’actualisation progressive du plan d’évacuation des jardins inférieurs. Si l’évacuation des fauves a été la plus difficile, Michal Šťastný, tout comme Vit Lukáš, insistent sur l’entraide exceptionnelle de tous.
« Les travaux de déblaiement ont débuté dès que le niveau d’eau a considérablement baissé. Grâce aux pompiers volontaires qui ont enlevé la boue, tout allait très vite. Et ce notamment grâce à l’action des bénévoles, qui ont été près de 11 000 à s’inscrire pour nous aider. C’est pourquoi, il a été possible de rouvrir le pavillon des gorilles en si peu de temps. D’un autre côté, il est l’heure de passer à des travaux spécialisés, en électricité par exemple, alors cela freine un peu la suite. Cependant, la coordination est bien meilleure qu’en 2002, grâce à l’expérience du passé. Et bien évidemment la solidarité des gens nous aident le plus, que ce soit par leur participation à des concerts bénéfices, ou par l’envoi de sms de dons, ou de dons financiers sur notre compte, ou, bien entendu par la participation ici même dans le zoo, d’individus ou d’entreprises. »Si le zoo de Prague est subventionné en grande partie par la ville de Prague, le fait qu’elle ait été en quelque sorte « sacrifiée » aux inondations, afin de protéger le centre de la ville a été critiqué à maintes fois. Le nouveau maire de Prague, Tomáš Hudeček, explique la difficulté de la situation géographique du zoo :
« La situation à Troja n’est pas facile, car en raison de l’Île impériale et de la station centrale de traitement des eaux usées, il s’agit ici d’un col étroit de la Vltava. Donc l’idée initiale, reposant sur le fait qu’il est nécessaire d’y laisser s’écouler les eaux de la Vltava, afin d’empêcher une plus importante inondation au centre de la ville, est justifiée. Une fois que nous allons nous ressaisir, nous devons donc dûment réfléchir et créer un projet s’interrogeant sur l’utilisation ultérieure de ce territoire ».À la question de savoir, si la précédente direction de la mairie de Prague a sous–estimé les risques d’inondations, Miroslav Bobek, le directeur du zoo pragois depuis janvier 2010, ne veut pas polémiquer. Il admet néanmoins que les inondations ont ramené le zoo plusieurs années en arrière, car beaucoup d’efforts se sont volatilisés:
« Vous savez, je ne veux pas juger de qui a fait quoi, quand, et pourquoi. Je suis persuadé du fait que si la partie inférieure a été gravement abîmée pour la 2e fois en onze ans, cela constitue une raison valable pour que des dispositifs anti-inondation soient construits ici, afin que la situation ne puisse se répéter ».
Pour l’instant, le seul dispositif anti-inondations dont dispose le zoo est un barrage, conçu pour le protéger des eaux d’une intensité de 20 ans. Or, les eaux avaient déjà débordé, même lors d’un débit moins intense. Si ces dispositifs font vif débat, Michal Šťastný, le porte parole, assure qu’il n’est pas question de déménager :« L’espace du zoo est vraiment extraordinaire, donc renoncer à cet aire est chose impossible et déraisonnable. Nous n’envisageons en aucun cas cela. Mais nous allons nous efforcer à ce que la partie inférieure soit mieux protégée des inondations, qu’elle puisse résister d’avantage à l’eau que lors de cette année, et que les espèces difficilement maniables, comme les gorilles par exemple, puissent être transférées en un court laps de temps dans un endroit sûr. Dans tous les cas, il n’est pas question d’une quelconque fermeture du parc zoologique ou ne serait-ce que de la partie inférieure, car ce serait insensé. »
Il a tenu à souligner qu’il a déjà été trouvé un endroit sûr pour le nouveau pavillon des gorilles, afin d’éviter toute angoisse future en vue d’éventuelles nouvelles inondations. En attendant, il est possible d’aider le zoo par sa propre volonté, et ce de plusieurs manières possibles :
« La plus grande aide qu’il est possible d’apporter au zoo, c’est de venir le visiter. Si les gens continuent de venir au zoo, ils le maintiendront ‘hors de l’eau’, figurativement parlant. Il est aussi possible d’envoyer des sms de dons au numéro 877 777 sous forme DMS Zoo Praha. Il est aussi possible d’envoyer des dons sur le compte du zoo, que les intéressés trouveront sur notre site web ainsi que sur notre profil facebook. Bien évidemment il est possible de surveiller nos appels d’initiative pour rejoindre les travaux de volontariat ici même, ou bien pour participer à des événements bénéfices organisés au zoo ou ailleurs ».Si l’erreur serait de continuer d’investir dans une zone inondable, située à 20minutes à vol d’oiseau de la Place Venceslas au centre ville, abandonner l’endroit au charme irrésistible, où se trouve le zoo serait un crime. Il semble plus que vital de repenser l’utilisation des jardins inférieurs, et permettre un développement adéquat de la zone, en relation avec le cours d’eau de la Vltava, situé à 50m de la frontière du zoo.
Le Zoo a néanmoins été témoin d’un heureux évènement lors ce ces inondations : un bébé Saïmiri commun, appelé plus communément singe-écureuil, est né pendant ces journées dramatiques. Les éleveurs du zoo l’ont prénommé « Plaváček », d’après le héros d’un très célèbre conte de l’écrivain tchèque du 19e siècle Karel Jaromír Erben ; « Plaváček » signifiant « celui qui nage ».