Les artistes tchèques en France lors de la Seconde Guerre mondiale présentés à la Galerie de Cheb

Photo : Archives de la Galerie de Cheb

Une exposition présentant les artistes tchèques vivant en France lors de la Seconde Guerre mondiale, se tient jusqu’au 21 juin à la Galerie de Cheb. Intitulée « Rattrapés par la nuit », elle fait découvrir les destins et les œuvres notamment de František Kupka, Adolf Hoffmeister, Jan Zrzavý, Josef Šíma, Alén Diviš ou Edita Hirschová. Auteur et commissaire de cette exposition, l’historienne de l’art Anna Pravdová qui a publié un livre éponyme il y a quelques années, est revenue sur ce thème au micro de Radio Prague :

Photo : Archives de la Galerie de Cheb
« Il s’agit aussi bien des artistes qui ont vécu en France tout au long des années 1920 et 1930, comme František Kupka ou Josef Šíma, que des artistes qui ont choisi la France comme pays d’exil après l’occupation allemande quand ils ont dû quitter leurs pays parce qu’ils se sont retrouvés en danger à cause de leurs positions antifascistes et politiques avant la guerre. »

Y avait-il beaucoup d’artistes tchèques en France lors de cette période ?

Photo : Archives de la Galerie de Cheb
« Oui. Même s’il y en avait beaucoup moins que pendant les années 1920 et 1930 qui étaient une sorte d’âge d’or des relations franco-tchèques. Il est difficile de dire un nombre exact parce que certains sont connus et d’autres ne le sont pas. Moi-même je ne les connais pas tous. Mais je dirais qu’il s’agit peut-être d’une vingtaine ou d’une trentaine d’artistes. Moi, je me suis intéressée à ceux qui étaient actifs, soit dans la résistance, soit qui ont exposé pendant la guerre, soit qui ont participé à des publications. Et il y en avait sans doute beaucoup d’autres dont je ne connais même pas l’existence. »

Photo : Archives de la Galerie de Cheb
Pourquoi avez-vous choisi cette période comme un grand thème de vos recherches ?

« Je me suis retrouvée à Paris dans la même situation et tout simplement par curiosité, je me suis dit qu’il m’intéresserait de lire comment ces artistes comme Šíma et Kupka ont vécu quand ils sont arrivés. Je me suis rendue compte qu’il y avait très peu de publications traitant ce sujet de manière synthétique. Bien sûr, dans les monographies de Šíma ou de Kupka, on parle de leurs séjours en France. Mais il n’existait pas d’ouvrages s’intéressant à ‘qui connaissait qui’ etc. »

Photo : Archives de la Galerie de Cheb
L’exposition se base sur votre ouvrage publié en 2009. Pourquoi avez-vous décidé de revenir sur ce thème maintenant pour en faire une exposition ?

« On fête les soixante-dix ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale, donc l’occasion s’est présentée parfaitement. Mais l’exposition était prévue déjà plus tôt, à la sortie du livre. La Galerie nationale de Prague l’avait mis sur son planning d’expositions mais finalement, pour des raisons budgétaires, elle n’a pas pu la réaliser. Ce projet est ainsi resté un peu en sommeil. Le directeur de la Galerie de Cheb a découvert que l’exposition ne s’était pas tenue à la Galerie nationale et a dit qu’il aimerait bien la réaliser. Et il l’a finalement fait, en coopération avec la Galerie morave de Brno (où l’exposition se présentera à partir du mois de septembre, ndlr). L’exposition donc peut enfin voir le jour. »

Photo : Archives de la Galerie de Cheb
Quels sont les points forts de cette exposition ? Y a-t-il des œuvres et des artistes qu’il faut voir ?

« Il y a toute une pièce consacrée à l’histoire de la Maison de la culture tchécoslovaque à Paris où les artistes, qui ont voulu être actifs ou soutenir les œuvres de ‘propagande’ en faveur de leur pays occupé ou de l’armée tchécoslovaque, sont devenus suspects aux yeux de la police française, ont été arrêtés et emprisonnés pour six mois à la Prison de la Santé. Toute cette histoire est racontée à travers la série de dessins d’Adolf Hoffmeister qui l’a créée pour illustrer son livre ‘Touriste malgré lui’. Je pense que cela n’a jamais été exposé dans son ensemble. Puis, les peintures d’Alén Diviš, qui ont été marquées par son séjour en prison où il a observé des jours entiers les murs de sa cellule jusqu’à avoir des visions et des hallucinations, sont très fortes. Puis, il y a quelques œuvres complètement inconnues comme celles de Fédor Löwenstein qui a été dans la résistance dans le centre de la France et dont les œuvres ont été saisies par la gestapo, donc il y en a très peu aujourd’hui. Il y a également toute une salle consacrée à Josef Šíma. Cette salle présente des œuvres rares qu’il a faites pendant la guerre et ces œuvres traduisent vraiment à la manière de Šíma, donc de manière assez poétique, des fois mystérieuse mais très forte, le traumatisme que Šíma a vécu pendant la guerre. »

Vítězslava Kaprálová,  photo : ČT24
Et un dernier mot en guise de conclusion ?

« Ce que je trouve intéressant, c’est qu’à côté des peintures, il y a des morceaux de musique dans l’exposition. Il y a « Polní mše » (« La Messe au Champ d'Honneur », ndlr) de Bohuslav Martinů qui l’a composée à l’époque pour soutenir l’armée tchécoslovaque et il y a des œuvres de Vítězslava Kaprálová qui a fait partie de ce circuit d’artistes actifs à Paris juste avant la guerre. Donc, je pense que ce qui est fort, ce ne sont pas tellement les œuvres uniques mais le contexte et l’histoire de ces artistes. Cette exposition est donc plutôt une mosaïque de destins et c’est cela qui l’a rend intéressante. »

Anna Pravdová,  photo : Archives de Centre tchèque à Prague
L’entretien avec Anna Pravdová sur les artistes tchèques en France et sur son livre « Rattrapés par la nuit » : http://www.radio.cz/fr/rubrique/culture/rattrapes-par-la-nuit-le-destin-des-artistes-tcheques-en-france-pendant-la-deuxieme-guerre-mondiale

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