Le gouvernement tchèque recourt aux restrictions de déplacement
Face à la courbe des contaminations repartie à la hausse, à l'incertitude liée à la propagation du variant britannique du coronavirus et à la saturation des hôpitaux, le ministère de la Santé a annoncé, ce jeudi, que la liberté de déplacement sera restreinte dans trois districts du pays à compter de ce vendredi.
Même au plus fort de la crise au printemps et à l’automne derniers, les mesures restreignant la liberté de circulation des personnes ont été plutôt rares en République tchèque. A l’exception des périodes de couvre-feu, les Tchèques n’ont jusqu’à présent connu qu’un confinement partiel, assurément moins contraignant que dans d’autres pays. Leurs sorties en plein air n’ont ainsi encore jamais fait l’objet de limites de temps ou de périmètre, comme cela a été le cas par exemple en France quand les déplacements étaient réduits à une heure et à un rayon d'un kilomètre.
Depuis quelques semaines - confronté aussi à l’indiscipline d’une partie de la population -, le gouvernement tchèque envisage néanmoins d’imposer des mesures plus strictes en la matière. C'est ainsi qu'à compter de ce jeudi minuit, une nouvelle interdiction concernera trois zones concrètes : deux en Bohême de l’Ouest et une autre en Bohême de l’Est, où l’inquiétude grandit face à la propagation du variant britannique du virus, plus contagieux, comme l’a annoncé, jeudi matin, le ministre de la Santé, Jan Blatný :
« Dans les districts où l’épidémie se propage le plus rapidement au sein de la population, c’est-à-dire là où le nombre de nouveaux cas de contamination est trois à quatre fois plus élevé qu’ailleurs, soit donc dans les districts de Cheb, de Sokolov et de Trutnov, nous avons décidé de limiter les déplacements. Cela signifie que, sauf dans le cas de dérogations, nous interdisons aux personnes qui habitent dans ces districts d’en sortir et aux personnes qui n’y habitent pas de pénétrer sur le territoire de ces districts. »
En République tchèque, alors que la campagne de vaccination ne progresse pas au rythme envisagé en début d’année, et que le Premier ministre Andrej Babiš s’est rendu en Serbie mercredi pour s’informer du recours aux vaccins russe et chinois, c’est désormais la progression du variant britannique qui inquiète chaque jour un peu plus. Dimanche, un éminent immunologue a déclaré que dans certaines régions du pays, ce variant britannique était déjà présent dans plus de la moitié des tests positifs.
Ainsi donc, tandis que la situation sanitaire s’améliore tant bien que mal en Allemagne et en Autriche, que la Pologne et la Slovaquie ont décidé d’alléger certaines mesures de restriction, en rouvrant musées et centres commerciaux chez le voisin du nord et les écoles chez celui du sud, la République tchèque, elle, semble toujours ne pas entrevoir le moindre rayon de lumière au bout du tunnel. Certes, elle n’est pas la seule. D’ailleurs, même là où cela va mieux, comme en Allemagne donc, la chancelière Angela Merkel a prévenu que la plupart des mesures continueraient à s’appliquer quelques semaines encore, au moins jusqu’au 7 mars.
Mais en République tchèque, parallèlement au ras-le-bol et à l'impatience croissants au sein de la population, la situation épidémiologique continue de se dégrader. Plus un jour ne se passe désormais sans que ne soit évoquée la saturation des hôpitaux, où parfois la prise en charge de nouveaux patients dans les unités de soins intensifs n’est plus possible. C’est le cas par exemple de l’hôpital de la ville de Sokolov, dans un des trois districts concernés par la nouvelle restriction de déplacement, comme l'a confirmé son directeur Martin Straka:
« Vous me parlez de deux lits libres, mais je ne tiens même pas entrer dans les détails. C’est une situation sans issue. Nous sommes contraints d’improviser, de faire avec les moyens du bord, de transférer des patients dans d’autres régions et même de procéder à une sélection. Il faut le dire à monsieur le ministre, le tri des patients est devenu une réalité dans les hôpitaux. Sans cela, on ne s’en sortirait pas. »
Le ministre de la Santé est très critiqué depuis son refus, la semaine dernière, alors qu’il visitait l’hôpital submergé de Cheb, en Bohême de l’Ouest, de répondre favorablement à la proposition d’aide pour l’accueil de patients formulée par les Länder allemands frontaliers de Bavière et de Saxe. « La République tchèque s’occupera de vous et voyager à l’étranger n’est pas nécessaire à tout prix. La République tchèque respecte la vie de chacun de ses citoyens », a assuré Jan Blatný sur un ton ferme. Mais au vu des réactions qui ont fait suite à sa déclaration, le ministre n’a, semble-t-il, convaincu que sa propre personne.