Les basses œuvres d’Andrej Babiš
Après l’envoi à un mauvais destinataire d’un courriel dans lequel il demandait à ses collègues de recueillir des informations sensibles au sujet du ministre des Affaires étrangères, l’ancien Premier ministre Andrej Babiš est la cible de nombreuses critiques.
Principale figure de l’opposition depuis la nomination du gouvernement formé par le conservateur Petr Fiala en décembre 2021, Andrej Babiš ambitionne de diriger à nouveau le pays après les prochaines législatives qui se tiendront à l'automne 2025. Malgré le bon score (27 %) réalisé par son mouvement ANO lors des dernières élections, le milliardaire n’a en effet pas pu empêcher la formation d’une coalition de centre-droit composée de cinq partis aux profils, certes, très disparates mais qui, tous, avaient un même principal objectif : éloigner précisément Andrej Babiš de l’exercice du pouvoir.
Un objectif qu’ils ont atteint et c’est ainsi que ce dernier, face à cette coalition « antiBabiš », a été contraint d’abandonner le fauteuil de Premier ministre qu’il avait occupé les quatre années précédentes. Depuis, Andrej Babiš, animé d'un esprit de vengeance, semble prêt à tout pour revenir sur le devant de la scène politique, comme le confirme la dernière affaire en date.
Lundi, le site Novinky.cz a publié l’information selon laquelle le leader du mouvement ANO, via un courriel, avait demandé à ses collègues de rassembler diverses informations sensibles au sujet du ministre des Affaires étrangères, Jan Lipavský, et ce, après que celui-ci, la veille, sur l’antenne de la Télévision tchèque, a qualifié Andrej Babiš de « menace pour la sécurité du pays ».
Dans le courriel en question, où il a qualifié le chef de la diplomatie de « bâtard » (« zmrd », en tchèque), Andrej Babiš cherchait ainsi à savoir si celui-ci a des enfants ou encore, par exemple, à connaître son niveau de maîtrise des langues étrangères.
L’ancien Premier ministre a toutefois commis une erreur en envoyant le courriel à un destinataire portant le même nom que l'un de ses conseillers, celui auquel il souhaitait que sa demande parvienne. C’est ainsi le militant écologiste Jan Rovenský qui, dimanche, a eu la surprise de recevoir cet étonnant courriel d’Andrej Babiš :
« Ce n’est pas la première fois que cette erreur se produit, monsieur Babiš m’avait déjà envoyé accidentellement des courriels de ce type, mais il n’y avait pas cette dimension-là (...) À partir du moment où l’on commence à traîner la famille de quelqu’un d’autre sur le champ politique, je pense que cela dépasse vraiment les bornes. Et c’est exactement en découvrant cela que j’ai compris qu’il y avait un intérêt public à rendre ce courriel public. »
La publication de ce courriel a naturellement suscité de multiples réactions, notamment au sein du gouvernement et plus généralement dans le camp des adversaires d’Andrej Babiš. La majorité n’a pas manqué l’occasion de rappeler son sombre passé de collaborateur de la police secrète sous l’ancien régime communiste tchécoslovaque.
De son côté, Andrej Babiš, après s’être excusé d’avoir insulté le ministre des Affaires étrangères, s’est empressé de se défendre :
« Ce mot a été utilisé dans le cadre d’un courriel privé dont quelqu’un a abusé. Je me suis déjà excusé d’avoir utilisé ce mot, mais je pense que dans le privé, certaines personnes utilisent certains mots. Ce que je voulais savoir, c’est s’il (Jan Lipavský) avait des enfants pour pouvoir lui demander s’il n’aurait pas peur (pour eux) s’il y avait la guerre. »
L’ancien Premier ministre, largement en tête des intentions de vote selon les derniers sondages, a expliqué que sa démarche n'était de rien de plus qu’une simple recherche d’informations et que son idée n'était pas de rassembler des documents compromettants :
« Il s’agit simplement de contrôler. Toutes les informations que nous diffusons dans l’espace public médiatique sont vérifiées et proviennent de médias bien précis. »
Mardi, toutefois, en réaction à tout cela, les dirigeants des cinq partis de la coalition gouvernementale ont convenu de convoquer une session extraordinaire de la Chambre des députés pour débattre des actions d’Andrej Babiš. Elle devrait se tenir la semaine prochaine. « Les tentatives persistantes visant à menacer la sécurité et l’ancrage occidental de la République tchèque, les méthodes rappelant l’ancien régime et le fait de traîner les enfants des rivaux politiques dans l’espace public ne peuvent pas devenir une norme », a expliqué le Premier ministre, Petr Fiala, constatant comme ses collègues que son prédécesseur était décidément « tombé bien bas ».