Les élixirs de jeunesse de Soňa Červená

Soňa Červená

A l’âge où les autres artistes se retirent de la scène, la cantatrice et actrice tchèque Soňa Červená vit une période très intense de sa carrière. Elle se lance dans de nouveaux projets avec une énergie et un courage qui sont caractéristiques de toute sa vie. En ce moment, cette artiste née en 1925 prépare un nouveau rôle pour le Théâtre national de Prague. Vaclav Richter.

Soňa Červená
« Quand je suis sur la scène, je joue toujours comme si ma vie était en jeu, » dit- Soňa Červená. La cantatrice qui a brillé dans les meilleurs théâtres lyriques du monde, qui a collaboré avec les plus grands chefs d’orchestre et qui s’est produite au cours de sa carrière près de 5000 fois sur la scène, se consacre aujourd’hui au théâtre dramatique. En novembre, elle sera Elina Makropoulos, héroïne de la pièce de Karel Čapek « L’Affaire Makropoulos, » rendue célèbre par Leoš Janáček qui en fait un opéra. Soňa Červená considère ce projet aussi comme une occasion de rendre justice à l’art de l’écrivain et dramaturge tchèque qui n’est pas apprécié à sa juste valeur :

« Čapek l’a écrit comme une pièce burlesque et critique. C’est une fiction sur une vie qui dure 300 ans. Si Čapek avait écrit dans une autre langue, s’il n’avait pas écrit en tchèque, il aurait fait l’effet d’une bombe sur le plan mondial. Quelle clairvoyance ! Il était visionnaire comme Jules Verne et en plus il était philosophe. Lisez ses ouvrages, Krakatit, R.U.R., La maladie blanche, c’est complètement stupéfiant. Bien sûr, les deux occupations de la Tchécoslovaquie ont fait un peu oublier sa grandeur, sa fidélité à la langue tchèque, son attitude morale. Je pense que Čapek est vraiment notre trésor familial. »

C’est donc grâce à Soňa Červená que la tragi-comédie de Karel Čapek, « L’Affaire Makropoulos », revient au Théâtre national. L’actrice y campe le rôle d’Elina Makropoulos, femme devenue quasi immortelle grâce à une formule magique inventée au XVIe siècle par son père, un alchimiste grec à la cour de l’empereur Rodolphe II. Au moment où commence l’histoire de la pièce, Elina est donc âgée de 300 ans mais elle est toujours étonnement jeune et belle. Blasée, fatiguée et même dégoûtée de la vie et de ses succès, elle a pourtant peur de la mort. Femme fatale, femme mystérieuse et inaccessible, elle exerce une véritable fascination sur son entourage et détruit les hommes qui tombent amoureux d’elle. Cette fable sur l’immortalité a permis à Karel Čapek de créer une oeuvre qui est surtout une réflexion sur la mort et son rôle dans l’existence humaine et aussi sur les valeurs véritables de la vie.

Si Soňa Červená a accepté ce rôle qui lui a été proposé par le Théâtre national de Prague, c’est parce que la mise en scène a été confiée Robert Wilson :

« C’est un metteur en scène de renommée mondiale, un Américain, avec lequel je travaille déjà depuis vingt ans et auquel je me fie. Son imagination est exceptionnelle. Il travaille moins avec le texte qu’avec les images, avec les situations. Il se laisse inspirer par les acteurs qui sont mis à sa disposition et il sait en tirer ce qu’il y a de meilleur et de plus caractéristique en eux. »

Personne ne doute que Soňa Červená sera une Elina Makropoulos convaincante. Comme l’héroïne de la pièce, Soňa peut se retourner sur une longue vie pleine de succès, comme elle, Soňa a été une célèbre cantatrice et malgré son âge elle reste étonnamment belle. Et comme Elina Makropoulos, Soňa Červená exerce une fascination sur son entourage. S’il y a une différence considérable entre la fille de l’alchimiste grec et l’actrice qui l’incarnera au Théâtre national, c’est que Soňa Červená n’est ni blasée, ni fatiguée de l’existence. Au contraire, à 85 ans, elle semble toujours loin d’être rassasiée de la vie, elle est toujours passionnée par le théâtre et on dirait même que son nouveau rôle lui apporte une seconde jeunesse.