Les protestations au seuil de la trêve estivale... et après ?

Photo: Martina Schneibergová

L’agitation de la société dont la Tchéquie est à l’heure actuelle le théâtre est de nouveau au sommaire de cette nouvelle revue de la presse de la semaine écoulée. Focus ensuite sur une nouvelle initiative du parti des Pirates pour la défense des droits de l’homme. Quelques mots aussi au sujet de la parution en version tchèque du roman Sérotonine de Michel Houellebeck. Le surpoids et l’obésité d’une grande partie de la population tchèque et la cohabitation des jeunes Tchèques avec leurs parents sont deux autres sujets traités.

Photo: Martina Schneibergová
En attendant une nouvelle manifestation anti-Babiš sur l’esplanade de Letná à Prague prévue pour ce dimanche 23 juin, qui se veut d’être la plus importante depuis la révolution de Velours, l’hebdomadaire Respekt s’est penché sur les différents aspects du mouvement de protestations qui secoue depuis plusieurs mois déjà la Tchéquie. Il a d’abord rappelé :

« Convoquée par Un million de moments pour la démocratie (Milion chvilek pro demokracii), la première de la série des manifestations s’est tenue au début du mois d’avril suite à la nomination au poste de ministre de la Justice de Marie Benešová, ancienne procureure générale et proche collaboratrice du président Miloš Zeman. Depuis, cette association civique a réussi à en organiser six qui se sont au fur et à mesure étendues pratiquement sur l’ensemble du pays et qui étonnent tant par l’intérêt qu’elles ont réussi à susciter auprès de la population que par leur professionalisme peu commun. »

Le magazine remarque que les manifestations qui sont dirigées contre « l’hégémonie d’Andrej Babiš dans la politique tchèque » s’inscrivent d’ores et déjà dans les meilleures traditions démocratiques tchèques. Elles sont paisibles, dépourvues d’agressivité, empreintes d’humour et de gaité. Difficile cependant d’évaluer quel sera leur effet. Par ailleurs, l’objectif de ces protestations reste incertain. Nous citons :

« Les revendications formulées par les organisateurs des protestations qui d’ailleurs n’ont pas d’ambitions politiques semblent assez vagues. D’où les voix critiques selon lesquelles ceux-ci devraient avoir un programme et des buts plus précis concernant, par exemple, la date d’élections anticipées. D’autres observent pour leur part que celles-ci risqueraient de déboucher sur une répartition des forces sur l’échiquier politique plus discutable encore qu’à l’heure actuelle ».

La sensibilité de la société tchèque à l’égard de ce qui menace son caractère démocratique devient de plus en plus forte. En même temps on voit augmenter la détermination et la volonté des gens de ne pas accepter ce qui leur déplaît, telle une preuve de leur intérêt pour les affaires publiques. Cela dit, le commentateur de l’hebdomadaire Respekt remarque qu’il n’est pas certain que « cet éthos et ce soutien » survivent à la période estivale qui est une période de trêve.

Reconquérir à la Tchéquie le prestige de défenseur des droits de l’homme

Soutenir les droits de l’homme et punir tous ceux qui les violent. Tel est en bref le but de la loi que le parti des Pirates veut proposer en automne et qui prévoit l’application de sanctions financières et de restrictions d’entrée du territoire contre les représentants politiques suspectés d’un tel comportement. Il s’agirait d’une version tchèque de la loi Magnitski qui avait été adoptée aux Etats-Unis. Le site echo24.cz signale que les Pirates suivent ainsi les traces de l’ancien président tchèque Václav Havel dont le nom est inséparablement lié à la question des droits de l’homme. Il a à ce propos rapporté : « De l’avis des Pirates, cette loi constituerait un instrument fort pour la politique étrangère tchèque et pour les sanctions nationales. Elle permettrait au pays de reconquérir son prestige de défenseur des droits de l’homme, un legs laissé par Havel. Les initiateurs de cette ‘liste noire’ ne veulent pas que les sanctions visent un seul pays, comme la Russie, mais que leurs retombées soient plus larges. Une façon d’obtenir l’approbation de l’ensemble des partis qui sont représentés au Parlement pour faire passer cette loi. » Le texte indique que le projet de la version tchèque de la loi Magnitski n’est pas l’unique tentative de dompter la politique agressive de la Russie et d’autres pays. Il rappelle l’initiative du parti TOP 09 en vue de la création d’une commission parlementaire d’enquête, dont la tâche consisterait à examiner l’influence des régimes autoritaires sur la politique tchèque.

Sérotonine : la parution en version tchèque

'Sérotonine',  photo: Odeon
Sérotonine est le candidat au « roman européen de l’an 2019 ». C’est ce que signale le chroniqueur du journal Deník N à l’occasion de la parution très attendue de la version tchèque du dernier roman de Michel Houellebecq. Dans sa critique, l’une des premières qui ont été publiées dans les médias locaux, il a entre autres noté :

« Plein de douleur, ce récit contient également un certain espoir. L’auteur fait une nouvelle fois preuve de ce que rien ne lui est plus étranger que le nihilisme que les lecteurs sont habitués à lui attribuer. En effet, la douleur et le nihilisme sont deux choses qui se contrarient. Le principal constat à dresser en rapport avec le roman Sérotonine de Houellebeck, c’est que cinq ans après la parution de Soumission, l’auteur continue à merveilleusement écrire. C’est notamment le premier quart du livre, l’exposition qui scrute l’univers du protagoniste avant d’y faire entrer des sujets sérieux, qui permet à Houellebecq d’exhiber son esprit et de distribuer des sarcasmes à pleines mains. Pour un roman qui, en fait, a pour sujet principal la dépression, cela paraît surprenant. »

Michel Houellebecq est connu des lecteurs tchèques, aussi, grâce à ses précédents romans, dont Soummission, qui a remporté dans le pays un grand succès. En 2005, l’auteur a pris part au Festival des écrivains de Prague et c’est ici qu’il a rédigé son quatrième roman La Possibilité d’une île.

Les Tchèques prennent du poids

Photo illustrative: Štěpánka Budková
Près de 66% des Tchèques souffrent de surpoids ou d’obésité. De ce fait, ils se rangent parmi les populations européennes les plus grosses. Pavel Kolář, physiothérapeute tchèque reconnu qui a commenté ces données pour l’hebdomadaire Echo est catégorique. Ce sont le manque d’activités physiques et les mauvaises habitudes alimentaires qui en sont responsables, les dispositions génétiques ne représentant que près de 10% des causes :

« Il suffit de regarder autour de soi pour voir combien il y a de jeunes qui sont très gros. Je trouve que nous sommes les témoins d’une révolution de la perception esthétique, car beaucoup de personnes obèses ne semblent pas en être gênées. L’acceptation psychologique de l’obésité est un aspect effectivement assez important. D’autant que le plaisir de manger arrive à satisfaire les besoins émotionnels... Dans le passé, les gens étaient habitués à marcher, à bouger. On a calculé qu’un individu faisait annuellement un million de pas de plus qu’à l’heure actuelle. L’habitude de marcher ou de courir n’est plus évidente, faisant plutôt partie d’un entraînement sportif ou d’un certain style de vie. Beaucoup de gens sont tout simplement paresseux. »

Le site indique que les coûts des traitements des maladies qui sont liées au syndrome métabolique se situent autour de 74 milliards de couronnes par an et que le nombre de personnes qui souffrent en Tchéquie, par exemple, de diabète augmente annuellement de près de 2%.

La cohabitation des jeunes Tchèques avec leurs parents

Photo illstrative: 2649771 / Pixabay,  CCO
Il n’y a pas seulement les adolescents ou les jeunes autour de la vingtaine qui vivent chez leurs parents. D’après les récentes données recueillies par Eurostat, il y a à l’heure actuelle près de 32 % des jeunes Tchèques entre 25 et 34 ans qui profitent des certitudes et de la stabilité financière que la cohabitation avec leurs parents leur apporte.

Pourtant, comme le révèle un sondage effectué par la société STEM/MARK, la majorité des millennials considère cette cohabitation à l’âge adulte avec les parents, dans un « mamahôtel », comme inacceptable et comme un mauvais signe pour leur vie ultérieure. 25 ans serait pour eux l’âge idéal pour déménager. Dans une de ses récentes éditions, le journal Mladá fronta Dnes a précisé à ce sujet:

« Dans ce domaine, il existe une grande différence entre les hommes et les femmes tchèques, ces dernières manifestant plus tôt et plus de goût pour leur indépendance. Comme le veut la tradition, c’est à la campagne et dans les petites villes que les jeunes vivent plus longtemps avec leurs parents que dans les grandes villes. Une situation spécifique existe à Prague, où on ne trouve qu’un jeune sur cinq à partager à l’âge adulte un logement avec ses parents. »

Outre des motivations pratiques ou psychologiques, c’est l’impossibilité de se payer un loyer ou de s’acheter un appartement qui est la cause principale de la cohabitation parfois trop longue des jeunes avec leurs parents, conclut le journal.