Revue de presse : entre E. Macron et A. Babiš, une rencontre polémique

Andrej Babiš et Emmanuel Macron

La rencontre entre Emmanuel Macron et Andrej Babiš à Paris trois jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, le rôle qui incombe à la Première dame en Tchéquie, le comportement des automobilistes tchèques et l’amélioration de la sécurité sur les routes du pays ou encore la sortie en tchèque du roman « Anéantir » de Michel Houellebeck sont les thèmes abordés dans cette nouvelle revue de la presse tchèque de la semaine écoulée.

En recevant Andrej Babiš à l’Élysée, mardi dernier, Emmanuel Macrcon entendait-il apporter un soutien à l’ancien Premier ministre tchèque, un des favoris à l’élection présidentielle dont le premier tour se tient ces vendredi et samedi ? C’est la question que s’est posé Hospodářské noviny. Le quotidien économique a répondu par la négative, mais estime néanmoins que « le président français a commis une grave erreur ». Explication :

« Les alliances politiques qui dépassent les frontières des pays jouent un rôle important et les soutiens mutuels de candidats apparentés sont de plus en plus fréquents. Or, le mouvement ANO de Babiš et le parti Renaissance dirigé par Macron font partie du même groupe centriste Renew Europe au Parlement européen. De ce point de vue,  cette  rencontre ne consititue donc pas un événement exceptionnel. »

« Une autre motivation se cache peut-être derrière la décision d’Emmanuel Macron : s’assurer que Babiš n’opte pas pour une tendance antieuropéenne et pro-russe et maintienne l’orientation pro-occidentale », estime encore l’auteur de cette analyse. Il existe cependant, selon lui, « un autre point de vue tout aussi important qui rend la démarche du président français moins compréhensible » :

« Emmanuel Macron ne réalise pas ou ne veut pas admettre que le leader du mouvement ANO n’est son partenaire que d’un point de vue formel. Le fait que ANO appartienne au groupe Renew Europe tient aux apparences libérales initiales de Babiš. Certes, les eurodéputés du mouvement ANO défendent les valeurs libérales, mais le Babiš de 2023 n’est pas une figure libérale authentique. Voilà pourquoi ce n’est pas sa rencontre avec Macron mais bien celle avec Viktor Orban qui répond beaucoup mieux aux dispositions mentales de Babiš. C’est d’ailleurs en compagnie du chef du gouvernement hongrois qu’il avait passé la fin de sa campagne avant les élections législatives en 2021. »

L’éditorialiste de l’hebdomadaire Respekt observe de son côté :

« Le fait d’être reçu par l’un des dirigeants européens clés a permis à Babiš de se présenter avant l’élection présidentielle comme une star de la scène politique européenne. Les électeurs se laissent souvent influencer par des détails. Une photo avec Macron peut donner à penser à une partie des indécis que le chef du mouvement ANO, qui d’habitude agit chaotiquement, est bien un leader compétent. »

À ce propos, le site Seznam Zprávy a titré sur un ton ironique : « Babiš a eu Macron, mais il a perdu Ostrava », avant d’expliquer :

« Pendant qu’Andrej Babiš affichait des photos de sa rencontre avec le président français à Paris, une petite révolte se déroulait dans son propre pays. Deux figures marquantes du mouvement ANO dont il est le leader, le gouverneur de la région de Moravie-Silésie Ivo Vondrák et le maire d’Ostrava Tomáš Macura, ont publiquement déclaré que Petr Pavel était leur candidat favori pour la présidentielle. »

Quel rôle pour la nouvelle Première dame ?

Que signifie être Première dame en Tchéquie? Une question soulevée par le quotidien Deník N :

Edvard Beneš et son épouse Hana | Photo: Josef Jindřich Šechtl,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 3.0

« La notion de Première dame est connue et utilisée également chez nous bien qu’elle ne soit pas inscrite dans la législation. Aucune dispositions ou décret ne définit la position de l’épouse du président de la République. Les attentes et les devoirs liés à ce rôle dépendent donc uniquement de la personne concernée et de sa volonté de respecter la tradition. »

Deník N rappelle que c’est Hana Benešová, épouse du deuxième président tchécoslovaque Edvard Beneš (1935-1938, 1945-1948) qui a établi la tradition et donné corps au rôle de Première dame. « Sous le régime communiste, les épouses des présidents de la République ont été plus discrètes. Ce n’est qu’après sa chute en 1989 que la tradition a été renouvelée », peut-on également lire dans le journal, qui précise encore :

« La première épouse de Václav Havel, Olga, s’est engagée en faveur des personnes malades et en situation de précarité, tandis que sa deuxième femme, Dagmar, a privilégié les activités culturelles. L’épouse de Václav Klaus, Livia, s’est, elle, intéressée aux activités scientifiques, tandis que la Première dame sortante, Ivana Zemanová, a préféré se montrer le moins possible en public, sauf lorsqu’elle accompagnait son mari, Miloš Zeman, lors des officialités. »

Le journal constate qu’aujourd’hui encore un fort accent est mis sur ce rôle de Première dame, et ce, bien que celui-ci ne soit pas clairement défini. La présence fréquente des épouses et époux des candidats dans les médias confirme ce constat.

Du mieux dans le comportement des automobilistes tchèques

Le gouvernement de Petr Fiala a donné son feu vert à diverses modifications de la réglementation liée à la route. Elles concernent le système des permis de conduire à points avec notamment des sanctions plus sévères pour certaines infractions. L’occasion pour le quotidien Deník de s’intéresser de plus près au comportement des automobilistes tchèques :

Photo illustrative: Como Un Tronco,  Unsplash,  CC0 1.0 DEED

« 467 personnes sont mortes d’accidents de la route en République tchèque en 2022. Il s’agit du total le plus faible dans l’histoire du pays, année pandémique mise à part. Le taux de mortalité a donc tendance à diminuer au fil des années. Ce n’est pas l’alccol comme on le croit, mais les excès de vitesse et la mauvaise conduite qui sont les principales causes des accidents mortels. À l’échelle de l’Union européenne, la Tchéquie figure à la dix-septième place, un classement qui n’est pas particulièrement réjouissant. D’un autre côté, de tous les pays post-commmunistes, c’est elle qui fait figure de meilleure élève, avec la Slovaquie. »

Deník rapporte que l’âge moyen du parc automobile en Tchéquie tourne autour de 15 ans, ce qui signifie que la majorité des voitures ne sont pas équipées de systèmes de sécurité modernes. « Compte tenu de la pénurie d’autoroutes et du mauvais état des routes communales et régionales, les données sur les accidents de la route ne sont-elles donc pas finalement plutôt flatteuses ? », se demande encore le journal, qui émet l’idée que cette amélioration des chiffres découle d’une meilleure culture et d’une plus grande courtoisie des automobilistes tchèques. Autrement dit, ceux-ci feraient désormais preuve de moins d’arrogance et d’agressivité au volant. « Conduite civilisée et sourire gagnent lentement mais sûrement du terrain sur les routes tchèques », conclut Deník.

Le dernier Houellebecq, un événement littéraire en Tchéquie aussi

La sortie récemment de la traduction tchèque du dernier roman de Michel Houellebecq a suscité un grand intérêt également des médias tchèques. Le site Info.cz, par exemple, souligne que la sortie de chaque roman de l’écrivain français constitue un événement littéraire. Pour lui cependant, « ‘Anéantir’ est le meilleur livre de l’auteur ». Les lecteurs tchèques, comme il le rappelle, connaissent bien son œuvre :

« Tous les livres importants de Michel Houellebecq ont été traduits à tour de rôle en tchèque. Parmi ses huit romans, ‘Soumission’ se distingue avec un retentissement particulier également en Tchéquie. Si l’ouvrage qui dresse le portrait d’une France dirigée par un parti musulman a provoqué une vive polémique dans son pays d’origine, il a aussi donné lieu à un débat dans les milieux intellectuels tchèques. »

S’agissant du roman « Anéantir », le chroniqueur d’Info.cz met l’accent sur sa ligne politique :

« Comme dans ses précédents romans, Houellebecq démontre sa connaissance intime de l’univers de la haute politique, de ses coulisses, de la vie privée des politiciens et de leurs entourages, ainsi que de celui des médias. Le livre est dès lors très précieux pour tous ceux qui travaillent dans ce domaine. Mais si connaître le milieu est une chose, savoir le décrire avec autant de lucidité et de brio, comme le fait Michel Houellebecq dans son dernier roman, en est une autre, moins évidente. »