Les sections tchèques en France : l’amitié franco-tchèque au quotidien
A l’occasion de cette émission spéciale du 17 novembre, Radio Prague est allée à la rencontre de deux Tchèques qui, après la Révolution de velours, ont fait une partie de leurs études en France. Ces rencontres étaient inspirées du thème d’une conférence qui s'est récemment tenue à Prague sur les Tchèques installés à l’étranger et leur relation avec leur pays d’origine.
« Les sections tchèques ont été créées et sont encadrées par le ministère tchèque de l’Education, l’ambassade de France à Prague, les lycées qui accueillent les élèves, les villes de Nîmes et de Dijon et les régions. Ensemble, ces différents partenaires ont réussi à trouver une nouvelle formule de financement et, aussi et surtout, à une nouvelle définition de l’importance de la place de ces sections. Il faut savoir que les sections ont été créées en 1920, au moment de la création de la Tchécoslovaquie. A cette époque, la France était le ‘grand frère’ qui nous aidait. Aujourd’hui, nous voilà au XXIe siècle, avec l’Union européenne, des projets de coopération multilatéraux. Le projet bilatéral des sections franco-tchèques a dû trouver sa place dans ce monde ouvert. L’ensemble des partenaires des sections sont parfaitement conscients de l’importance des relations très personnelles que les sections mettent en place. Car les élèves tchèques sont complètement intégrés dans les classes françaises, ils passent leurs week-ends dans des familles d’accueil. Par conséquent, un niveau très personnel d’amitié franco-tchèque se crée. Il ne s’agit pas là de déclarations politiques d’amitié, mais d’une amitié vécue au quotidien. Ces amitiés permettent de construire l’Europe d’aujourd’hui, de demain, d’approfondir les relations européennes que nous partageons et de leur donner un contenu très concret dans un monde global et ouvert. »
Lycéenne à Nîmes de 1991 à 1993, Kristýna Křížová nous fait partager son expérience personnelle :
« Cette expérience a été très forte et importante pour moi. Surtout, j’ai découvert un nouveau système d’enseignement, une nouvelle approche. C’est quelque chose qui m’influence aujourd’hui encore. Le point le plus fort du système français, c’est l’importance qu’il accorde à la méthode, à la réflexion critique et à l’esprit indépendant, au travail avec les ressources. Cela vous aide ensuite pour le reste de votre vie dans le travail. »
Après avoir passé le baccalauréat français, vous êtes retournée en République tchèque pour y poursuivre vos études. N’avez-vous pas envisagé de rester en France ?
« Si, j’aurais voulu continuer mes études en France, mais j’ai passé mon bac en 1993. A l’époque, la République tchèque ne faisait pas partie de l’UE, le mur de Berlin venait juste de tomber… Les programmes de type Erasmus n’existaient pas encore. Nous avions déjà une bourse de l’Etat français et en obtenir une autre pour nos études universitaires n’était pas possible. Les jeunes Tchèques qui partent aujourd’hui faire leurs études secondaires à Nîmes ou à Dijon sont dans une situation tout à fait différente, ils ont accès à toutes sortes de bourses. Une fois passé le bac dans une section tchèque, environ 40% des élèves tchèques restent en France, le même nombre retournent en République tchèque et 20% vont un peu partout dans le monde : aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Scandinavie… »
Vous restez en contact avec les anciens élèves des sections tchèques en France. Ceux qui poursuivent leurs études et plus tard aussi leur carrière professionnelle à l’étranger, souhaitent-ils transmettre leur savoir-faire et leur expérience dans leur pays d’origine ?
« Les élèves tchèques qui passent leur bac en France sont ensuite libres de choisir leur voie et le pays où ils veulent vivre. Sur le long terme, nous voyons que même ceux qui ne rentrent pas en République tchèque gardent un contact avec le pays. S’ils deviennent étudiants, ils participent souvent aux projets de coopération qui existent entre les universités à l'étranger et les universités tchèques. S’ils travaillent dans le privé, on les rencontre dans des échanges commerciaux entre la France et la République tchèque. Mais il n’y a pas de mesure institutionnelle de la part de l’Etat tchèque pour motiver ces jeunes qui sont brillants et parlent plusieurs langues à rentrer ou à avoir un contact plus proche avec leur pays d’origine. S’ils désirent se rapprocher de la sorte de leur patrie, ils le font, mais c’est alors une initiative personnelle. »
Ondřej Svoboda : connecter des entreprises tchèques et françaises
Ancien élève du Lycée Carnot de Dijon, Ondřej Svoboda se range parmi ces Tchèques qui ont choisi de rester en France, tout en conservant un lien étroit avec la République tchèque. Installé en France depuis 2001, Ondřej Svoboda retrace son parcours :« Je suis arrivé au Lycée de Dijon en seconde et y suis resté jusqu’en terminale. Ensuite, j’ai suivi un parcours classique : prépa HEC, l’école de commerce de Grenoble. Je suis parti en Suisse pour cinq ans, j’ai travaillé en tant qu’auditeur interne dans une grande société, j’ai voyagé 80% de mon temps. Ensuite, j’ai décidé de quitter ‘la grande société’ pour me lancer dans une aventure entrepreneuriale personnelle. »
Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
« Je suis en train de lancer un projet avec mon associé qui, lui, vit en République tchèque. Notre objectif est de connecter des entreprises tchèques et françaises, de fluidifier les relations franco-tchèques dans leur intégralité. »
Bénéficiez-vous du soutien de l’Etat tchèque ?
« Pour l’instant, c’est en négociation… Nous avons un grand soutien de la part du service économique de l’Ambassade tchèque à Paris, ainsi que de la Chambre de commerce franco-tchèque. Basée à Prague, celle-ci aide notamment les entreprises françaises à s’installer en République tchèque. Or, elle n’a pas d’équivalent en France. Nous essayons de combler ce vide, à court et moyen terme. »
Quel rapport les Tchèques que vous connaissez en France entretiennent-ils avec leur pays d'origine ?
« Il y a plusieurs catégories de Tchèques ou de Tchécoslovaques qui vivent en France. D’abord, il y a les générations qui sont parties avant 1989. Cette catégorie est divisée entre ceux qui sont partis après la Deuxième Guerre mondiale, après 1968, dans les années 1970. Ces gens-là sont moins de mon domaine, je dirais. Les jeunes, partis après 1990, sont divisés eux aussi. Certains sont partis pour leurs études, ils ont souvent très envie de rentrer, mais ils ne voient pas d’opportunités en République tchèque. Il y en a d’autres qui sont effectivement rentrés. D’autres encore sont partis pour de bon et n’ont plus envie de rentrer. Hormis les institutions comme le Centre tchèque de Paris ou l’association des Ecoles tchèques sans frontières, l’Etat tchèque ne met pas en place de vraie politique axée sur les Tchèques à l’étranger. Avant, la diaspora tchèque en France était très individualisée, les Tchèques n’étaient pas connus en tant que communauté qui se réunit, à l’instar de la communauté polonaise ou hongroise. Maintenant, nous commençons à nous organiser. De plus en plus, nous assistons à la création d’associations, comme l’Association des étudiants et jeunes professionnels à Paris. Des communautés sont en train de se créer aussi autour de l’Ecole tchèque sans frontières. »
Vous-mêmes, envisagez-vous de rentrer en République tchèque un jour ?
« Je viens de me marier avec une Française, donc c’est un peu plus compliqué… De plus, mon projet professionnel aujourd’hui ne peut se faire que si je reste en France, en tout cas pour les prochaines années. Moi, j’ai toujours voulu rentrer, à l'origine je n'étais parti que pour trois ans. Mais mes parcours professionnel et ensuite personnel en ont décidé autrement. J’aimerais bien rentrer ne serait-ce que pour un an, pour montrer à mon épouse à quoi ressemble une année tchèque, comment on fête Noël, Pâques, comment on passe les week-ends, ce que c’est qu’une ‘chata’, etc. Mais c’est un projet remis à plus tard. »