Les trois grandes périodes dans l'existence d’un petit théâtre

Théâtre sur la balustrade

Le cinquantenaire du théâtre pragois Na zábradlí (Sur la balustrade) est l’occasion de faire le bilan artistique d’une scène petite par ses dimensions mais grande par son importance. Lorsque, le 9 décembre 1958, a eu lieu la première représentation dans cette salle extrêmement modeste, les jeunes artistes d’avant-garde ayant monté un petit spectacle de cabaret ne se doutaient pas qu’ils ouvraient un chapitre important de l’histoire moderne du théâtre tchèque.

C’est une petite rue du quartier de la Vieille ville de Prague, la Rue sur la balustrade, qui a donné son nom à ce théâtre qui ressemblait à ses débuts aux cafés-théâtres parisiens. Dès 1959, le répertoire de l’établissement s’est enrichi de la pantomime grâce à la troupe du mime Ladislav Fialka. Le caractère léger des spectacles change après l’arrivée du metteur en scène Jan Grossman qui impose à la petite scène un répertoire extrêmement ambitieux. Ses célèbres productions, dont « Le Procès » de Franz Kafka et « Ubu roi » d’Alfred Jarry, font bientôt connaître le théâtre au-delà des frontières de la Tchécoslovaquie. C’est Jan Grossman qui met également en scène les premières pièces du jeune dramaturge Václav Havel. Un des responsables du répertoire du Théâtre sur la balustrade, Miloslav Klíma, se souvient :

«Il a été une véritable accoucheuse des pièces de Vaclav Havel. Ils ont passé par exemple une semaine ensemble à Špindlerův Mlýn ou à Harachov, et c’est là que Havel a achevé sa pièce ‘La fête en plein air’. Je ne veux pas dire par là qu’il y a dans le texte de Havel des phrases de Grossman. Je veux dire que Grossman exerçait une influence quotidienne sur ce qu’écrivaient les auteurs. C’est pourquoi de nombreux auteurs lui donnaient leurs textes à lire. On savait que Grossman tâcherait de trouver, comme il disait, l’énergie qui avait obligé l’auteur à écrire son texte.»

Cette période glorieuse du Théâtre sur la balustrade sera brutalement interrompue par l’occupation de la Tchécoslovaquie en 1968. Bien que Grossman et Havel aient été contraints de partir, l’établissement conserve son haut niveau artistique grâce à quelques nouveaux venus, parmi lesquels les metteurs en scène Jiří Menzel, Jiří Krejčík et notamment le cinéaste Evald Schorm à qui le régime communiste a interdit de faire du cinéma et qui investit donc son immense talent dans le théâtre. Ces personnalités attireront dans la troupe toute une pléiade d’excellents comédiens. La dernière grande période de l’établissement commencera après la chute du communisme grâce au jeune artiste Petr Lébl qui remodèlera la troupe selon les principes post-modernes et dont les productions novatrices seront saluées par la critique et admirées par le public.

Aujourd’hui le théâtre évoque donc son passé. Dimanche, il s’est ouvert au public, et ce mercredi il fête son anniversaire en compagnie de nombreuses personnalités de la scène culturelle. Et selon sa directrice actuelle, Doubravka Svobodová, les festivités vont se poursuivre:

«Le 21 décembre, nous consacrons au 50e anniversaire un festival de petites pièces intitulées ‘Les énormes petitesses’ préparé par Karel Král, rédacteur en chef de la revue ‘Svět a divadlo (Le monde et le théâtre)’. Puis les trois premières de la pièce ‘Nous, les héros’ de Jean-Luc Lagarce que nous préparons en ce moment et qui touche les rapports des gens dans le milieu théâtral, constitueront le point d’orgue des festivités.»

Les manifestations les plus diverses rappelant l’histoire et l’importance du Théâtre sur la balustrade continueront ensuite jusqu’à la fin de la saison 2008-2009.