Let Me Hear Your Footprints : la rencontre entre art et handicap
Jusqu’au 11 septembre, l’exposition de la Meet Factory de Prague, intitulée Let Me Hear Your Footprints, littéralement Laisse-moi entendre tes empreintes, bouscule notre perception de la réalité. Dernière partie du grand cycle Other Knowledge, elle met en avant les différents handicaps et prouve de façon poétique que tout le monde peut être un artiste.
L’exposition Let Me Hear Your Footprints (Ať zaslechnu tvé stopy), qui s’inscrit dans un cycle plus grand, souhaite montrer les différentes manières de penser le monde, de façons moins rationnelles et factuelles. Ici, l’intuition et les émotions sont les moteurs pour apprendre à se connaître et pour connaître l’environnement qui nous entoure. L’une des deux conservatrices, Tereza Jindrová, nous présente sa dernière exposition :
« Let Me Hear Your Footprints met en avant l’expérience, le savoir et la perception de personnes ayant des soi-disant handicaps. Je parle de personnes ayant des besoins particuliers, à cause de leur condition physique, psychologique ou sensorielle. Nous voulions vraiment inviter des artistes qui sont eux-mêmes concernés directement par ces handicaps, ou alors qui travaillent avec des personnes handicapées. De cette manière, nous offrons au grand public leur expérience. »
Cette exposition d’art contemporain met en avant différents artistes, tous soit en contact, soit directement touchés par un handicap. Néanmoins, Tereza Jindrová nous explique pourquoi elle ne cautionne pas l’emploi du terme « handicap » :
« Je ne suis pas du tout satisfaite du vocabulaire que l’on emploie. Les mots ‘handicaps’ ou ‘besoins spéciaux’ sont très excluants. Ils suggèrent qu’il y a d’un côté une norme et une soi-disant normalité, qui comprend santé et capacité, et de l’autre, le reste. Alors qu’en réalité, si nous regardons autour de nous, chez notre famille ou nos amis, nous pouvons dire qu’au final, tout le monde a des problèmes et que ce qui fait la différence est l’échelle. L’idée de la normalité et de la capacité peut être négociée et pensée autrement. Notre société a des normes et est obsédée par la catégorisation et l'étiquetage, par conséquent, il y a beaucoup d’exclusions lorsque l’échelle du problème devient trop importante. Finalement, tout est une question de dosage. »
L’exposition souhaite donc briser la barrière entre les personnes dites capables et celles présentant un handicap. Comme le dit Tereza Jindrová, notre société est très capacitiste (ou validiste), c’est-à-dire qu’elle a tendance à rejeter la différence et exclure les handicaps. Let Me Hear Your Footprints prend le contrepied de cette idée. De fait, nous retrouvons aussi ce thème dans le titre de l’exposition. Tereza Jindrová :
« C’est aussi ce que le titre de l’exposition suggère. Let Me Hear Your Footprints ne veut rien dire littéralement mais c’est une manière poétique d’exprimer la volonté et le souhait de vivre l’expérience de quelqu’un d’autre en marchant sur leurs pas. Mais le titre évoque aussi le fait qu’il est impossible de devenir complètement quelqu’un d’autre et de totalement comprendre la perception de la vie d’autrui »
Pour essayer de comprendre cette perception, tous les sens sont mis à l’épreuve dans l’exposition. Entre jeux sonore, visuel et assemblage de matière, la perception de ce que l’on considère comme normal se trouve transformée. En plus de se jouer de nos sens, l’exposition nous prive également de certains d’entre eux, ce qui permet aux visiteurs de se plonger dans une nouvelle version du monde. Tereza Jindrová nous explique pourquoi il est, selon elle, important de se confronter aux vérités d’autrui :
« La notion de l’autre et d’autrui est le fil rouge de tout le cycle mais aussi de cette exposition. Notre but et notre souhait est de réfléchir sur l’autre, d’une façon plus positive et émancipatrice. Il faut considérer la différence et l’autre comme quelque chose de bon et de nécessaire dans nos vies, et dans le monde. Il faut aussi élargir nos horizons aux autres manières de penser le monde, par exemple, au travers du prisme de la croyance et de la religion, qui est aussi légitime que celui de la science. Nous pouvons aussi penser à la notion de l’autre dans des aspects bien plus particuliers, comme nous le faisons dans cette exposition, qui essaie de montrer les qualités d’autrui de façon positive. »
Cette exposition, visible à la Meet Factory de Prague, est donc un passage obligé pour les amateurs d’art contemporain qui souhaiteraient voir le travail de personnes en situation de handicap.