L’Etat s’apprête à compenser les pensions alimentaires impayées
Le ministère du Travail et des Affaires sociales prépare un projet de loi qui permettra à l’Etat de compenser les pensions alimentaires impayées. L’autorité publique se chargera par la suite de récupérer les indus auprès du parent concerné. Non seulement une telle mesure a des précédents dans le cadre législatif tchèque, mais ses variantes existent dans une vingtaine de pays européens. Les paramètres concrets de sa mise en place, envisagée à partir de 2016, étant à présent inconnus, les critiques se concentrent surtout sur les coûts de sa réalisation.
Des nombreux Etats européens se sont déjà penchés sur ce type de mesures pour assurer le recouvrement de la pension alimentaire impayée, dans la mesure où celle-ci représente une source de précarité pour les parents et les enfants concernés. En France, un mécanisme de renforcement des garanties contre les impayés de pensions alimentaires a été mis en expérimentation dans certaines régions en août dernier. Alors qu’en France une telle mesure s’inscrit dans la loi « pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes » en République tchèque, la ministre Michaela Marksová Tominová justifie cette mesure en termes de protection des droits de l’enfant :
« Cette mesure est destinée aux parents à qui l’autre parent ne paie pas la pension alimentaire. Il s’agit d’un soutien aux parents vivant seuls. Dans notre société, nous avons un groupe d’enfants précarisés qui souffrent du fait qu’un de leurs parents ne paie pas la pension alimentaire. Je trouve cela scandaleux. »Inscrite dans les cadres législatifs allemand, autrichien, polonais ou encore slovaque, la compensation de la pension alimentaire impayée a également une tradition en République tchèque. Mise en place en 1948, dans le cadre de la politique d’Etat pro-nataliste, elle a existé jusqu’en 1991,puis dans une forme réduite avant d’être abrogée en 2006. La réintroduction de cette mesure est ainsi devenue un point fixe du programme du parti social-démocrate, auteur de quatre projets de loi allant dans ce sens. En 2005, la loi instaurant ce système a même été votée mais le véto présidentiel lui a mis fin.
« L’Etat doit s’occuper des enfants dans des situations de précarité, dans lesquelles se retrouvent le plus souvent les familles où un des parents ne respecte pas son obligation alimentaire. Ce n’est pas seulement une proposition de la social-démocratie. La mise en place d’un système de compensation de la pension alimentaire par l’Etat fait partie de notre déclaration de politique gouvernementale, dans laquelle il a été introduit sous l’impulsion du mouvement ANO. »
Ainsi, la réaction du chef de la formation ANO, Andrej Babiš, peut paraître surprenante :
« L’Etat ne peut pas venir au secours de cette manière, sinon, on devrait aussi payer les factures impayées des entrepreneurs et bien d’autres choses et cela mènerait à la faillite. »La plupart de critiques s’attaquent aux coûts de la mesure envisagée qui sont estimées à 962 millions de couronnes (35 millions d’euros) par an. Néanmoins, les défenseurs de cette mesure partent du principe que les procès en justice pour faire valoir ce droit à la pension alimentaire représentent une charge supplémentaire pour la famille déjà affaiblie, avec un résultat incertain. Dans ce sens, l’Etat, qui se substitue au parent débiteur, dispose des moyens plus efficaces pour ensuite récupérer l’argent dû. Le projet gouvernemental envisage également un plafonnement de la somme versée, calculée en fonction de la pension moyenne. Si la loi entre en vigueur comme prévu en 2016, les familles monoparentales pourraient compter sur une aide allant de 80 à 120 euros mensuels.